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Une junkie de l’amour se perd dans le Nord

Poétesse, architecte, musicienne, performeuse, Nathalie Yot signe un premier roman qui nous entraîne sur la trajectoire déterminée d’une femme en quête d’amour. Un livre ovni en forme de road movie, entre force et abandon.

Nathalie Yot, « Le Nord du Monde », Éditions La Contre Allée, 152p., 16 €.

Prisonnière d’un itinéraire intime, elle part vers le Nord pour s’affranchir. Le mouvement comme une fuite et la fuite comme issue fatale vers un espace libre, le personnage principal de Nat Yot est une femme qui a tous les âges. La narratrice imprime au roman la violence et la passion de la détermination féminine comme une force qui structure le parcours.

Dans un premier temps, elle distance l’homme chien sur ses traces, celui « qui flaire l’odeur de sa chair », mais bien vite s’inscrit sur la feuille de route une quête éperdue d’amour. Le récit se construit de rencontres sans lendemain dont l’intensité efface graduellement toutes les frontières. La fugitive trompe la solitude, croise Pierre avec qui elle parle sans dire, baise sans aimer, recharge sa batterie pour poursuivre sa route.

En regardant le ciel, elle traverse la Belgique à pied pour atterrir chez Mme Flaish. Une femme invisible, fantôme bienveillant de la narratrice, qui lui ouvre la porte silencieuse de la compréhension.

Un apprentissage du rapport à l’autre à travers la détérioration : « Les femmes se mettent dans des états hors limites ». Près du Pays-Bas, dans l’univers sonore apaisant de cette maison, la souffrance se tait, un instant. Mais la nuit retombe d’autant plus vite qu’il n’y a plus d’amour en réserve. Ça sonne creux dans la carcasse inflammable de cette jeune femme transformée en réacteur. Les notions d’espaces mental et spatial sont au cœur du livre.

Comment demeurer sans renoncer à la quête ? C’est cet espace d’une liberté potentielle que Le Nord du monde construit. « Je sais que tout le monde a peur. Je ne parle pas de la mort. Plutôt de la vie. Effrayante de possibilités. »

Dans une langue délestée, incisive, crue, qui percute le tragique et le larmoyant, l’auteure nous entraîne jusqu’au grand nord dans des contrées primitives. La dérive de son personnage engendre des relations sauvages, sans attache ni contrainte, mais aussi une netteté relationnelle aussi peu durable qu’intense, voire des épisodes déviants, comme lorsque la narratrice enfonce sa main dans les naseaux d’un cheval pour lui curer les narines.

Avec Le Nord du Monde, Nathalie Yot porte un regard aigu sur le monde, singulier en ce qu’il est à la fois décapant et profondément sensible.

Vous soupçonnez que Nathalie Yot pourrait bien être en train de vous égarer… Mais comme vous n’avez rien à attendre sur place et rien à perdre, vous allez vous propulser vers le Nord. Suivre obstinément l’aiguille de la boussole et avancer infiniment dans cette direction où le jour dure toujours et où d’étranges cadeaux peuvent tomber du ciel !

Un premier roman et un grand livre, encensé par le journal « Le Monde », d’une slameuse montpelliéraine au faîte de son art des mots. Puissant, dérangeant. Ainsi l’amour que porte la narratrice à Isaac, un orphelin trouvé dans la rue :

“Je l’enferme dans ma poitrine et je fais l’animal, je fais le torrent, le vent fort, je reprends le dessus, je m’impose et je sens qu’il va de nouveau me suivre, arrêter d’être contre. Ne fera plus barrière. Le soir, au bord du sommeil, il me caresse le dos comme on caresse un chat. Longtemps. Je jouis la tête dans mon coussin sans qu’il s’en aperçoive. Longtemps”.

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