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Sous la barbe de Sinterklaas, le père Noël hollandais

Un article publié sur son blog, La Haye des arts, par Anne Leray, journaliste montpelliéraine, aux pays-Bas depuis 3 ans.

Venir vivre aux Pays-Bas, c’est apprendre à vivre avec Sinterklaas ou Sint-Nicolaas, a fortiori avec des enfants, et encore plus s’ils sont scolarisés dans le système néerlandais. Cette figure légendaire à l’habit épiscopal fait son apparition à la mi-novembre, arrivant d’Espagne en bateau, avec son équipage et son cheval blanc. Il est ensuite célébré en fanfare dans tout le pays jusqu’au 5 décembre, date à laquelle il dépose ses cadeaux et rassemble les familles.

Aux Pays-Bas, Sinterklaas tient lieu de fête nationale. Il est incontournable, de même que ses Piet, camarades turbulents et facétieux qui l’accompagnent dans ses aventures et l’aident à distribuer ses cadeaux. Pas un jour ne passe en cette période sans que le Saint homme ne fasse parler de lui.

La thématique qui lui est liée est richement explorée. Les enfants font des dessins, chantent à l’école un répertoire de comptines impressionnant qu’ils connaissent sur le bout des doigts. Ils se déguisent et portent un chapeau de Piet pour aller au parc, à la bibliothèque ou au supermarché. Sinterklaas c’est tout un pan de la culture néerlandaise qui s’engouffre chez vous.

Quand un personnage imaginaire réunit un pays entier

Cette tradition joyeuse et colorée qui se cultive au quotidien et la passion qu’elle suscite est l’une des premières choses qui m’a marquée en arrivant aux Pays-Bas. J’ai trouvé incroyable la capacité de ce héros imaginaire à fédérer toute une population, toutes générations confondues, et à générer un vivre-ensemble festif dans la durée.

Dans cette histoire collective, les grands s’amusent autant que les petits, ravis d’entretenir la légende avec des mises en scène qui rivalisent de créativité. Sinterklaas a même son propre journal télévisé, Het Sinterklaas Journaal, présenté par Dieuwertje Blok. Un rendez-vous quotidien très suivi.

Ce personnage imaginaire, à force d’être convoqué, mis en scène et présent absolument partout, en devient presque réel. Quelle figure en France lui arrive à la botte ? Qui parvient à transcender ainsi les clivages d’un pays pour faire plancher tout le monde sur un scénario commun pendant plus de deux semaines ?

Sinterklaas fédère et Zwarte Piet divise

Si Sinterklaas fédère, il y a cependant un élément de l’histoire qui divise et réactive polémiques et manifestations chaque année. Il s’agit de Zwarte Piet, personnage au visage peint en noir, aux lèvres ourlées de rouge et coiffé d’une perruque afro frisée. Il est de plus en plus contesté et vécu comme une représentation raciste. Une grande partie de la population veut cependant garder ce Piet en l’état, soutenant que ce n’est pas affaire de racisme mais de tradition.

Une représentation vaut pourtant pour ce qu’elle montre et celle-ci n’est pas anodine. Difficile de faire comme si le cliché qu’elle véhicule, souvent malgré elle mais rappelant l’esclavage et la colonisation, n’existait pas. N’est-il pas l’heure de faire évoluer la tradition ? Une partie du pays y est d’ailleurs favorable.

Les Piet commencent ainsi à être représentés avec le visage partiellement charbonné, évoquant le fait qu’ils se frottent à la suie des cheminée en livrant leurs cadeaux. Et cela fait toute la différence. Ce changement, instauré par Amsterdam (photo), est soutenu par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Comment vivre avec deux pères Noël à la maison ?

Quand je regarde l’envers du décor, ou encore le mauvais côté de la crosse, il m’arrive de voir le tableau de Sinterklaas en demi-teinte. Son omniprésence, qui n’est pourtant qu’à l’image de la joie de ses fans, arrive à provoquer un sentiment de trop plein. Sinterklaas à l’école, Sinterklaas à la crèche, Sinterklaas dans les rues, Sinterklaas dans les comités d’entreprise, Sinterklaas au club de foot… Les enfants sont à fond, vraiment à fond, et comment imaginer d’ailleurs qu’ils ne le soient pas.

A la maison, notre cheminée se transforme en lieu de culte. On y chante des chansons tous les soirs, on y pose un chausson, des dessins pour Sinterklaas et une carotte pour son cheval, espérant qu’il passera la nuit venue. C’est charmant, et parfois moins amusant. L’enfant dans l’attente quotidienne de recevoir quelque chose, se lève régulièrement à l’aurore pour vérifier si le Saint homme est passé. Inévitablement, il est plusieurs matins chagrins quand tel n’est pas le cas. Il est alors temps de dialoguer, comprendre et réguler.

Pour l’enfant français (dans mon cas) évoluant dans le système néerlandais, il y a forcément décalage entre l’extérieur et ce qui se vit à la maison car il est difficile de suivre le rythme, l’intensité voire la ferveur de la population vis à vis de son Sint. Il s’agit d’accompagner ses enfants dans une croyance qui nous est lointaine, d’apprendre à faire cohabiter harmonieusement deux cultures. Car à peine Sinterklaas a-t-il tourné les talons, que se profilent déjà les bottes de son vieux cousin le Père Noël. Mais c’est une autre histoire.

Anne Leray

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