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Au Printemps des Comédiens : Marx pour rire

On avait raté « Le capital et son singe » en 2014 : au programme du Printemps des Comédiens de 2014, annulé sous la pression des Intermittents. Ce « Banquet Capital » présenté au festival depuis dimanche, offre une séance de rattrapage. Et une bonne séance de rire !

Voix singulière dans le théâtre français, doublement singularisée par un riche répertoire de textes politiques et par l’élaboration collective du travail « au plateau », Sylvain Creuzevault avait marqué les esprits, il y a quelques années à La Vignette, avec « Notre terreur » : puissante chronique des dernières heures de Robespierre.

On retrouve d’ailleurs la même table au centre dans cette version de travail qui nous ramène au temps de la fabrication de la pièce, des recherches de la troupe. C’est l’unique décor. Elle est tout en même temps table de banquet, tribunal, lieu de vie et de lutte… C’est la même immersion charnelle pour le public, à quelques centimètres des acteurs .

Poursuivant sa transposition théâtrale de la pensée révolutionnaire, Sylvain Creuzevault place cette pièce sous l’égide de Marx, figuré par un masque de latex rouge. Ses écrits nourrissent une partie de ce « Banquet capital » en alimentant le propos sur un fait précis : on est à la veille de l’insurrection face à la République anti-sociale du 15 mai 1848, durement réprimée. Mais c’est une évocation lointaine. Marx est partout et nulle part. C’est tout sauf un théâtre politique qui se déploie, sans rien de littéral. L’histoire est ici le prétexte à une inventivité en roue libre. S’inscrivant dans un registre qui n’appartient qu’à lui , Creuzevault explore la dialectique révolutionnaire tout en la dynamitant d’un humour particulièrement borderline.

Banquet capital est un collage burlesque d’auteurs, d’époques, de registres qui ne s’est pas donné de limites. Les prouesses et les improvisations s’enchaînent. Grand moment : la vertigineuse bagarre théorique sur la valeur d’une marchandise. Ou le procès ubuesque fait à ce club d’insurgés qui ont donné leur nom à tant de boulevards : François- Vincent Raspail, Armand Barbès, Louis Blanc, Auguste Blanqui… Des Gilets jaunes du 19è siècle au verbe haut, shootés à la lecture de Lacan et de Charles Fourier.

Le talent des acteurs et la force comique de la proposition est telle qu’on est plié de rire pendant plus d’une heure trente. Les géniales pitreries de la bande à Creuzevault nous régalent mais dans une confusion de sens assez radicale qui peut faire regretter la rigueur et la clarté de « Notre terreur », centré sur un seul et même sujet . A cette réserve près, un spectacle qui enchante et fait un bien fou !

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