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Puissances du toulousain Sylvain Huc

Programmé à La Vignette dans le cadre de la saison de Montpellier Danse, le chorégraphe toulousain malaxe une physicalité extrême, que soulève une tentation du débordement.

Dans la pénombre

La lumière est rare, le restera, basse et rasante. Ainsi la scène du Théâtre de la Vignette se trouve en état de condensation compacte. Il y aura de la lutte, dans la manière qu’aura Sylvain Huc de s’y confronter. Lutte allégorique, par laquelle arracher sa place dans les résistances de la matière qu’il brasse, agrippe, malaxe.

La silhouette du danseur chorégraphe ne s’extrait que très progressivement de la pénombre. On le découvre vêtu d’un bermudas et débardeur très échancré, qui découpent ses formes dans une matière synthétique, presque plastique, dessinant au stylet la dramatisation de sa présence. Sylvain Huc est de complexion très masculine. Son entrée remarquée sur les scènes montpelliéraines s’est faite dans un contexte d’aménagement très politique – montanarienne – de la fusion régionale occitane.

Alors, c’est un peu idiot, mais notre mental montpelliérain d’intello esthète ne peut s’empêcher de plaquer sur cet artiste – en soi passionnant – quelque chose de la carrure du rugbyman du sud-ouest (Sylvain Huc est toulousain). Dans son solo Lex, cela oscille, par instants, avec un contour effigique de héros soviétique prolétarien. Rien là d’affreusemenyt idiot quand même : le propos de Lex est de tramer une négociation métaphorique avec les cadres de contrainte légale. Il n’est pas sûr que les règles du jeu sportif, ou celles des tribunaux de la grande histoire ne rôdent pas aussi dans ces parages.

La suggestion surpuissante de Sylvain Huc se focalise d’emblée à l’extrême, dans Lex. Le gaillard apparaît finalement bien petit, tout esseulé, confiné en fond de plateau, assis sur une gigantesque banquette, somptueusement dominée de rideaux, qui barre le mur de fond dans toute sa largeur la plus extrême. Il s’en dégage comme une emprise d’immensité. Là, Huc paraît collé à son assise.

Pour bouger, il n’a d’abord d’autre recours que glisser d’un côté ou de l’autre, à cour, à jardin, selon une conception de mouvement tout inédit. Ce serait comme un rampé roulant, une brasse gestuelle, où le bassin ferait un roulement à bille, autour et depuis lequel buste et membres tenteraient de se projeter éperdument dans un élan volontaire, exclamatoire, mais toujours à moitié contrarié.

Ce talent flagrant

C’est saisissant. Le chariot coulissant du corps sur la règle du siège interminable, mettra longtemps à se déployer au-delà de son rail. Peu à peu, Huc gagne enfin sa posture érigée. Il l’aura bien méritée. Ce combat fut passionnant, comme chaque fois qu’une danse s’obstine à épuiser une pure configuration physique, et génère une exploration systématique d’un dispositif de geste. On s’en trouve donc d’autant déçu, quand le performeur croit devoir théâtraliser la chose, mimant un peu bêtement les sourires de celui qui a réussi son coup. Outre sa minceur dramaturgique, il se trouve que ce versant comédien n’est pas à ranger comme talent flagrant de Sylvain Huc.

Cet égarement ne sera que passager. Le reste de la performance, portée par une sonorisation sourde, gagnant graduellement en volume comme en accélération des beats, l’occupe à exacerber cette mise en tension d’un corps qui doit toujours disputer sa marge d’espace, son déploiement kinésphérique, se capacité à creuse la faille, dans laquelle s’insinuant, se lovant, il révèle les intensités de lui-même. C’est garanti sans chiqué. C’est entier (sincère donc, indiquerait la synonymie d’autres langues latines).

L’obstination de Sylvain Huc est impressionnante, dans la mise au labour de sa puissance, portée près du débordement, jusqu’à un spasme concluant. Par les temps manifestants qui courent, un regard politique pouvait y projetait une consistance des oppressions et poussées d’émancipation.

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