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Quel art à construire sur les ruines du monde ?

Née de la collaboration avec la Biennale d’art contemporain d’Istanbul, “Permafrost, les formes du désastre” invite des artistes à évoquer l’urgence climatique et la sinistre litanie des maux contemporains. Pas follement joyeux, mais troublant et intéressant.

 

Après l’exceptionnelle expostition du MoCo sur l’art dissident russe -assez sous-estimée dans sa réception à Montpellier-, et avant les prestigieuses collections de Catherine Petitgas sur l’Amazonie, en mars, puis celle de la béninoise Marie-Cécile Zinsou, cet été, Nicolas Bourriaud continue son tour du monde. Cette nouvelle exposition est en grande partie liée à une collaboration avec des artistes stambouliotes dans le cadre du commissariat confié au directeur du MoCo pour la dernière Biennale d’Istanbul sous le thème du “7è continent”.

Le discret Vincent Honoré, directeur des expositions du MoCo, est à l’oeuvre dans cette nouvelle proposition de La Panacée. Après le continent de plastique à Istanbul, voici “Permafrost” à Montpellier du nom de ce sol gelé, couvrant à lui seul près de 20 % de la terre, dont la fonte est très problématique.

L’exposition démarre par la sculpture vidéo de l’anglaise Eloise Hawser (ci-dessus) qui a filmé le plus grand centre de recyclage d’Istanbul. On suit le ballet des grues, depuis la cabine de pilotage en mode panoramique, qui saisissent les détritus avec une impitoyable régularité. Une oeuvre puissamment allégorique co-produite, comme plusieurs comme elles, par la 16è Biennale d’Istanbul et le MoCo de Montpellier. Un choc !

Puissant également ce squelette de buffle posé sur un socle de béton, de colle et de terre, signé du turc Ozan Atalan : il témoigne de l’exil forcé de l’animal à la suite de la construction d’un nouvel aéroport à Istanbul, le plus grand du monde, et à un nouveau pont sur le Bosphore.

Avec ses œuvres suspendues le duo d’artistes lithuanien Pakui Hardware suscite la perplexité. Même attentive, l’écoute des modérateurs (de qualité) ne peut nous aider totalement à percer le mystère d’une oeuvre (“Extrakorporal”) qui se présente comme une grande poupée de chiffon en fausse fourrure, verre soufflé et graines de chia, censée évoquer la médecine régénérative. Un monstre d’anticipation ! Grrrrr…..

Rare proposition pouvant se relier à une histoire de l’art : “The Ruins of Hope 2” du turc Denis Aktas se réfère à un tableau du 19è siècle. Un magnifique dessin à l’encre sur papier évoquant un mur de pneus.

Voilà typiquement une exposition qui réveille les vieux reproches d’hermétisme. L’oeuvre qui fait le plus parler : les lavabos de la danoise Nina Beier dans lequel s’encastrent des cigares “roulés à la main”. Charmant sarcasme et vision très genrée des deux moitiés de l’humanité de plus en plus indistinctes.

Les jeunes stagiaires de LOKKO, présents à la visite de presse, ont eu du mal à “adhérer”. D’autant que l’accablement menace. Il n’est pas clairement acquis que “Permafrost” permettre l’espoir, comme annoncé dans le livret (de qualité) offert au public, qu’elle dessine des lignes de fuite. C’est un festin plastique de fin du monde, d’ailleurs subtilement éclairé et agencé. Des formes nées des ruines, des récits d’apocalypse. L’humanité dépassée est superbement incarnée par cette tête gréco-romaine renversée sur des machines éventrées de l’artiste péruvien, vivant à Bruxelles, Nicolás Lamas (photo à la UNE).

Comment dans ce “no way”, cette appétence pour le désastre -esthétiquement irrésistible- les artistes comptent-ils réveiller nos consciences ? Nous aider à dépasser l’impossibilité de réagir collectivement ? Sont-ils plutôt, pour reprendre l’expression d’un artiste, “comme une pie australienne imitant une sirène d’urgence pendant les feux australiens” ?

Jusqu’au 3 mai à La Panacée. Entrée libre. On vous recommande le programme de haute tenue des conférences.
www.moco.art

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