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La Rose Écarlate, un manga féministe

Avec le succès retentissant des seize tomes de sa saga La Rose Écarlate traduite en anglais et novélisée, Patricia Lyfoung est une référence de la BD francophone. Entre intrigues, amitiés, amour et justice sur fond de France du XVIIIe, les aventures de Maud et Guilhem ont accompagné de nombreuses lectrices tout au long de leur enfance puis adolescence. Retour sur le parcours et les influences de celle qui a conquis plus d’un million de lecteurs !

Dessiner, une évidence !

Patricia Lyfoung est née le 18 décembre 1977 à Villeneuve la Garenne en région parisienne, au sein d’une joyeuse cacophonie de huit enfants. Quand elles ne se racontent pas des « histoires de ouf » avec les poupées barbies, confie-t-elle, Patricia et ses sœurs dessinent. Elle s’isole alors de l’effervescence de la maison grâce à cette activité paisible et bon marché. « J’étais relativement calme, j’avais une capacité de concentration par rapport au dessin que d’autres enfants n’ont pas. » se souvient-elle, comme un indice de sa vie future.

Lorsque le temps est venu de choisir un métier, Patricia ne s’imagine pas finir dans un cabinet de comptable. En réalité, elle ne s’imagine pas dans autre chose que le dessin, comme ce qu’elle a toujours fait. Elle le réalise avec brio : après avoir décroché un bac littéraire et un Diplôme des Métiers d’Art en dessin à l’école Estienne, elle effectue une formation aux Gobelins. C’est là qu’elle apprend la technique, qu’elle qualifie de “primordiale” et complémentaire à sa passion.

Ses profs trouvent le manga “vulgaire”

C’est à travers le prisme de nombreuses influences que Patricia Lyfoung a fait du manga son style graphique de prédilection. Avec une enfance rythmée par Club Dorothée et Les Chevaliers du zodiaque, elle nourrit son imaginaire grâce au petit écran. « On se sent plus proches des personnages de mangaLes codes graphiques sont beaucoup plus expressifs. » explique-t-elle. Pourtant, à l’époque, il n’est pas considéré comme un style noble et très peu répandu dans les bibliothèques des enfants. Patricia est même critiquée par ses professeurs de dessin qui le jugent « vulgaire ».

Quinze ans plus tard, la tendance semble s’inverser : « Aujourd’hui, les enfants sont beaucoup plus habitués à lire des mangas ou voir des animés. Quand ils dessinent du Naruto ou du Dragon Ball Z, cela semble davantage normal que du Gaston Lagaffe. Je suis contente d’avoir persisté dans ce style car il me correspond. »

La Rose Écarlate, un mix entre un sushi et une baguette !

Telle est la manière dont elle décrit sa BD ! Et pour cause : les aventures de Maud et Guilhem sont véritablement un melting-pot des influences et des aspirations de Patricia Lyfoung. Alors qu’elle réalise un manga sur le baseball dans le magazine “Coyote”, elle mûrit en parallèle l’idée de “La Rose Écarlate”. « Le dessin est mon média pour raconter les histoires.La Rose Écarlate” était une histoire d’aventure, d’amour, de belles choses que je n’avais lues nulle part mais que j’avais envie de lire. »  Parmi les animés à la télé, les mangas qu’elle feuillette et les histoires dont ses playmobils sont les acteurs, une influence se détache du lot : celle de l’animé Lady Oscar, adapté du manga japonais La Rose de Versailles qui mêle personnages fictifs et membres de la cour comme Marie-Antoinette.

La BD de Patricia Lyfoung se démarque en mêlant les influences. Contrairement aux shojos japonais, la bande dessinée franco-belge produit peu pour un lectorat adolescent. Son projet pallie ce manque en hybridant le format franco-belge (46 planches en couleurs) et le style graphique de manga japonais (200 pages en noir et blanc).Maud, justicière fleur-bleue

L’héroïne de sa saga naît avant tout d’une volonté d’écrire pour les filles, sur les filles et par une fille. La plupart des personnages de BD féminins prennent vie par la plume de garçons, qui en font souvent des individus superficiels et clichés. Patricia Lyfoung rééquilibre la balance et nuance ses protagonistes féminines.

« Maud est un personnage avec lequel j’aurais voulu être amie ou auquel ressembler », explique sa conceptrice. Ainsi, elle invente une jeune fille à laquelle beaucoup d’entre nous peuvent s’identifier, la bonne copine à la joie de vivre indéfectible malgré ses nombreuses péripéties. À sa personnalité fleur-bleue totalement assumée, Patricia Lyfoung ajoute ses propres traits de caractère comme la générosité et l’altruisme, pour donner vie à une justicière farouche au grand cœur.

Vous aurez peut-être remarqué que dans toutes les histoires de Patricia Lyfoung, tantôt Maud et Guilhem qui jouent les Robins des Bois à la cour de Versailles, tantôt Noa dans Un Prince à croquer qui fuit son héritage royal pour devenir anonyme à Paris, les personnages ont systématiquement deux identités. Patricia explique cela par un parallèle avec sa propre histoire : « Quand j’étais petite, je voulais passer pour une fille normale. J’étais toujours fourrée à regarder les dessins animés alors que les autres filles regardaient les garçons. ». Mais elle souhaite aussi par ce biais lutter contre les visions manichéennes et approfondir la psychologie de ses personnages, redéfinissant ainsi la notion même de héros sans peur et sans reproche.

Une BD inspirante

L’idée de la Rose Écarlate est le résultat d’une volonté « égoïste » de raconter des histoires et de divertir, mais ses conséquences dépassent largement les pages de l’œuvre. Quand on lui demande si elle considère Maud comme une héroïne moderne et porteuse d’un message, Patricia Lyfoung réplique : « Une fois que cela vit, les gens ont un regard dessus que je ne maîtrise pas. Ce point de vue, c’est vous qui allez l’avoir ou pas. ». Son héroïne a d’ailleurs impacté différemment les lectrices, entre une férue de justice devenue avocate et une exploratrice partie en Turquie pour admirer les paysages du tome cinq !

Si Patricia Lyfoung se réjouit de la récente lumière sur ces femmes oubliées par l’Histoire, elle rend également hommage à nos héroïnes de tous les jours, comme sa mère qui a élevé 8 enfants. Plutôt que d’avoir un modèle féminin à aduler, elle souhaite à chaque petite fille, à commencer par la sienne, de réussir sa vie tant personnelle que professionnelle qu’elle choisisse de découvrir le vaccin contre le coronavirus ou de monter les marches du festival de Cannes !

Et s’il y avait autant de féminisme que de femmes ?

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Trisha
Trisha
3 années il y a

Toujours tout ramener au féminisme dès qu’une oeuvre met en scène une femme, c’est ridicule.

Harryestla
Harryestla
1 année il y a

Je vous félicite !! Cet article m’a transporté !!
Je trouve qu’il est très bien écrit , va à l’essentiel et fait part de tout ce que je voulais savoir . Merci !!

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