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La streameuse Ultia harcelée pour avoir dénoncé le sexisme lors du Zevent

Dimanche 31 octobre, en plein Zevent à La Grande-Motte, sorte de Téléthon du jeu vidéo, la streameuse Ultia s’est mobilisée contre une scène sexiste. De quoi lui valoir un tombereau d’insultes et menaces en ligne. Un symptôme de la difficile place des femmes dans le milieu des jeux vidéo.

Les records, mais à quel prix ?” Face à la caméra, Ultia est ulcérée. Il est presque 18h en ce dimanche 31 octobre : la “streameuse gaming” s’emporte contre un dérapage sexiste.

10 millions d’euros : un record caritatif

Jusque-là, tout se passait bien au Palais des Congrès de la Grande-Motte qui accueille le “Zevent” 2021. Un événement caritatif porté par le streamer montpelliérain Adrien “ZératoR” qui réunit trois jours durant la crème du milieu. Cette édition battra d’ailleurs le record du nombre de connexions sur Twitch en France (plus de 700 000) et celui de la plus grosse collecte : plus de 10 millions d’euros pour l’ONG Action contre la faim.

“Tu m’embrasses là, en bas”

Le principe de ce véritable Téléthon du jeu vidéo à l’ambiance jeune et potache : chaque streamer anime un direct sur sa chaîne, invitant sa communauté à donner. Sauf que ce dimanche, le direct d’“Inoxtag” dérape. Surexcité, le jeune homme de 19 ans accueille l’actrice mexicaine Andrea Pedrero qu’il explique connaître depuis plusieurs mois. La séquence devient vite surréaliste : comme dans un film d’ados américain, il multiplie les références et blagues graveleuses face à une invitée qui ne comprend pas le français ! Morceaux choisis : “C’est une bombe atomique ! Elle a 29 ans, je suis encore puceau, et c’est moi qui vais la soulever”. Ou encore : “À 200 000 (euros de dons), on fait un showcase. Tu m’embrasses là, en bas”. Également : “Je suis son meilleur date, je vais pas être son meilleur au lit”. Avant que le streamer lui fasse répéter au micro, sourire bête aux lèvres : “tu as une grosse b…” Sur le tchat, sa communauté déborde également. Mais les dons s’accumulent, dans l’euphorie générale.

De quoi agacer Ultia, féministe assumée, qui dénonce régulièrement les dérives sexistes du milieu. Ultia est bien connue : elle est une des plus grandes streameuses en France, diffuse au quotidien ses parties de jeux vidéo sur la plateforme Twitch, et vit des dons de ses 200 000 fans. En direct, elle se désespère du succès de la séquence. Elle demande que la situation cesse “parce que la fille ne parle même pas français, elle sourit, alors que des gens l’insultent… C’est vraiment à vomir”.

“Sal3 gross3 put3 on va te v1ol3r en bande”

Très vite, des extraits vidéo de son intervention sont relayés sur les réseaux. Les comptes Instagram, Twitter et Twitch d’Ultia sont inondés de milliers de commentaires haineux, menaces, insultes, appels au viol…

Le harcèlement est tel que la streameuse bloquera temporairement ses comptes sociaux. Des “raids” coordonnés au vu du nombre des messages identiques. Notamment celui-ci, effarant : “Sal3 gross3 put3 on va te v1ol3r en bande toi et toute ta famille”…

De son côté, Inoxtag invoque le “second degré” et valide avec son amie mexicaine qu’elle plaisantait également. Mais, constatant l’ampleur des réactions, son visage se décompose peu à peu. Il vient intervenir sur la chaîne d’Ultia pour lui présenter ses excuses. Il reconnaît qu’il devrait “faire attention”. S’en suit une conversation lunaire pendant laquelle Ultia lui explique l’enjeu de tels comportements face à “des centaines de milliers de personnes” et les risques de dérapages. “Après, ils la fétichisent, ils font des clips, (ton amie) finit sur des forums louches”, s’inquiète-t-elle. “Je vis ça tous les jours”. Inoxtag accepte la critique : “Ça n’arrivera plus. Je respecte toutes les femmes, tout le monde”. Il demande alors à ses fans de laisser Ultia tranquille mais trop tard… Le harcèlement perdurera de longues heures. À tel point que de nombreuses personnalités du jeu vidéo se mobiliseront pour la défendre.

“Des trucs ont dégénéré, c’est disproportionné”

L’organisation, le montpelliérain Zerator en tête, aurait-elle du réagir plus vite et plus fort ? Dans un premier temps, celui-ci a pris la chose à la légère, tweetant sur un “pseudo-drama”. Mais il effacera finalement ce message et dénoncera des “comportements abusifs”, en condamnant “tout harcèlement”. A l’écran, on sent sa gêne : “On a essayé de réagir le plus vite possible. Je suis en live, je ne vois pas tout ce qui se passe. Il y a eu des comportements qui ont suscité des harcèlements. Des trucs ont dégénéré. C’est disproportionné. J’apporte mon soutien à Ultia”. Le coorganisateur Alex Dach reconnaîtra, lui, que ce n’était peut-être “pas la bonne décision” d’attendre que les choses retombent pour réagir.

Quelques jours plus tard, que retenir de cette affaire ? LOKKO est entré en contact avec Ultia. Mais la streameuse ne souhaitait pas “s’exprimer au sujet du Zevent et de la tempête qui a suivi”. Elle renvoie vers une vidéo de sa chaîne où elle livre son ressenti.

“J’en ai marre de cette sexualisation abusive”

Dans celle-ci, elle assume crânement sa position. Elle assure “ne rien regretter” : “Je suis contente d’avoir ouvert ma gueule ! J’avais envie de faire parler mes valeurs en tant que fille, devant une situation qui mettait mal à l’aise beaucoup de monde. J’en ai marre de cette sexualisation abusive. Je ne pouvais pas laisser passer cela. C’est la dernière fois qu’on en parle”. Elle regrette d’autant moins qu’elle suggère que sans son intervention, les répercussions a posteriori auraient pu être “bien plus importantes”.

Ensuite, elle tient à rassurer ses fans. Face au harcèlement, même si elle force sans doute un peu le trait, elle insiste : “Je me sens bien. Je m’en bats les steaks d’une puissance phénoménale de tous les messages que j’ai reçus. Je suis bien dans mes baskets, je sais ce que je vaux“.

“Ils n’ont même pas l’âge d’être mes petits frères”

Que pense-t-elle des harceleurs ? Elle assure “ne pas se sentir concernée” par la haine envers elle. “C’est beaucoup de petits, des enfants. Ils n’ont même pas l’âge d’être mes petits frères“, commente-t-elle. “Ils vont à l’école. J’espère qu’ils apprendront plus tard que la haine attise la haine”. Elle rappelle que beaucoup de personnes l’ont soutenue. “C’est pas 5% messages négatifs qui vont m’atteindre. Personne n’est mort. Il en faut vraiment plus pour me faire flancher”.

Mais sans doute dépassée par les événements, elle cherche à calmer le jeu. Elle vole même au secours de son confrère : “Inoxtag n’est pas mauvais, il a été extrêmement maladroit. Souvenez-vous qu’il est très jeune“. Elle salue son “humilité”… et le remercie pour ses excuses en direct. “Tout le monde a le droit à l’erreur. À partir du moment où il est venu s’exprimer sur ma chaîne pour admettre ses torts… L’histoire est close“.

“Entre le Zevent et moi, il n’y a aucun problème”

Mais elle ne reviendra pas sur la gestion de ce dérapage par l’organisation, ni sur le caractère systémique du sexisme dans le jeu vidéo révélé par cet épisode. “Entre le staff du Zevent et moi, il n’y a aucun problème. Tout le monde me soutient en interne”.

Fin de l’histoire. Tout est bien qui finit bien dans le meilleur des streams ?!! Le combat contre le sexisme dans les jeux vidéo semble pourtant loin d’être gagné…

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