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Osez Joséphine !

6e femme à entrer au Panthéon, aujourd’hui, et première femme noire, figure de la Résistance et de la lutte anti-raciste, malgré sa clivante ceinture de banane, Joséphine Baker avait de multiples liens avec Montpellier : un mari, Jo Bouillon, et une amie américaine, fondatrice de la revue Nègre, et épouse du grand Delteil, Caroline Dudley.

Joséphine Baker est intronisée au Panthéon le jour-même de l’annonce de la candidature d’Éric Zemmour à la Présidentielle française.  Est-ce bien une coïncidence ? Toute sa vie, son parcours, son histoire va à l’encontre de tout ce que le polémiste fielleux s’est mis en tête de dénoncer. N’hésitant pas à réécrire une bonne partie de l’histoire de notre pays.

La vie de Joséphine Baker ce n’est ni plus ni moins que l’itinéraire d’une américaine d’origine – noire de surcroît – donc parfaitement étrangère, devenue plus française que bien des Français. Et même une des grandes “Françaises libres” forçant l’admiration du général de Gaulle, ce qui n’était pas à la portée de la première ou du premier venu. Elle vouait une admiration sans borne à l’homme de l’appel du 18 juin 40. Tout comme André Malraux ou Romain Gary. Pas de doute possible : durant la seconde Guerre mondiale, son attitude sera à l’opposé d’Edith Piaf ou Suzy Solidor, chanteuses elles aussi mais pas tout à fait du même côté. Pour en savoir plus sur la Joséphine Baker combattante, le mieux est, pour les plus passionnés, de se plonger dans le récit du commandant Abtey.

C’est en songeant à cette Joséphine-là que la patrie rendra hommage ce mardi 30 novembre, le jour-même où elle a acquis la nationalité bleu, blanc, rouge, il y a 84 ans. Pour la bonne bouche, on ajoutera juste comme pour donner un coup de grâce aux racistes de tous poils qu’en fâcheuse posture durant le second conflit mondial, elle a été secourue par des Tirailleurs sénégalais bataillant eux aussi pour la gauloise patrie…

Héroïne de la résistance

Son grand fait d’armes : la résistance. “C’est la France qui m’a faite ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez” : en offrant ses services à l’automne 1939 à un officier du contre-espionnage, la star de cabaret Joséphine Baker entre en résistance.

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Baker mène une double vie : artiste de music-hall au front et à l’arrière, et agent du renseignement animée d’un farouche patriotisme. Le général Valin, héros de la résistance, débarquera en hélicoptère dans son château des Milandes dans le Périgord pour lui remettre la Légion d’honneur.

L’anti-raciste intransigeante

Le combat contre le racisme, Joséphine Baker l’aura travaillé au corps. C’est un sujet dès sa prime enfance à Saint-Louis dans le Missouri, où elle voit le jour en 1906. Elle retournera dans son pays d’origine en 1963 pour défiler aux côtés du pasteur Martin Luther King, figure-martyre de la reconnaissance des droits civiques des Noirs américains. Elle exigera invariablement dans ses contrats qu’aucune discrimination d’ordre raciale ne se fasse à l’encontre des autres artistes de couleur.

Aujourd’hui encore, son numéro de négresse charmant le tout-Paris ne fait pas l’unanimité. Aussi chargé d’auto-dérision soit-il, il a contribué à fixer un stéréotype de genre dont se plaignent encore les actrices noires, comme l’actrice Nadège Beausson-Diagne déclarant à Europe 1 : “En général, les actrices noires, on leur propose le rôle de femmes qui s’appellent Joséphine, comme Joséphine Baker, ou Fatoumata ! Je ne dirais pas que Joséphine Baker nous a émancipées. Je ne le vois pas comme ça !”

Osez Joséphine !

En s’emparant du titre de la chanson d’Alain Bashung, datant de 1991 et figurant sur son huitième album, un groupe d’intellectuels, Régis Debray en tête (il a sont rencontré Joséphine à Cuba, invités tous les 2 par le célèbre révolutionnaire-fumeur de cigares) et d’autres, comme l’essayiste Laurent Kupferman, ou le romancier Pascal Bruckner, se sont mis en tête d’œuvrer pour que Joséphine entre au Panthéon. En août dernier, le Président de la République donne son accord. Elle est, pour lui, “impressionnante de modernité”. Une entrée au Panthéon symbolique, son cercueil demeurant en principauté de Monaco.

La revue Nègre avec Caroline Dudley

C’est à Caroline Dudley Reagan d’origine américaine qu’elle doit son entrée dans la célèbre revue dont elle a été la fondatrice. En 1925, âgée seulement de 19 ans, Joséphine y fait sensation. Caroline plaquera Paris en 1931 pour suivre Joseph Delteil son mari. Ils s’installeront ensemble, en 1937, dans la fameuse Tuilerie de Massane à Grabels, haut lieu des artistes et des intellectuels de l’époque.

Entre 1927 et 1945, Joséphine Baker est au générique de 6 ou 7 films et pas toujours en vedette. On la voit dans “La sirène des tropiques” dont l’assistant sera un certain Luis Bunel. Elle jouera aussi sous la direction de Marc Allégret dans “Zouzou” aux côtés de Jean Gabin.

Elle s’est mariée pour la première fois à 13 ans ! Un an plus tard, alors serveuse dans un bar, elle fracasse une bouteille sur la tête de cet ouvrier fondeur. Elle épouse ensuite celui dont elle prendra le nom Baker (son nom à elle était Mc Donald) mais qu’elle quitte en s’installant à Paris. Avec le suivant, Giuseppe, l’idylle dure 10 ans. “Pepito” prend sa carrière en main et lui fait faire le tour de la planète. Des années prospères. Grâce au suivant, Jean Lion, couturier juif, elle prend la nationalité française.

Jo Bouillon, le chef d’orchestre

A la tête de son orchestre, Jo Bouillon, natif de Montpellier, a accompagné Maurice Chevalier ou Mistinguett. Ils ont été mariés durant 14 ans. Après des grossesses compliquées et non abouties, le couple décide d’adopter 12 enfants de 9 nationalités différentes. Maisonnée qu’elle a baptisé sa tribu “arc-en-ciel”. Quelques disques portent encore la signature de leurs deux noms.

On dénombre un certain nombre de crèches portant son nom à travers le pays : en banlieue parisienne à Poissy mais aussi à Saint-Aubain… À Montpellier, elle se situe dans le quartier Ovalie, avenue Jean-Prat. On lui a accolé le complément assez étrange de “people & baby”.

Une bixesualité non assumée…   

Joséphine Baker, plaisait incontestablement aux hommes. Mariée 5 fois, elle a eu pas mal d’amants dont le père de Maigret, l’écrivain Georges Simenon. Mais elle a aussi des relations intimes avec des femmes comme Colette (sa grande amie) ou encore la peintre mexicaine Frida Kahlo. Ce qui ne l’empêche pas de chasser l’un de ses 12 enfants adoptés du domicile familial de peur qu’il ne “contamine” les autres. Terrible confidence de cet enfant banni au magazine allemand “Der Spiegel”.

Une fin de vie difficile !

En juin 1964, Joséphine Baker, criblée de dettes et harcelé par le fisc, doit renoncer à son château. Il sera vendu au 10e de sa valeur. Brigitte Bardot vole à son secours ainsi que Jean-Claude Brialy. Son amie Grace Kelly met à sa disposition un logement à  Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes. Et l’invite régulièrement à se produire dans la principauté où elle est enterrée.

Elle sera en mai 68 aux côtés de Michel Debré et André Malraux pour le grand défilé de soutien au Général de Gaulle (alors malmené par les revendications étudiantes). En 1975 à Bobino, pour les 50 ans de sa carrière, quatorze soirs durant, elle est victime d’une attaque cérébrale. Elle décède 2 jours plus tard à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à l’âge de 68 ans.

(*) Après Simone Veil, Marie Curie, Geneviève De Gaulle, Germaine Tillion et Sophie Berthelot.

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