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“David Wampach” © Martin Colombet

Le trublion conceptuel Wampach danse ses racines algériennes

Très lié à Montpellier, le chorégraphe David Wampach y a montré des pièces d’une radicalité ahurissante. Mais le voici qui se tourne vers la part algérienne de ses origines, sur un versant intime qu’on n’attendait pas. Et choisit de s’implanter à La Grand-Combe, petite cité ouvrière des Cévennes, durement frappée par la crise. “Algeria Alegria” est au festival Uzès Danse, ce samedi 18 juin. 

“Algeria Alegria” : c’est le titre de la nouvelle pièce de David Wampach. En Languedoc, on ne pourra la voir que ce samedi 18 juin, au festival Uzès Danse, dans le Gard. Certes la soirée est dite “en co-accueil avec le festival Montpellier danse”. Mais d’un point de vue pratique, l’ouverture de celui-ci recoupant la clôture de celui-là, il sera impossible de concilier les agendas et les déplacements, notamment pour les professionnels de la profession.

Coté mais peu programmé 

Or David Wampach est très prisé de ces derniers. C’en est même agaçant, à la longue. Les critiques, les directeurs de festival ou de scènes nationales, les inspecteurs ministériels… tous adorent ce que fait David Wampach. On apprécie aussi sa personnalité délurée de trublion tourbillonnant, qui ne gâche rien. Mais enfin, on le programme très peu. “Ce qu’il fait est formidable, mais ça n’est pas pour mon public”, entend-on dire dans ces cas-là. Petite lâcheté des conformismes ambiants.

Les pièces de David Wampach sont souvent stupéfiantes. Les corps y martèlent des répétitions endiablées, sont emportés par la puissance du souffle, tordus dans des postures rendues inquiétantes par les références à l’histoire des avant-gardes artistiques, ou imprégnées par les questions de genre.  Le profil, physiquement incroyable, de la danseuse israélienne Tamar Schellef y a été découpé au scalpel. On a aussi vu le plateau noyé dans des coulées de peinture liquide. Tout un mélange de gifles et de bouillonnements, à couper le souffle côté gradins.

Formé à Montpellier 

“Sacre”, “Endo” (photo ci-dessus), “Berezina”, “Concerto”, “Bascule” : avec toutes ces pièces, le public montpelliérain a eu plusieurs occasions de se frotter aux grandes turbulences esthétiques de David Wampach, grâce au festival Montpellier danse, au fil de ses éditions. D’ailleurs, Wampach est quasiment un enfant du pays. Il a passé toute son enfance, sa jeunesse, à Saint-Christol près d’Alès. Puis il a jeté l’ancre à Montpellier, quand il fut l’élève de la formation expérimentale “e.x.er.c.e”, au sein du Centre chorégraphique national, alors sous la direction de Mathilde Monnier.

Intrépide, audacieux, conceptuel, voici donc que Wampach nous surprend, en annonçant sa nouvelle pièce “Algeria, Alegria”. Ce chorégraphe trempé dans des approches conceptuelles, dans la philosophie de l’art et du corps, en viendrait-il à l’attendrissement des souvenirs personnels ? S’arrimerait-il soudain à l’histoire et à la politique, les plus concrètes ? On lui savait quelque chose d’algérien, par ascendance. On a même voulu croire que sa pièce marquait donc le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’indépendance algérienne, fortement évoquée en Languedoc, pour cette année 2022. À y être, on se persuada que Wampach serait lui-même de famille pied-noir.

Tout faux : “Cette pièce aurait dû être terminée bien avant 2022. Mais il y a eu des aléas de production, des reports, notamment dus au Covid”, nous explique le chorégraphe. Exit donc, la visée commémorative. À y être, cette autre précision : “Non, non, je ne suis pas de famille pied-noir. Mais ma mère est algérienne, fille d’immigré, vivant en France mariée à un Français.” Il n’en dira pas plus : “Je ne conçois pas que mon art serve à raconter ma vie en public. Et je n’ai pas à enrôler mes proches sur un terrain d’expression qui n’est pas le leur.”

Enfin, le chorégraphe jure qu’il ne voit pas l’intérêt de transporter directement sur scène les drames de l’histoire, les violences de la guerre d’indépendance ou de la décennie noire (dans les années 90, la guerre civile entre les militaires algériens et la guerilla islamiste). “Je suis très concerné par toutes ces choses terribles, mais qui sont très bien connues par d’autres canaux que ce qui peut être exploré sur scène.”

L’espoir du Hirak

N’empêche. Difficile de sonner plus géopolitique qu’en mettant “Algeria” dans un titre. Oui mais aussi “Alegria”. “J’avoue que la découverte de cet anagramme a fonctionné comme un éclair pour la dramaturgie de la pièce.” Basiquement, c’est bien un fait politique qui est venu attraper le Wampach par le col : “Le Hirak, le grand soulèvement populaire des Algériens en 2019, m’a enthousiasmé”, avoue le chorégraphe. “Un mouvement gigantesque, porté avant tout par la jeunesse, des manifestations millionnaires hebdomadaires pendant plus d’un an, sans le moindre débordement, avec des slogans pétris d’humour !” Et que signifie le mot “hirak” ? “Le ‘hirak’, c’est le ‘mouvement’, tout simplement.” Mouvement ? Des corps ? Vous avez dit chorégraphie ?

Foin de tortures, de répression, de massacres. Foin de plaies de l’histoire : “Il y a une part lumineuse, rayonnante, infiniment joyeuse de l’Algérie, et je l’ai aussi en moi.” Wampach se tourne alors vers Dalila Khatir, elle-même Algérienne vivant en France. C’est une personnalité entière, truculente, toute en volumes. C’est une chanteuse lyrique. Depuis des années, elle évolue dans les cercles chorégraphiques qui sont aussi ceux de David Wampach, chaque fois que les artistes de la danse s’inquiètent de traiter de souffle et de chant. “On a creusé ensemble, en quête de nos vérités, pour finalement accepter que la vérité soit perdue, enfuie avec les récits de ceux qui sont morts.” Or l’Algérie a tout irrigué des sensations les plus intimes de l’enfance, faites corps, vécue parmi les femmes, au plus près d’elles, et de circoncisions en mariages, dans les communautés immigrées des environs d’Alès.

Le défi de la Grand-Combe

Et Wampach nous surprend un peu plus quand il annonce son nouveau projet. Lui, l’artiste international en pointe, lui qui saute d’un avion pour Berlin et dans un TGV pour Bruxelles, a décidé de s’implanter à La Grand-Combe. Cinq mille habitants y sont les héritiers de l’épopée minière et industrielle des Cévennes, laminés par la crise. Récemment, Patrick Malevieille, maire communiste de cette localité, pleurait en s’époumonant, après un article consacré par “Marianne” à sa commune, dépeinte en termes misérabilistes.

Cet élu aime la danse. Au titre du Conseil régional, il siège dans le conseil d’administration (et le préside) du festival Montpellier danse. “À la Grand-Combe, tout est à faire, en m’immergeant parmi des jeunes qui se débrouillent face à l’adversité. Je n’y arrive pas en déployant une bannière ‘danse contemporaine’. Je dois m’insérer dans la vie, et me mettre en action parmi les autres.” À 44 ans, David Wampach reste le djeune qui a choisi d’appeler “La Déter” le lieu dont la mairie lui a confié les clés.

Algeria Alegria, samedi 18 juin, 19h30.

Théâtre l’Ombrière, 3 place Croix des Palmiers, 30700 Uzès

Contacter le 04 66 03 15 39 pour réserver.

Photos : “Endo” © Martin Colombet ; “A la plage” © David Wampach ; avec Dalila Khatir © Angélique Pichon.

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1 Commentaire
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Kazim Hoceine
1 année il y a

Très bonne continuation et félicitation sur ton projet dommage que je viens de recevoir l info je serais bien venue t applaudir
au grand plaisir de te rencontré à la Grand Combe prochainement.
Kazim

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