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Julie Gayet et Judith Henry jouent les femmes inspirantes

“Je ne serais pas arrivée là si…”, c’est le point de départ des entretiens menés par Annick Cojean pour “Le Monde”. Julie Gayet et Judith Henry en présentent une émouvante lecture théâtralisée. Après Pézenas, prochaine et dernière date de la tournée en région, le 30 juillet à la Cour du Puy de Figeac.

Dimanche 5 juin, 21h30. Le soir vient de tomber sur la scène du théâtre de Verdure à Pézenas. C’est le troisième soir du Festival Molière, dont Judith Henry et Julie Gayet sont les marraines. Elles présentent “Je ne serais pas arrivée là si…”, une lecture théâtralisée adaptée du livre de Annick Cojean publié en 2019.

Judith Henry est une actrice de théâtre et de cinéma prolifique, qui “ne capitalise pas sur sa notoriété” et soutient corps et âme les projets qu’elle a choisis, affirme “L’Œil d’Olivier”. Une actrice qui défend un répertoire contemporain, une actrice qui aime lire, qui aime narrer, raconter des histoires, des vies. Julie Gayet est elle aussi actrice, également productrice et réalisatrice et même chanteuse. Dans son podcast “La Poudre”, la journaliste Lauren Bastide la décrit comme “une citoyenne engagée” contre l’endométriose et pour la place des femmes dans l’industrie culturelle. Fait notable, son arrière-grand-mère Thérèse Gayet est l’une des trois premières femmes françaises diplômée de médecine. Rien ne fait plus sens que de les voir réunies sur scène pour “Je ne serais pas arrivée là si…”. Partenaires et complices, elles portent avec courage la parole de femmes “qui ont imposé leurs voix dans un monde dont les règles sont forgées par les hommes”.

Rien ne fait plus sens que de voir Julie Gayet et Judith Henry réunies sur scène pour “Je ne serais pas arrivée là si…”.

“Je ne serais pas arrivée là si…” Cette phrase est le point de départ d’une série d’entretiens réalisés par Annick Cojean pour le quotidien “Le Monde”. La question vertigineuse posée, elle reste suspendue, comme une invitation à poursuivre. La journaliste a rencontré une trentaine de femmes au destin exceptionnel qui lui racontent “comment elles en sont arrivées là. Comment elles se sont construites, ce qui les a poussées vers le haut”.

De Gisèle Halimi à Françoise Héritier

Sur scène, Judith Henry et Julie Gayet reprennent six témoignages. Scène après scène, elles rejouent ces rencontres, ces conversations. Pour cette lecture théâtralisée, le décor est simple, minimaliste, intimiste. On pense, bien sûr, à la “Chambre à soi” de Virginia Woolf. Un décor dans lequel on peut projeter tous les bureaux, cafés, chambres d’hôtel où ces femmes ont leurs habitudes. Il est constitué de deux tables, accolées pour former un grand et long bureau, deux chaises, deux micros et deux verres d’eau. Derrière les comédiennes qui s’avancent, un grand rideau blanc, comme une fenêtre, où seront projetées les photographies des femmes mises à l’honneur.

Gisèle Halimi, "je ne serais pas arrivée là si…"

Avant même de commencer, elles jouent à déplacer un micro, un verre d’eau, à se les échanger, comme pour indiquer d’un clin d’œil qu’elles vont aussi échanger leurs rôles, entre celle qui interviewe et celle qui est interviewée. Elles commencent par le témoignage de Gisèle Halimi, tiré du second tome de cette série intitulé “Nous ne serions pas arrivées là si…”.

Annick Cojean a réalisé cette interview de Gisèle Halimi quelques mois avant sa mort. Avec elle, on revisite “ses soixante-dix de combats et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes”. La force de son témoignage réside dans sa simplicité et à la fois son universalité. Très simplement donc, pour ne plus avoir à servir ses frères, “l’avocate la plus célèbre de France” entame une grève de la faim à l’âge de dix ans. Julie Gayet et Judith Henry jouent cette interview, cette “conversation face à face, les yeux dans les yeux”. Elles nous racontent la rébellion instinctive et viscérale de Gisèle Halimi, sa passion pour l’école, sa conviction surtout que “l’école serait sa libération”.

Derrière les comédiennes, le rideau s’éclaire, les photographies projetées se révèlent au fil de la conversation. Des tâches apparaissent, façon test de Rorschach, se précisent. On le remarque du coin de l’œil, soudain intrigué par quelque chose qui a changé sur scène, l’ambiance, l’atmosphère. À la fin surgit sur l’écran de projection la plus célèbre photographie de Gisèle Halimi, celle du procès de Bobigny en 1972. Une efficace mise en abyme fait se superposer les spectateurs du premier rang , en second plan, les comédiennes qui se tournent, la tête rejetée en arrière avec emphase, vers la photographie, totalement révélée en arrière plan.

Suivront, tirés du premier tome comme du second, les témoignages de Amélie Nothomb, Christiane Taubira, Virginie Despentes, Françoise Héritier et Nina Bouraoui. Amélie Nothomb, l’écrivaine bourreau de travail qui se racontait des histoires. Christiane Taubira, l’ancienne Garde des sceaux remise sur la voie des études par son grand frère. Virginie Despentes (en photo ci-dessus), ancienne alcoolique occasionnellement prostituée et autrice devenue majeure. Françoise Héritier (en photo ci-dessous), première femme anthropologue au Collège de France. Nina Bouraoui, écrivaine et “nature homosexuelle”.

Elles ont en commun la question du combat et du corps. Le viol, la violence et les traumatismes. La grève de la faim, l’anorexie, la faim, l’injustice. Le témoignage de Françoise Héritier s’inscrit particulièrement autour de cette question-là, sorte d’anthropologie de la faim et du corps. Elle raconte ses séjours en Auvergne pendant la guerre, “la mère et l’épouse (qui) mangeaient debout les restes du repas”. Une coutume préhistorique qui expliquerait pourquoi les femmes sont petites quand les hommes sont grands, “une différence qui passe pour naturelle alors qu’elle est culturellement acquise”. Des six témoignages lus et joués ce soir-là, c’est celui-là qui me reste particulièrement en tête, celui qui me parle le plus viscéralement.

“Je ne serais pas arrivée là si…”, d’après les entretiens d’Annick Cojean, publiés aux éditions Grasset et Fasquelle, en partenariat avec Le Monde.

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez (UNE) et Panoramix.

Dernière représentation le 30 juillet 2022 à 21h30, à la Cour du Puy de Figeac (46) dans le cadre du festival ScénOgraph. Pour réserver, cliquer ici.

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