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La sexualité « assez joyeuse » des Françaises et des Français

L’envol de la masturbation chez les femmes, la baisse de la pénétration vaginale et un nombre plus important de partenaires, la grande enquête Inserm témoigne d’une mutation « assez joyeuse » de la sexualité des Françaises et Français. Et d’une vitalité qui vient tordre le cou au soi-disant désastre engendré par #metoo.

L’Inserm et Santé publique France ont dévoilé cette semaine une grande enquête sur les pratiques sexuelles des Français. Elle a été menée pendant 5 ans par une équipe de sociologues, d’épidémiologistes, de démographes et d’économistes. 31 518 personnes ont accepté d’y participer.

Les chercheurs et chercheuses qui ont pris part à cette étude soulignent « une profonde transformation depuis 2006 », date de la dernière enquête, et des données qui rendent plutôt optimiste.

De plus en plus de partenaires

Ce phénomène concerne les hommes et les femmes, toutes générations confondues : les femmes déclarent désormais 7,9 partenaires au cours de leur vie contre 4,5 en 2006 et 3,4 en 1992. Les hommes, quant à eux, en déclarent 16,4 contre 11,9 en 2006 et 11,2 en 1992.

C’est la fête du slip mais les hommes conservent, toutefois, une vraie avance. Commentaire de Nathalie Bajos, directrice de l’Inserm : « Un homme peut comptabiliser toutes les rencontres sexuelles y compris celles qui ne vont pas jusqu’au bout, alors que les femmes comptabilisent celles qui comptent vraiment. Elles ne comptent que les hommes qui ont compté… ».

Armelle Andro, démographe qui a participé à l’enquête y voit « un clivage persistant dans les représentations, les femmes étant encore sur le registre de la sentimentalité, tandis que la sexualité masculine est pensée sur le registre physique. C’est un peu en recul mais les déclarations disent la permanence de certains clichés ».

Les femmes se masturbent davantage

Autre fait majeur : l’augmentation « massive » de la masturbation surtout chez les femmes et souvent chez les jeunes filles avant leur entrée dans la vie sexuelle, « et c’est nouveau » commente Nathalie Bajos.

En 2023, 72,9 % des femmes de 18-69 ans déclarent avoir déjà pratiqué la masturbation. C’est près du double des chiffres de 1992 ! A l’époque, seulement 42,4 % des femmes de cette tranche d’âge déclaraient s’être déjà masturbées et, en 2006, elles étaient 56,5 %. « Aujourd’hui, les femmes ont une trajectoire de masturbation identique à celle des hommes », ont expliqué les auteurs du rapport lors de sa présentation à la presse. Et elles n’hésitent plus à dire qu’elles se masturbent, devenues bonnes clientes des boutiques spécialisées qui proposent des sextoys de plus en plus sophistiqués.

Une vraie révolution ont souligné les enquêteurs tout en reconnaissant les biais inévitables de ce type d’enquête. Les normes sociales ayant évolué, on se laisse aller à dire des choses qu’on n’aurait pas dites il y a quelques années. Incontestablement, une parole s’est libérée. On peut arguer aussi que l’enquête, très figée dans la notion de genre, relaie assez peu la porosité entre eux, accordant une place assez limitée à la fragile acceptation de la transexualité.

La pénétration vaginale en baisse

Le pourcentage de personnes ayant déjà expérimenté la fellation (réalisée ou reçue) au cours de la vie passe de 63,2 % en 1992 à 78,3 % en 2006 et 84,4 % en 2023 chez les femmes, et de 75,3 % à 85,5 % et 90,5 % chez les hommes.

Idem pour le cunnilingus (réalisé ou reçu), puisque les chiffres passent de 72,1 % en 1992 à 83,7 % en 2006 et 86,9 % en 2023 chez les femmes, et de 77,8 % à 85,7 % et 87,7 % chez les hommes.

La pratique de la pénétration anale a également augmenté au fil du temps chez les femmes, passant de 23,4 % en 1992 à 35,2 % en 2006 et 38,9 % en 2023. L’augmentation est plus marquée chez les hommes passant de 29,6 % à 46,3 % et 57,4 %.

Et la pénétration vaginale, elle, baisse.

La satisfaction sexuelle en hausse

Intéressant également : la satisfaction sexuelle augmente après avoir diminué ces dernières années ! Alors que 47 % des femmes se jugeaient satisfaites en 1992 contre seulement 43,6 % en 2006, elles sont 45,3 % en 2023. Chez les hommes, elle était passée de 45 % en 1992 à 35,1 % en 2006 mais elle remonte aujourd’hui à 39 %. 

Des taux de satisfaction qui viennent contredire ce qui est devenu un lieu commun de la sexualité entre les genres : le désastre intime provoqué par #metoo. « On a beaucoup entendu de personnes qui soutenaient que les hommes avaient été attaqués dans leur virilité à la suite de #metoo. Notre enquête montre qu’entre 2006 et aujourd’hui, le niveau de satisfaction a augmenté, et pour les femmes aussi. Cela va contre les idées du moment sur l’effet soi-disant néfaste de #metoo ».

« On fait l’amour différemment avec des manières plus diversifiées qui englobent plus de personnes. Le Jouissez sans entrave de mai 68, qui s’est souvent illustré au dépend des femmes, a été remplacé par des valeurs nouvelles autour du consentement. Il s’agit d’être « plus contents ensemble ». Signe des temps : de plus en plus de personnes reconnaissent avoir déjà été attirées par une personne du même sexe.

Même si l’âge du premier rapport sexuel recule un peu, passant à 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes alors qu’il était de 17,3 pour les femmes et 17,3 ans pour les hommes en 2006 -un phénomène observé ailleurs en Europe et à relier au Covid-, et même si on note une baisse de la fréquence des rapports sexuels, c’est une sexualité remaniée « et assez joyeuse » qu’exprime cette enquête. Une sexualité qui mute vers « une plus grande introspection et la normalisation d’une sexualité non pénétrative », analyse enfin la sociologue Nathalie Bajos.

L’enquête à lire, ici.

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