Tandis que tournent partout en France, et dans le monde, les grandes productions du Printemps des Comédiens telles que Bérénice de Roméo Castellucci, Jours de noces chez les Cro-Magnon de Wajdi Mouawad, Les Atrides de Jean-François Sivadier, ou Le misanthrope de Lavaudant, cette édition est celle d’une crise financière sévère qui a conduit à réduire de moitié le festival. Pour cette édition un peu spéciale, qui ouvre vrendredi, il n’y aura pas de grandes productions-maison mais le festival tente de tenir son rang avec la création très attendue de Julie Deliquet, La guerre n’a pas un visage de femme et le seul spectacle donné au Domaine d’O : la pièce musicale entre tradition africaine et baroque de Alain Platel, Coup fatal. Suivis par la première en France de Faustus in Africa! du grand William Kentrigde, jamais venu à Montpellier.
Ouverture musicale entre Afrique et baroque
Ce grand spectacle qui ouvre le Printemps des Comédiens a fait le tour de l’Europe. Coup fatal réunit le chorégraphe belge Alain Platel, le saxophoniste Fabrizio Cassol, un guitariste et chef d’orchestre congolais, Rodriguez Vangama. Une pièce musicale à l’énergie contagieuse, dans laquelle 13 musiciens, et des «dandy-danseurs» pour la plupart originaires de la République démocratique du Congo, s’emparent du répertoire baroque mêlant les ombres de Nina Simone et Henry Purcell. « Coup fatal est une pièce, aux rideaux de balles de kalachnikovs, qui a marqué les esprits. Elle jalonne l’histoire des productions des dernières années. Ce mélange entre les traditions africaines et le baroque produit une énergie, une force vitalisante exceptionnelle. Elle dit, après le malheur, la possibilité de repartir de l’avant » commente Jean Varela. Une ouverture surprenante tant on avait l’habitude de grands morceaux de bravoure théâtraux mais so excitante (photo).
Du 30 mai au 1er juin au domaine d’O. En savoir +.
La création politique d’Olivier Saccomano et Nathalie Garraud
C’est la toute dernière création du couple qui dirige le Centre dramatique national de Montpellier, lui écrivain, elle à la mise en scène : Olivier Saccomano et Nathalie Garraud. «Sous-tendue par des recherches fouillées du côté de de penseurs tels que Grégoire Chamayou, Mark Fisher, Annie Le Brun ou Frederic Jameson», une «fantaisie anthropologique» portée par sept actrices et acteurs, pour la plupart de la Troupe Associée des 13 vents, qui préfère les «chemins de traverse surréalistes, inventifs et burlesques, ouverts aux imaginaires» au rouleau compresseur du capitalisme (photo).
Du 30 mai au 7 juin au CDN des 13 Vents. En savoir +.
La guerre des femmes
La guerre n’a pas un visage de femme : 10 femmes sur scène pour témoigner de la condition des femmes de l’après-guerre soviétique dans un appartement communautaire. Ces femmes que Staline a envoyées adolescentes au front quand l’armée de Hitler était aux portes de Moscou et dont Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature, a recueilli la parole. Du théâtre féministe comme on aime en voir au Printemps des Comédiens, par Julie Deliquet, directrice du Centre dramatique national de Saint-Denis, une des metteuses en scène les plus engagées et les plus intéressantes de la nouvelle scène théâtrale.
« En écho à Coup fatal, une réflexion sur la résilience, l’engagement, la nécessité d’être ensemble, souligne le directeur du printemps des Comédiens. C’est la deuxième fois que Julie Deliquet se produit au Printemps des Comédiens. Ici, il est question de celle qu’on appelait «la femme oreille» qui a enregistré ces femmes de l’Armée rouge ayant combattu l’ armée nazie. Des femmes totalement invisibilisées après la guerre, et un livre de Svetlana Alexievitch redécouvert par Gorbatchev. Ce n’est pas précisément du théâtre documentaire mais nous avons reconstitué un appartement communautaire sur la scène du théâtre Jean-Claude Carrière. Une scénographie de cinéma comme une île, posée sur le plateau du théâtre. 8 femmes des comédiennes de tous âges dont la grande Evelyne Didi et des actrices moins expérimentées« .
Une création pour le Printemps des Comédiens qui sera ensuite jouée au Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis que dirige Julie Deliquet depuis 2020.
Du 30 mai au 1er juin au domaine d’O. En savoir +.
Le stand up théâtral de Lou Chauvain
« Sous les paupières » : une forme plus expérimentale, plus fragile au Hangar. Pour son premier seule-en-scène, la montpelliéraine Lou Chauvain, très scrutée actuellement par le milieu professionnel, évolue sur le fil d’une vie passée entre théâtre, stand-up et chanson. Une auto-fiction sur scène. Une production du Centquatre à Paris, créée au Printemps des Comédiens.
Les 3 et 4 juin au Hangar. En savoir +.
Faustus in Africa ! : une première en France
Un temps fort assurément : la venue, pour la première fois dans le festival montpelliérain, de l’artiste, sculpteur et concepteur de dessins d’animation sud-africain William Kentridge, auquel le festival d’Avignon a confié son visuel cette année, et la compagnie également sud-africaine de théâtre de marionnettes contemporain Handspring Puppet Company. La reprise d’une production de 1995 qui déploie «une version du pacte avec le Diable en plein cœur de l’Afrique, au fil d’un safari haut en couleurs et riche en musique». Nourrie par un engagement profond contre l’apartheid, la pièce mettait en scène un Faust en safari pillant les richesses de l’Afrique et de ses habitants dans sa quête de savoir et de pouvoir. Trente ans plus tard, Kentridge en propose une version actualisée, évoquant la fièvre extractrice et la politique dominante dans l’actuelle Afrique du Sud comme dans le monde entier. Sur scène, des acteurs en chair et en os, des marionnettes à tige et un film d’animation. Présentée tout juste avant au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, cette pièce est jouée pour la première fois en France (photo à la UNE). « Un regroupement de producteurs européen a permis la reprise de ce spectacle mythique qui fera le tour des grands festivals en Europe et sera donné au Festival d’automne à Paris à la rentrée avec, pour la première fois au Printemps des Comédiens, des marionnettes en majesté ».
Du 5 au 7 juin à l’Opéra-Comédie. En savoir +.
La feria de David Ayala
C’est un acteur, formé au conservatoire de Montpellier, étonnant, puissant, qui tourne beaucoup. On l’a vu en rude villageois dans Miséricorde de Alain Guiraudie, ou dans le film actuellement à l’affiche : Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan de Ken Scott. Au Printemps des Comédiens, il joue, en solo, le père torero du journal de l’afición du metteur en scène Jean-Baptiste Tur dont la compagnie le Grand Cerf Bleu est implantée à Béziers dans l’Hérault.
Au Hangar, du 6 au 8 juin. En savoir +.
Duras par Julien Gosselin
L’autre grand temps fort : après Extinction créé en 2023 au Printemps des Comédiens, qui avait démarré par une scène transformée en dancefloor, Julien Gosselin propose un « musée » dédié à Marguerite Duras : une «visite virtuelle d’un espace mental, visuel et vivant, parcouru de performances à découvrir isolément ou en continuum». Plusieurs séances prévues chaque jour du matin au soir dans ce musée que chaque spectateur peut visiter selon la durée qu’il souhaite. Cela dure 10 heures, on peut voir tout ou choisir une tranche de 2h.
Il y aura un musicien en live et des chefs-opérateurs caméra au poing «qui donneront à entendre ou à voir, assis, debout ou allongé, des extraits de Hiroshima mon amour, L’Homme assis dans le couloir, Savannah Bay, L’Amant, Suzanna Andler, La Maladie de la mort, L’Exposition de la peinture, La Douleur, L’Homme atlantique, etc». Avec la participation d’une quinzaine d’élèves de la promotion 2025 du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (photo).
Les 7 et 8 juin au domaine d’O. En savoir +.
D’après Anne Dufourmantelle
Adaptés des œuvres Éloge du risque, En cas d’amour, Puissance de la douceur de la philosophe Anne Dufourmantelle qui nous a tous touché.es à un moment ou à un autre : La Nuit pour voir réunit une comédienne (Stéphanie Marc), une circassienne et un DJ au plateau, dans une mise en scène de Quentin Vigier, le vidéaste virtuose de la metteuse en scène Séverine Chavrier, qui a ouvert l’an dernier le festival d’Avignon.
Les 10 et 11 juin au Hangar. En savoir +.
Mémoire d’enfance par Pauline Bureau
Molière 2022 de l’autrice francophone vivante pour Féminines, Molière 2024 de la création visuelle et sonore et du Jeune public pour Neige, la très bankable Pauline Bureau -sollicitée à la fois par la Comédie française et le Théâtre national de la Colline-, a mis en scène Les bijoux de pacotille de Céline Milliat-Baumgartner, autrice assez exceptionnelle, seule en scène, qui travaille son propre récit d’enfance, singulièrement la mort de ses parents dans un accident de voiture. Beau succès de la critique et du public (photo ci-dessous).
A Saint-Gély-du-Fesc, les 11 et 12 juin. En savoir +.
Du cirque enfin avec les quatre artistes circassiens de Bêtes de Foire dont le Petit théâtre de gestes, a été joué 700 fois à travers l’Europe, ici évoluant dans une friperie + Marie Molliens (photo ci-dessous), habituée du festival. La beauté plastique de ces spectacles est toujours marquante. Ici, avec une dizaine d’acrobates-pantins.
La programmation du Printemps des Comédiens est en ligne, ici.
(*) 5 spectacles au domaine d’O, 1 à l’Opéra-Comédie, 4 au Hangar, 1 au CDN des 13 Vents, 1 à la Bulle bleue, 1 à Grabels, 1 à Saint-Gély-du-Fesc + une petite tournée dans la métropole.
Crédit photos dans l’ordre : Fiona McPherson, Zoé Aubry, Jean-Louis Fernandez, Pascale Fournier, Antoine Vincens de Tapol, Nathalie Sapin, Simon Gosselin, Rio Ichii.