Montpellier Jazz Week : le bel esprit de famille

Depuis 2022, Montpellier Jazz Week, né sous l’impulsion de musiciens habitués des jams, investit le temps d’une semaine des lieux de la ville pour proposer gratuitement aux montpelliérains le meilleur de la scène jazz locale. Et lutter contre une certaine réputation d’élitisme. Des pointures, un esprit de famille : sans subvention, ce festival s’impose d’année en année. Retour sur la 4ème édition qui a eu lieu du 19 au 25 mai.

Été 58, Art Kane, un photographe en herbe pour le magazine Esquire, a la formidable idée de réunir tous les grands musiciens de jazz de New-York pour un portrait de groupe, titré A Great Day In Harlem, qui restera à jamais gravé dans les annales de la musique américaine.

C’est en clin d’œil à ce cliché-culte qu’à l’automne 2022 se sont réunis 70 musiciens jazz du clapas pour prendre la pose. Non pas sur le trottoir d’un immeuble situé près de la 125 Street Station comme Dizzy Gillespie et consorts, mais sur les marches de la placette rue Sainte Croix, en contrebas de la place de la Canourgue.

Un regroupement intergénérationnel tout sourire dont on devine qu’il y ait eu quelques malheureux absents- révélateur du vivier de descendants de Charlie Parker qui anime la ville depuis des années. La plupart sont issus des conservatoires de la région ou de l’école du JAM, voire les deux. Et quelques-uns professeurs désormais.

La diffusion de ce monochrome clôturait alors la première édition du Montpellier Jazz Week. Un festival que l’on peut qualifier d’autosuffisant : mis sur pied par une association d’une dizaine d’acteur·rice·s de la scène locale (Naïma Girou, Karl Moussavou, Marie Nosmas, Charles Huck…) pour offrir gracieusement -tous les concerts sont gratuits- aux montpelliérains une vitrine de cette même scène locale. Et le temps d’une semaine : promouvoir les projets ambitieux de ses tenants et articuler les différentes jams déjà existantes dans les bars et les restaurants de l’Ecusson et de ses pourtours, sous une même entité. Une manière finalement -toutes les oreilles curieuses le savent déjà depuis longtemps- d’officialiser qu’il s’agit d’une grande et belle famille.

Trois ans plus tard, du 19 au 25 mai, avait lieu la 4ème édition de l’évènement où l’on a pu applaudir tour à tour : les standards interprétés par le swinguant Sunnyside trio en ouverture au Little Italy, les improvisations des organisateurs au Tic Tac, le co-plateau des selenites Moon Trio et Moonaï aux voisins Discopathe et Maslow du faubourg du Coureau, le son moderne et inspiré du Quentin Braine 5tet à la Panacée, le hard bop aux accents caribéens d’Oya 5tet à la mythique brasserie Le Dôme, les airs de Bourbon Street offerts par l’Orchestre Syncopathique à la place Krasucki, la pétillante chanteuse Lucile Revel et son quintette, qui ont tout compris de Gershwin, au restaurant Le Boeuf, l’afrojazz gospelisé du duo Matmeyah au Mo.Co, suivi du future jazz dansant de De Phase, et enfin, pour terminer en beauté la semaine, les excellents Sunscape et leur solaire Hammond groove 2.O qui ont fait Salon comble rue Lunaret.

Une programmation riche en artistes à l’énergie et à la bonne humeur communicative qui a conquis un public hétéroclite boosté par le crooner Vincent Bassou, impeccable dans le rôle de chauffeur de salle, avant chaque montée sur scène de ces têtes d’affiche.

«L’un de nos objectifs est de tordre le cou a cette idée fausse que le jazz serait élitiste, trop dure d’accès. Et montrer sa diversité» nous a confié l’illustrateur et saxophoniste Olivier Bonhomme. Aussi président de l’association Montpellier Jazz Week mais précise-t-il «seulement sur la papier car le statut l’exige. Tout est très horizontal . Nos décisions sont collégiales».

Cette année a été un succès comme l’atteste cette estimation : 5000 spectateurs en cumulé sur la semaine. Sans aucune subvention. Uniquement grâce à l’aide des lieux d’accueil et financé par les bénéfices du marchandising (ouvrez l’œil, vous croiserez les beaux tee-shirts signés Bonhomme, sûr !) de l’édition précédente.

Mauvaise nouvelle pour Le Collectif du Droit au Sommeil -plusieurs fermetures administratives à leur palmarès– qui voudrait faire taire la musique live à Montpellier : au vu des jams qui ont fait suite aux concerts programmés, une flopée de talentueux instrumentistes et de chanteur·se·s est prête à résister et à faire encore très longtemps vivre cette culture. Une très bonne nouvelle par contre pour tous les locavores de musique.

Photos : Emma Lamadji, moitié du duo Matyemah @Mr Yoppik et Zoé Roussel Dejean / en concert au Mo.co à la UNE, photo de septembre 2022 en clin d’œil à a great Day in Harlem @Théo Tzélépoglou / Rémi Pelleyras, membre du staff organisateur, guitariste @Mr Yoppik et Zoé Roussel Dejean / à la contrebasse Charles Huck membre du Lucile Revel Qtet et du staff de Montpellier Jazz Week.

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