Financement de la culture en France : une baisse historique

Le baromètre 2025 sur les budgets et choix culturels des collectivités territoriales confirme et chiffre un pressentiment : près de 50 % des régions, départements, communes et métropoles ont diminué, entre 2024 et 2025, leur budget consacré à la culture, quel que soit leur bord politique (*). Une « rupture historique ».

On se souvient de la saignée spectaculaire du budget alloué à la culture par les Pays de la Loire (une baisse de 62 % des aides de fonctionnement) et des attaques décomplexées de sa présidente Christelle Morançais visant «le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public». Ici et là, les médias faisaient état de coupes sombres. On se souvient aussi de l’intention de Kléber Mesquida de renoncer à la moitié des aides publiques au secteur (avec, finalement, un retournement spectaculaire de la collectivité).

Des résultats « alarmants »

Un document, confidentiel, qui a circulé avant une communication complète et officielle de l’Observatoire à l’automne, présenté ce mercredi à Avignon, dans une réunion particulièrement sombre, chiffre ce que tout le monde pressentait.

Tous échelons territoriaux confondus, quasiment la moitié des collectivités et intercommunalités ont voté des budgets primitifs en baisse pour la culture (fonctionnement et investissement). 21% les ont réduits de 10 à 20%.

Seulement un tiers des collectivités et intercommunalités a opté pour la stabilité, et environ un quart pour une augmentation.

Une rupture historique

«C’est une rupture historique au regard de la dynamique des financements de la culture depuis une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis qu’elle est régulièrement mesurée», a commenté à La Gazette des communes, Vincent Guillon, codirecteur de l’Observatoire des Politiques Culturelles. Après des années de croissance constante, puis, à partir des années 2000, un certain « reflux », les chiffres collectés indiquent une «séquence inédite».

En cause, les tensions budgétaires mais aussi la propagation à bas bruit d’une «délégitimation politique du secteur culturel ». Partout, la culture est devenue variable d’ajustement. Une des leçons de cette enquête : il y a autant de collectivités territoriales de droite que de gauche qui diminuent ou stabilisent leur budget.

Les départements en tête 

Entre 2024 et 2025, 49 % des collectivités et intercommunalités ont baissé leurs budgets culturels de fonctionnement (hors masse salariale) contre 21 % entre 2023 et 2024. Les collectivités qui baissent le plus ? Les départements (65 % d’entre eux) et presque autant de régions (60%). Une conséquence qui trouve aussi sa logique dans la fin du caractère obligatoire des dépenses culturelles, depuis 2015, pour les régions et les départements. En période de disette, l’argument est tout trouvé.

La résistance du bloc communal

Financeur majoritaire de la culture (80 % des dépenses culturelles des collectivités contre 12 % pour les départements et 8 % pour les régions), ce qu’on appelle le «bloc communal» résiste. Mais les communes et les intercommunalités sont quatre fois plus nombreuses qu’en 2024 à diminuer leurs aides.

Pour l’instant, la proportion de communes qui stabilisent (25% d’entre elles) ou même augmentent (35% d’entre elles) leurs crédits de fonctionnement permet au système de ne pas s’effondrer. Si la dérive se poursuit, cela pourrait être fatal, pointent de nombreux experts.

Les festivals les plus touchés

Les structures les plus touchées sont les festivals et autres événements culturels (-36 % de budget de fonctionnement hors masse salariale), mais le spectacle vivant n’est pas loin derrière (-35 %) induisant, par effet mécanique, la paupérisation accélérée du secteur (beaucoup d’artistes ne parviennent plus à se maintenir dans le statut d’intermittents du spectacle faute d’engagement).

La formation des publics en danger

Deux chiffres retiennent l’attention :  la baisse de 31% des actions d’éducation artistique et culturelle et une chute de presque la moitié des aides aux associations culturelles (42 % contre 11 % entre 2023 et 2024). C’est tout un pan de la vie artistique et citoyenne, de la formation des publics qui menace de s’effondrer.

Une « vraie » crise

Même les budgets culturels d’investissement subissent une érosion. Les grands travaux dans la culture, c’est terminé (en baisse de 36 % contre 22 % en 2024).

«Le discours de crise n’est pas nouveau dans le domaine de la culture, souligne Vincent Guillon au journal Le Monde. Peut-être a-t-il parfois été utilisé de manière abusive pour construire un rapport de force. Mais, cette année, il y a vraiment un alignement entre les discours d’alerte et les résultats».

(*) L’enquête de l’Observatoire des politiques culturelles a été menée de mars à juin 2025 auprès d’un échantillon de collectivités (régions, départements, communes et intercommunalités). 214 questionnaires ont été collectés. L’échantillon est constitué de 12 régions, 74 départements, 75 communes de plus de 50 000 habitants, 52 communes de moins de 100 000 habitants, 16 métropoles, 4 communautés urbaines, 26 communautés d’agglomération, 7 collectivités d’Outre-mer.

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