L’entrée au Panthéon de Robert Badinter ravive la mémoire d’un film-culte tourné en 1973 à Montpellier par un ancien condamné à mort, José Giovanni, avec Alain Delon et Jean Gabin.
Si la loi Veil, du nom de sa ministre de la santé Simone Veil (1927-2017) restera incontestablement comme LA loi marquante du septennat de Valéry Giscard D’Estaing, l’abolition de la peine capitale sous l’impulsion de Robert Badinter (1928-2024), garde des sceaux de 1981 à 86 restera la mesure phare de l’ère François Mitterrand. Raison pour laquelle l’ancien avocat rejoindra sa cadette d’un an au mémorial de la mémoire française le 9 octobre prochain. Soit 44 ans jour pour jour après l’abolition.
Des films ont évoqué le sujet. Comme le trop méconnu : La vie, L’amour, la mort de Claude Lelouch qui abordait le sujet dès 1968. Avec Amidou dans le rôle principal aux côtés de la native de Montpellier Caroline Cellier.
Mais le film de référence reste Deux hommes dans la ville, tourné à Montpellier en 1973 par le romancier et réalisateur José Giovanni, lui-même ancien taulard. 11 ans à l’ombre.
Le condamné que l’on réveille à l’aube pour lui signifier que le recours en grâce présidentielle est rejeté, à qui on apporte des vêtements neufs et des souliers vernis. Que l’on fait ensuite asseoir sur un tabouret après lui avoir présenté un prêtre. Auquel on attache ensuite les pieds et les mains au tabouret. Comme s’il lui prenait une improbable envie de prendre ses jambes à son cou. La chemise blanche à laquelle on coupe le col, histoire de laisser la lame faire son bien triste ouvrage. Présent aussi pour ces ultimes instants : l’avocate du condamné, le directeur de la prison mais aussi l’Avocat général qui a chargé au maximum le prévenu ou le Procureur qui a instruit l’affaire mais qu’on ne sent pas fiers, à ce moment précis. Le petit verre, dernier pour la route. La dernière cigarette flanquée directement dans la bouche du futur raccourci. Le cou que l’on dégage encore davantage en déchirant la chemise. Le condamné qui se retourne une toute dernière fois vers ses soutiens. Gabin en tête.
Et puis connaissance rapide avec la faucheuse. La tête sur le billot et s’en est fini. C’est ainsi que se termine le 7ème film de Giovanni (1921-2004) qui en signera 15 au total.

L’histoire est connue : éducateur convaincu de sa mission. Germain Cazeneuve obtient la libération anticipée de Gino Strabliggi, condamné dix ans plus tôt pour vol à main armée, à qui il procure un emploi dans une imprimerie. Cazeneuve propose à son protégé, rejeté par sa belle-famille et interdit de séjour à Paris, de venir le rejoindre à Montpellier, où il est parti vivre ses dernières années avant la retraite.
Outre le duo vedette Gabin-Delon (qui trouve là un de ses meilleurs rôles), le film comporte une distribution de premier ordre. Michel Bouquet en flic borné. Tellement insupportable que Delon, à bout de nerf finira par l’étrangler. L’américaine Misty Farmer qui joue la dernière fiancée de Gino/Delon. Le film voit aussi les premiers pas à l’écran des débutants d’alors ; Bernard Giraudeau et un certain Gérard Depardieu. Sous l’autorité d’un chef de bande incarné par Victor Lanoux.
L’idée de Deux hommes dans la ville est venue à José Giovanni alors que Robert Badinter militait pour l’abolition de la peine de mort. Le cinéaste avait des raisons personnelles de se sentir concerné : arrêté en 1945 pour une histoire de racket qui a mal tourné, il avait été condamné à la peine capitale en 1948, avant de voir sa peine commuée en vingt ans de travaux forcés, et enfin d’être libéré, en 1956.
Comme L’homme qui aimait les femmes de Truffaut, le film est une légende des tournages montpelliérains. L’imprimerie qu’on aperçoit dans le film se situe 4 rue Gleize, qui longe l’aile ouest du musée Fabre, occupée aujourd’hui par le restaurant Coldrip.
Deux hommes dans la ville (version restaurée) https://www.youtube.com/watch?v=jXc5X2YzpMs