Le directeur de la Comédie du Livre était invisible depuis des mois. Officiellement, il est en arrêt-maladie. Mais ses relations dégradées avec la Métropole de Montpellier, son employeur, laissaient présager une édition 2019 sans lui. C’est Florence Bouchy, journaliste au « Monde des Livres » qui le remplace.
Où était-il passé ? Le 7 novembre, ce n’est pas Régis Penalva qui accueillait, sur la scène du centre Rabelais, l’éminent historien Pierre Rosanvallon pour ouvrir l’Agora des savoirs. Il a été absent ensuite à chacune des séances de l’Agora des Savoirs : le cycle de conférences hebdomadaires qu’il a initié et qui attire la fine-fleur de l’intelligentsia française, en plus de la Comédie du Livre qu’il dirige depuis huit ans.
Depuis la rentrée de septembre, les arrêt-maladie se succèdent pour le directeur de la Comédie du Livre. Et l’idée du départ de Régis Penalva commençait à faire son chemin dans quelques têtes.
Un clash avec Gudin de Vallerin
Un événement a cristallisé un malaise, qui contient en lui seul beaucoup de choses. En octobre, à l’issue d’une réunion de travail, une vive altercation l’opposait à Gilles Gudin de Vallerin, le conservateur général des médiathèques de l’Agglomération de Montpellier. Entre les deux hommes, comme souvent, le ton est monté et Penalva aurait été menaçant. A la suite de cet incident, l’administration a proposé sa mise à pied pendant 3 mois. Le directeur de la Comédie du Livre n’assistera pas à la rencontre publique, le 30 octobre dernier à la médiathèque Emile Zola avec son grand ami Alain Mabanckou qui avait régalé la Comédie 2017.
Lors de cette rencontre publique, c’est Gilles Gudin de Vallerin qui officiait. Dans son speech, le patron des médiathèques a fait naître le plus grand auteur congolais à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, au lieu de Pointe-Noire, sa célèbre ville natale… Gudin de Vallerin n’a ni le charme ni l’érudition de Régis Penalva mais il est devenu son supérieur hiérarchique à partir de la fusion Ville /Métropole qui a absorbé la manifestation municipale. Nec plus ultra de la loyauté dans l’équipe de Philippe Saurel, le conservateur général a gagné en autorité ces dernières années.
Quant à Régis Penalva, il a mal supporté le déménagement à l’unité centrale Emile Zola qui est le fief de Gudin. Brillant et indocile, l’ancien libraire, moitié basque, moitié pied-noir, s’est révélé délicat à manager. Bien que très apprécié des journalistes de « Midi-Libre » qui lui ont décerné un prix Orange ! Vraiment, on ne peut pas faire plus différent que ces deux-là…
Le clash entre les deux hommes est remonté jusqu’à Philippe Saurel. Le maire-président aurait arbitré en tenant des propos définitifs et saignants contre le directeur de la Comédie du Livre. Au cabinet du maire, on était de plus en plus embarrassé puis franchement lassé de « la haine » entre Régis Penalva et Gudin de Vallerin.
En novembre, au tribunal administratif, une commission de discipline jugeait “irrecevable” la proposition de sanction infligée au directeur de la CDL en la ramenant à un mois, mais la page était déjà tournée. Fin novembre : une annonce paraissait dans « Livres-Hebdo ». La Métropole y recrutait un « co-responsable » de la Comédie du Livre. Sans en avertir Régis Penalva qui reste officiellement « chargé de mission pour le Livre ». Une éviction à bas bruit…
Une exigence sans faille
Cette triste affaire laisse songeur quant à la suite de la Comédie du Livre. Les années Penalva sont celles d’une exigence littéraire sans faille. D’ailleurs plusieurs auteurs se sont inquiétés de ce qui se passait à Montpellier notamment Maylis de Kerangal. Le jeune directeur a fait muter la manifestation de foire à salon littéraire, ce qui n’est pas une simple nuance. Peut-être certains montpelliérains regrettent-ils la première période furieusement éclectique de la Comédie du Livre où l’on pouvait croiser autant un prix Goncourt que Hervé Vilard ? Ou la seconde, dominée par la haute stature du journaliste Philippe Lapousterle et ses fameux débats de société ? Les gens se battaient littéralement pour pouvoir entrer dans la salle Rabelais !
En 2010, la reprise en main de la CDL, à la barbe des libraires-fondateurs, par ce trentenaire venu de Sauramps, a profondément modifié son logiciel. Montpellier s’est mise à figurer sur la carte des salons littéraires qui comptent, se montrant singulièrement attentive à la nouvelle vague littéraire française.
Le plus frappant durant ces années Penalva, et son tour de force, c’est que le public a suivi. Même consacrée aux Pays-Bas, dont on connaît mal les lettres, la Comédie du Livre 2018 a fait un score en hausse par rapport à l’édition précédente : 71 000 visiteurs. La délégation hollandaise a été charmée par l’appétence culturelle du public montpelliérain.
Au rang des causes possibles, doit-on aller chercher du côté des reproches d’élitisme formulés ici et là ? Philippe Saurel, lui-même, lors d’un salon du livre à Figuerolles, avait exprimé ses regrets sur le peu d’intérêt du directeur de la Comédie du Livre pour les auteurs régionaux. Un argument régional de plus en plus prégnant dans le discours public. Mais reproche-t-on à Nicolas Bourriaud de ne pas inviter suffisamment d’artistes de la région à la Panacée, le centre d’art montpelliérain ?
Une Comédie 2019 entravée
Faut-il plutôt voir, derrière la fin désastreuse de ce programmateur doué, un motif politique ? Régis Penalva a fait partie de la team de Michaël Delafosse adjoint à la culture de 2008 à 2011, devenu aujourd’hui l’un des principaux opposants à Philippe Saurel. Il est proche de Valérie Astesano, l’ancienne directrice de la culture de la Ville de Montpellier, écartée très durement quelques mois après l’élection, en 2014, de Philippe Saurel, contre lequel elle a intenté et gagné un procès.
Mais ce n’est même pas certain car les prouesses du jeune Penalva avaient, semble-t-il, estompé les vieux contentieux. Sous sa direction, le maire de Montpellier, souvent élogieux à son endroit, a vécu des dîners inoubliables avec quelques grands : la maire de Madrid, Manuela Carmena, ou le juge anti-mafia italien, Roberto Scarpinato.
Ces derniers temps, plus personne ne pensait vraiment que Régis Penalva, toujours en arrêt-maladie, reviendrait. Lui, se tait. Mais ce silence en dit long. Se pose dès lors quelques questions pour la prochaine Comédie du Livre dont la préparation a été entravée. Consacrée à la Suisse, l’édition 2019 devrait forcément souffrir de ce charivari interne, malgré la nomination de la journaliste Florence Bouchy qui devrait piloter l’événement depuis Paris… Et l’Agora des Savoirs n’a plus de programme depuis le début de l’année.
[…] Cette annonce survient alors que Régis Penalva, jusqu’à présent directeur de la manifestation littéraire, est officiellement en arrêt maladie depuis quelques mois, et absent de la scène publique depuis novembre. […]
[…] et on discute après », lâche Benjamin Téoule, journaliste au site d’investigation Le D’Oc. Exit aussi Régis Penalva, brillant et très (trop ?) indépendant directeur de la Comédie du livre. Débarqué, Michel […]