Plus importante révolution musicale brésilienne depuis la samba, le baile funk, est au rendez-vous du Festival Tropisme 2025 Global Brasil, du 7 au 25 mai prochain. Le 30 avril, un warm-up de taille a attiré notre attention : la seule date dans le sud de Vhoor, le producteur brésilien le plus en vue de ces dernières années, déniché par le montpellierain Al3ph, le premier à diffuser ce genre musical dans le clapas, avant qu’il ne devienne un phénomène mondial sur les réseaux.
Il n’y a pas que dans le Bronx que la culture sound system jamaïcaine, grâce à laquelle le hip-hop naquit, fut importée. Par ricochet, ce fut aussi le cas dans la périphérie de Rio de Janeiro, où DJ Big Boy et Ademir Lemos furent à l’origine de soirées s’apparentant sur plusieurs points aux block parties new-yorkaises de la même période, au début des années 70 : leurs organisations souvent illégales, la danse comme exutoire aux problèmes sociaux, comme alternative à la criminalité rampante pour une jeunesse des favelas se reconnaissant dans le funk de Kool & The Gang et de James Brown, symbole de la libération de la minorité afro-américaine, des descendants d’esclaves comme nombre d’entre eux, et un maître de cérémonie au micro pour alpaguer et chauffer la foule.
C’est de ces premiers 33 tours joués sur des murs d’enceinte, qu’un mouvement culturel plus que jamais en ébullition cinquante ans plus tard tire son nom : le baile funk. Ou funk carioca. Ou simplement funk par les brésiliens. Mais qui, musicalement, n’a plus rien à voir avec les motifs rythmiques du Godfather of Soul.
Un virage électronique nommé TR-808
Car entre temps, alors que la dictature militaire en vigueur touchait à sa fin, ces bals, populaires, prient tête baissée un virage électronique sous l’impulsion de Planet Rock d’Afrika Bambaataa. Tube par excellence utilisant la Roland TR-808 dont le son eut un tel succès chez les cariocas qu’ils s’aventurèrent à adapter en portugais des morceaux de la Miami bass, sous-genre de la musique hip-hop, précurseur du dirty south, recourant à foison aux patterns de cette mythique boîte à rythmes.
S’en suivit le désir compulsif de concevoir leurs propres productions. Et pour créer son identité, un mine d’or s’offrait à ses concepteurs : les sonorités et la myriade de cadences nationales : la batida de la bossa-nova, la batucada, le rythme du maculelê, danse de combat lié à la capoiera, la samba aux samples infinis, etc. Le tout saupoudré de rap contant les vicissitudes vécues dans leur baraque de fortune.
Voilà pour le début de l’histoire, mais on vous la fait courte, car résumer ici un demi-siècle relève de l’impossible. En gros : le baile bunk a la capacité de se fusionner à peu près avec tout, de parler de tout, ce qui fait de lui l’un des genres les plus innovants -n’en déplaise à celles et ceux qui pensent à tort que plus rien de nouveau ne se fait- excitants et variés des musiques actuelles.
Le baile funk, internet et la contagion mondiale
Il existe autant de baile funk qu’il existe de villes et de régions au Brésil. L’accès à internet, à un FruityLoops cracké, à un smartphone de seconde main, a permis à des gamins des quatre coins du pays le plus peuplé d’Amérique latine, même parmi les familles les plus précaires, de s’y exercer et de divulguer leurs exploits sur la toile. Désormais il fait partie des meubles. Bien au-delà des favelas où il a pris son essor. Les nouveautés s’échangent sur des groupes WhatsApp. Il s’expose au musée (exposition au Musée d’Art de Rio en 2023). Et il a traversé les frontières grâce à ses remix de hits internationaux diffusés sur SoundCloud et/ou sur Spotify pour les plus chanceux, et grâce à TikTok -à qui l’on peut balancer mille et un reproches pour d’autres raisons- et ses vidéos virales de danses. Son énergie contagieuse a envahi les clubs de la planète. Beyoncé le plussoie -un sample de DJ O Mandrake a été utilisé sans autorisation sur son dernier album Cowboy Carter- et quelques-uns de nos rappeurs nationaux parmi les plus streamés se le sont aussi accaparés le temps de quelques singles.
Le baile funk à Montpellier
À Montpellier, d’après notre enquête facebookienne gage d’approximations, Al3ph, de son vrai nom Julien Peronnet (artiste aux casquettes protéiformes connu dans les alentours pour être le fondateur du groupe Oz Corporation), fut l’un des premiers à en mixer. Au feu Nu-Bahia, l’actuel Salon des Indépendants. Pour le plus grand plaisir de la communauté brésilienne du secteur, et ce dès le milieu des années 2010, alors que ce courant était encore confidentiel du grand public européen mais bien connu de notre trublion local puisqu’il avait séjourné quelques années auparavant au Brésil côtoyant les baile funk. Pour de vrai.
Depuis trois ans, il a monté le Baile Sound Sistema avec pour motivation l’envie de «créer un sound-system hybride autour des musiques afro-brésiliennes». On lui doit déjà la venue à Tropisme de quelques uns des producteurs les plus réputés du milieu : le pauliste DJ Tahira, le portuais/angolasi Batida et la colombienne Jimena Angel.
Mais dit-il : «il y a un artiste en particulier que je rêvais d’inviter, l’un des ambassadeurs de la musique électronique brésilienne, l’un des tout premier défricheurs du baile funk moderne, qui a participé à son essor mondial, et qui est quasiment la raison pour laquelle le Baile Sound Sistema a été créé».
Son nom: Vhoor. Originaire de Belo Horizonte, ce jeune producteur, considéré comme un prodige, a la réputation d’être l’un des plus talentueux et des plus prolifiques de sa génération. On lui compte dix ans de carrière à seulement 26 ans, des millions d’auditeurs mensuels, des lives et des projets à la pelle. Et une patte reconnaissable entre mille –capable de lifter le pisiero ou d’apporter habilement des touches de reggaeton au brega-funk- dans ce game de la fusion musique électronique/folklores brésiliens. Ce qui fait de lui le plus important représentant du baile funk à l’international. Applaudi aux voisins Primavera Sound et Sónar lors de sa dernière virée sur le Vieux Contient, il jouera le mercredi 30 avril à Tropisme, pour sa seule date en France avec Paris.
BAILE SOUND SISTEMA – DJ SET VHOOR/AL3PH – BOILER BAILE FUNK, mercredi 30 avril à 18h. Un warm-up d’un très haut niveau du Festival Tropisme 2025 Global Brasil, autour des cultures brésiliennes, qui a lieu du 7 au 25 mai prochain. Et s’annonce comme l’un des grands évènements montpelliérains du printemps. 10€/15€/20€. En savoir +.
Le bandcamp de VHOOR, ici.
Vidéo : extrait de l’album de Vhoor avec le rappeur FBC samplant le morceau Planet Rock d’Afrika Bambaataa, influence majeure des débuts du baile funk.
Photo Felipe Vianna. Affiche signée Al3ph, dit Julien Peronnet.