Dominique Hervieu, Pierre Martinez : « Nous souhaitons ouvrir l’Agora au public le plus large possible »

Une page se tourne pour la danse à Montpellier.  Dominique Hervieu, Pierre Martinez, Hofesh Schechter et Jann Gallois ont été nommés collectivement à la tête de la nouvelle structure fusionnant Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national. Souhaitant s’exprimer sur des questions de fond, Dominique Hervieu et Pierre Martinez ont accordé un long entretien à LOKKO. S’en dégagent quelques axes forts : la volonté de diversité des esthétiques et des origines sociales dans la danse proposée, une grande ambition sur la formation et l’envie d’élargir radicalement le public.

Lire sous l’article, une rapide présentation de chacun.

LOKKO : D’abord, qu’avez-vous ressenti quand vous avez appris votre nomination ? Vous avez bu le champagne par exemple ?

DOMINIQUE HERVIEU : On a bu le champagne, oui ! En sortant du jury, on s’était dit que même si nous n’avions pas été choisis, nous aurions eu le plaisir de mieux nous connaître et de rêver ensemble !

PIERRE MARTINEZ : On aurait eu le sentiment, dans tous les cas, d’avoir fait le job. Nous avions bossé. Nous étions tout à fait fiers de notre projet. C’est vrai que l’oral face au jury s’est particulièrement bien passé. Nous étions dans une très bonne dynamique. C’était très vivant. On aurait pu faire durer la conversation encore un bon petit moment.

LOKKO : C’est en effet votre unité, votre cohésion et votre enthousiasme qui ont marqué lors de cet oral, peut-être un état d’esprit qui est le vôtre, une sorte de signature ?

DOMINIQUE HERVIEU : Oui, je pense qu’il y avait une complicité durant cette année de préparation, pour construire une vision commune, s’appuyer sur un socle de valeurs véritablement partagées entre nous. La parole entre les uns et les autres circule assez librement, à la fois sur des intentions communes, ce socle de valeurs dont je vous parle, et à la fois chacun se développant sur son territoire.

Le pari de l’intelligence collective 

PIERRE MARTINEZ : Nous avons aussi joué le jeu d’un appel à candidature souhaitant un collectif de direction. Nous avons fait ce pari que l’intelligence collective serait supérieure à la somme de nos intelligences respectives. Nous nous sommes donné du temps pour construire un lien, une relation, partager des valeurs communes, une vision de la danse aujourd’hui, une vision d’un territoire. 

LOKKO : Vous êtes de proches collaborateurs Dominique Hervieu, Pierre Martinez et Jann Gallois. Peut-être est-ce la proximité avec Hofesh Schechter qui devait être précisée ?

DOMINIQUE HERVIEU. J’ai quand même co-produit et diffusé toutes ses œuvres pendant 12 ans à Lyon et puis surtout, pendant l’Olympiade culturelle (ndlr : programme culturel des Jeux Olympiques), nous avons conçu, avec Pierre, un projet très intéressant dans une douzaine de conservatoires de la ville de Paris ainsi que dans l’espace public ou encore dans les musées, avec des extraits de ses pièces. Là, on s’est vraiment rendu compte à la fois du grand professionnalisme de ses équipes, de sa capacité à travailler à un certain niveau d’exigence avec des amateurs. J’ai senti un vrai désir de sa part, une grande disponibilité pour passer de l’expérience scénique à l’espace public, dans un contexte de gratuité pour le public… Cette expérience a beaucoup compté dans ma perception. Je l’ai senti très sincère sur ces valeurs-là.

Dominique Hervieu

LOKKO : La nomination de deux chorégraphes dans ce collectif de direction indique-t-elle qu’on va privilégier certaines écritures ? En même temps, dans votre projet, vous parlez d’une «Agora de toutes les danses».

DOMINIQUE HERVIEU : Dans notre collectif, il y a en effet 2 artistes -et moi, qui ait un passé de chorégraphe et de danseuse-, qui représentent déjà à eux 2 une vraie diversité. Entre eux seront créés des ponts, des liens, une attention à l’œuvre de l’autre. Ils incarnent deux générations différentes : Hofesh est plus mûr, même si Jann est une danseuse-chorégraphe aujourd’hui bien repérée. Mais elle n’est pas au même moment de son parcours, de la maturité de son œuvre. Un homme, une femme. Notre envie de diversité est lisible par le choix de ces 2 artistes. 

La diversité : socle de notre projet

La diversité esthétique, elle sera aussi à l’œuvre dans l’accueil de chorégraphes dans les différents studios de l’Agora, dans les résidences d’artistes, et bien sûr dans la programmation. La diversité esthétique, que ce soit avec le travail avec les amateurs, les non-professionnels, les partenariats avec des institutions, ou les professionnels dans le cadre de la programmation, c’est le socle de notre projet. Pour nous, la diversité, c’est vraiment une valeur. Elle n’est ni un détail, ni un décor. Elle est une expérience vitale et unique de la contemporanéité. C’est même une condition de l’expérience de la création contemporaine d’accepter cette diversité.

PIERRE MARTINEZ : Dans ce principe de fusion des deux entités CCN et Montpellier Danse, il y a l’idée que ce nouvel établissement ne peut pas se réduire ou se résumer aux esthétiques qui sont traitées et exposées par ses co-directeurs. Il a pour fonction, pour nécessité, de traiter, de révéler, d’accompagner toutes les esthétiques de la danse aujourd’hui.

LOKKO : Comment incarner la contemporanéité de la danse aujourd’hui ? Comment peut-on être pionnier, en matière de danse, en 2025 ?

DOMINIQUE HERVIEU : Nous avons décidé d’être pionniers en accompagnant l’innovation. L’innovation est au cœur, au centre de l’ensemble. Elle s’incarne particulièrement dans notre projet de formation. Nous maintenons le master Exerce, cette formation universitaire, ouverte sur les démarches chorégraphiques d’aujourd’hui, qui a une très bonne approche. Ensuite, il y aura la compagnie Hofesh Schechter 2 qui est une formation d’interprètes. 1200 candidats, venus du monde entier, se sont présentés à la dernière audition. Nous aurons, là, une diversité géographique, une diversité culturelle, et une diversité de manière de vivre la danse, avec ceux qui s’orientent davantage vers la recherche et la chorégraphie, et ceux qui choisissent plutôt l’interprétation -ce qui n’exclut pas le développement d’un regard critique et l’approfondissement des enjeux personnels dans le choix de la danse.

Former les danseurs autodidactes

S’ajoute une autre offre, aujourd’hui très peu présente en France, avec ce qu’on appelle « les danseurs autodidactes ». C’est-à-dire des danseurs qui ont déjà une grande virtuosité, une maturité en tant que danseurs, interprètes, mais sont éloignés, voire exclus des formations, dans les conservatoires, les universités. Evidemment, on pense au hip hop, aux krumpeurs, par exemple. Ce peut être aussi des interprètes de danses traditionnelles, comme le flamenco. Des artistes qui ont développé un langage puissant et souhaitent entrer dans une formation pour acquérir les outils méthodologiques et se diriger vers la création. Vous voyez que la diversité est vraiment dans toutes les étapes de notre projet. A chaque fois, on l’a abordée avec les soucis conjugués de diversité de public, de sociologie et d’esthétique.

PIERRE MARTINEZ : Il faut faire confiance à la jeunesse. Elle est la colonne vertébrale du projet.

LOKKO : Il existe à Montpellier des dispositifs de formation d’excellence -aux Beaux-Arts, dans le domaine du théâtre avec l’Ensad- mais n’y a-t-il pas un hiatus entre toute ambition de formation à un moment où la culture aujourd’hui vit une crise profonde, et la difficulté d’offrir des débouchés dans un secteur plus sinistré que jamais ?

DOMINIQUE HERVIEU : Je ne trouve pas, au contraire. Il faut armer les jeunes générations. Moi, j’ai fait partie de la génération juste après 1980, avec l’émergence des Centres chorégraphiques nationaux qui ont développé des écritures naissantes. Durant ces années-là, avec la politique de Jack Lang et de François Mitterrand, l’idée était d’accompagner, de confirmer les écritures en train de naître, et vous avez vu ce que cela a produit. Je ne veux pas voir de générations sacrifiées au prétexte qu’il n’y a plus de débouchés. Sur le plan humain et politique, je trouve que ce serait très grave. En revanche, chercher comment on peut diversifier les profils des artistes relève d’une mission politique et sociale extrêmement forte.

On ne va pas abandonner les jeunes

Vous avez raison, l’Ensad et l’Esba ont leur super formation. Nous devons avoir la nôtre. La danse a une particularité, c’est d’avoir des ressources incroyables avec tous ces répertoires de danse de rue, de danse urbaine, de danse vernaculaire, qui comptent aussi aujourd’hui beaucoup dans la diffusion, et qu’il faut accompagner. Cela me semble être une vraie exigence éthique, esthétique et politique. 

PIERRE MARTINEZ : On ne va pas abandonner les jeunes, et abandonner cette idée de la transmission, qui est absolument essentielle, vitale même pour ces jeunes et pour le monde de demain que l’on construit tous les jours. Vous soulevez la question de l’insertion professionnelle. Ce nouvel établissement, par la manière qu’il a de couvrir tout l’éventail des actions en faveur de la danse contemporaine, de la formation à la production, jusqu’à la diffusion à travers le festival, va constituer un puissant levier en s’inscrivant au cœur des réseaux nationaux, européens. Par exemple le Life Long Burning qui regroupe une douzaine d’établissements européens et travaille justement sur cette idée de la circulation des jeunes à l’étranger.

LOKKO : Un raisonnement en filière ?

PIERR MARTINEZ :  Exactement, oui. Avec l’idée que cela soit structurant à l‘échelle du territoire bien sûr, de la région, mais même au-delà. L’Agora est un équipement unique en France et probablement en Europe et donc il doit avoir une fonction structurante, notamment en direction de la jeunesse à l’échelle nationale et européenne. La création de ce nouvel établissement revêt un caractère expérimental, et nous avons pleinement conscience que notre démarche sera observée avec attention.

DOMINIQUE HERVIEU : Par exemple, on va emmener de jeunes artistes à Pékin en novembre, en lien avec l’ambassade de France. Nous allons travailler avec ces réseaux-là.

Pierre Martinez

LOKKO : Un centre chorégraphique, c’est aussi, et avant tout, un lieu de création. Traditionnellement, les œuvres créées au CCN étaient montrées à Montpellier Danse. Comment ça va se passer ? On suppose que Hofesh Schechter et Jann Gallois créeront leurs œuvres à Montpellier désormais ?

DOMINIQUE HERVIEU : Oui, bien sûr ! C’est la mission du lieu, celle de la rencontre avec les publics. Mais ça ne sera pas seulement Jann et Hofesh, mais aussi des artistes associés, des artistes en résidence. Nous avons un souhait particulier, c’est que les processus de création, les étapes de travail, soient partagés avec le public. Y compris parfois avec des masterclasses pour les artistes de la région. Que l’on comprenne les œuvres de l’intérieur. Pour Jann et Hofesh, il s’agit d’élargir aussi l’impact de leur œuvre, et de s’intéresser à ce que le spectacle produit sur le spectateur comme émotions, comme émancipation, comme sensations et comme plaisir. On souhaite ouvrir l’Agora au public le plus large possible, aux étudiants, aux habitants, aux amateurs, y compris dans les hôpitaux. 

PIERRE MARTINEZ :  D’un point de vue politique, en proposant la fusion, les tutelles ont été extrêmement claires : on reprend l’ensemble des missions. Donc, le CCN, même si c’est maintenant l’Agora, existe toujours en tout cas dans ses missions. Cette mission de soutien et d’accompagnement de la création reste totalement vivante. Là où on tente d’élargir, c’est en ne se limitant pas au travail de Hofesh ou Jann mais en ouvrant aux propositions de jeunes qui sortent de nos formations, mais aussi aux régionaux ou aux artistes étrangers qui auraient une vocation à créer en France à un moment etc. Une approche élargie pour une mission qui reste totalement au cœur de l’établissement, au cœur de l’Agora.

Considérer l’écosystème régional 

DOMINIQUE HERVIEU : La question des artistes que nous allons soutenir est très importante, en particulier la circulation de leurs œuvres. Il n’y aura plus cette pratique d’exclusivité qui faisait que lorsqu’un artiste créait à Montpellier, il ne pouvait pas aller dans d’autres villes de la région. C’est exactement l’inverse que nous sommes en train de mettre en place, ce que j’ai moi-même fait pour la Biennale de Lyon qui rassemblait 43 villes avec un important dispositif de diffusion des œuvres. Une œuvre, pour nous, doit être vue le plus possible. On peut imaginer des aménagements. Par exemple qu’une pièce puisse avoir une version sans décor pour aller dans un musée, ou circuler en zone rurale etc. Nous allons nous développer dans cette aire de danse de l’Occitanie le plus largement possible. Considérer tout l’écosystème régional est aussi une des innovations que nous portons.

LOKKO : N’y a-t-il pas une injonction un peu contradictoire, dans le cahier des charges, à respecter l’héritage, considérable, et le slogan des tutelles «changez-tout !», l’invitation à faire une révolution. Comment vous faites avec cette double demande ?

DOMINIQUE HERVIEU : Un héritage important en effet, du premier CCN de France. Mais j’ai déjà eu à gérer un héritage à Lyon après Guy Darmet. En tenir compte est une évidence. Par exemple, la construction du public a été extrêmement bien faite. C’est un public qui a une culture chorégraphique et il faut s’appuyer là-dessus, s’appuyer sur toutes ces valeurs fortes de transmission, de curiosité, de capacité d’aller vers de l’innovation. Nous avons rendu un hommage très sensible à Jean-Paul Montanari au début de notre oral de façon extrêmement sincère et chaleureuse. A partir de cela, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’exclusivité, que le champ de la pédagogie soit vraiment ancré dans le festival. On aimerait que les étudiants y aient une place. Que la filière de la formation ait une présence beaucoup plus publique, qu’elle soit visible dans l’espace public. Nous ferons venir des programmateurs du monde entier pour qu’ils voient ce qu’est la formation à l’Agora.

L’héritage est une force pas un frein

PIERRE MARTINEZ : Inventer du nouveau ne suppose pas qu’on doive faire table rase du passé. Au contraire, nous croyons que toute transformation profonde s’appuie sur une connaissance fine de l’histoire, sur ce qui a été construit avant nous. L’héritage du Festival Montpellier Danse et du Centre Chorégraphique National est considérable : c’est une force, pas un frein. Je pense aussi que nous sommes inscrits dans cette histoire par la présence des équipes. Nous allons travailler avec des personnes qui ont une expertise, des savoir-faire, c’est de la mémoire qui est à l’œuvre.

DOMINIQUE HERVIEU : Une autre innovation de notre projet, c’est cette co-direction, avec 4 co-directeurs.

LOKKO : Justement, comment allez-vous vous répartir les rôles ?

PIERRE MARTINEZ : Il y a d’abord une grande transversalité entre nous. Tous les sujets sont abordés collectivement et les décisions stratégiques sont prises de manière collégiale, à l’unanimité. C’est un principe de fonctionnement auquel nous tenons beaucoup. Il ne s’agit pas d’un empilement de compétences, mais bien d’un projet commun. La direction du projet global est portée par les quatre co-directeurs, ils assurent la mise en œuvre des décisions, chacun dans son domaine de compétence :

-La direction de la programmation et sa dimension partenariale est assurée par Dominique Hervieu.

-La stratégie managériale, l’organisation du festival, le choix des partenaires, la faisabilité financière et la cohérence du projet programmatique sont assurés par moi-même.

-Les artistes chorégraphes Jann Gallois et Hofesh Shechter ont la responsabilité artistique des créations et plus généralement seront les ambassadeurs de l’Agora pour développer des partenariats artistiques au niveau régional, national et international.

La direction artistique et pédagogique des propositions dédiées aux amateurs, du Master, de la Hofesh Shechter Company II et de la classe préparatoire sont pris en charge par Dominique Hervieu, Jann Gallois et Hofesh Shechter.

Hofesh Schechter

LOKKO : Vous avez beaucoup consulté, écouté, reçu. Qu’avez-vous senti d’une éventuelle demande montpelliéraine, des artistes, du public -que nous avions un peu scrutée dans LOKKO– ? Notre enquête faisait apparaître cette idée de forteresse de la danse dans l’imaginaire local, ancienne prison, ancien couvent, un lieu qui a un karma !

PIERRE MARTINEZ : Nous avons eu près de 40 rendez-vous.

Il faut construire ensemble

DOMINIQUE HERVIEU : Ce que j’ai ressenti, c’est l’envie de faire partie de cette nouvelle aventure. Les gens nous ont dit : il faut construire ensemble ! On a vu des personnes qui se demandaient comment elles pouvaient apporter leur richesse, leur passion de la danse au service de cette nouvelle filière de la danse sur toute la région. Une demande formulée de façon très libre, pas revendicatrice, très sympathique. De vrais désirs. Et nous avons ouvert des discussions avec les institutions comme le MOCO, le FISE, le festival de Radio France, avec lequel on travaille déjà sur une programmation commune ou encore le Printemps des comédiens, et l’Opéra bien sûr. Il y a beaucoup de choses qui existent, comme la Halle Tropisme pour les esthétiques de tiers-lieu, et autant d’envies d’amener la richesse de la danse dans des choses qui existent déjà. On pense en terme de fil rouge : la danse à l’Opéra, la danse au musée, la danse à la Comédie du livre. C’est la force de la danse d’être capable de rejoindre d’autres esthétiques.

PIERRE MARTINEZ : Il y a une chose dont on ne peut plus faire l’économie, aujourd’hui, c’est de créer une proximité de la culture avec les habitants. Une proximité immédiate. Toutes ces actions, ces collaborations visent à accentuer la proximité de la culture, de l’art et de la danse en particulier avec les citoyens. Vous parliez du bâtiment : nous voulons l’ouvrir. Aujourd’hui, il est un peu fermé. Il y a des grilles partout…

Ouvrir le bâtiment

LOKKO : Vous allez enlever les grilles de l’Agora ?

PIERRE MARTINEZ : Je ne sais pas si on va enlever les grilles. On n’a pas encore étudié techniquement aussi précisément les choses. Mais on va ouvrir la cour par exemple, ce grand cloître. On va l’ouvrir les mois où il fait beau, de manière à ce que ce lieu puisse être un lieu-ressource pour tous les gens qui pratiquent la danse, pour tous ceux qui pratiquent le mouvement, du cirque par exemple, des agrès ou autres, que ça puisse être un lieu de rencontre, d’entraînement, d’échauffement. Mais aussi un lieu accessible aux habitants, aux gens du quartier, qu’on retisse un peu le lien avec le tissu urbain immédiat ; un espace accueillant, traversant, vivant, où l’on peut entrer sans crainte, par curiosité, pour voir, pour écouter, pour participer, pour simplement être là.

LOKKO : On pourra y venir à tout moment ?

PIERRE MARTINEZ : Absolument.

LOKKO : Du matin au soir ?

PIERRE MARTINEZ : On n’a pas encore les horaires d’ouverture mais c’est l’idée. Nous allons réfléchir avec les acteurs de proximité pour définir les règles d’usage du lieu.

Jann Gallois

LOKKO : Il y a une demande importante de participation, de prise en compte des acteurs et actrices de la danse, de toutes les danses. Vous avez vu le CRAEM, regroupant 70 chorégraphes de la région, constitué pour peser dans ce recrutement. Comment les intégrez-vous ?

DOMINIQUE HERVIEU : On ne travaille pas du tout de façon descendante. On travaillera avec eux mais on ne va pas dire «voilà la règle du jeu, c’est oui ou non». Ils veulent faire partie de l’aventure, ils feront partie de l’aventure et maintenant il faut travailler sur leur présence dans les studios.

A chaque fois, il va falloir construire. C’est dans cet esprit que j’ai travaillé pendant 15 ans à Lyon. Ils n’ont pas souhaité candidater en tant qu’association, ce qu’ils auraient pu faire, donc, ils vont être dans un deuxième cercle comme forces vives, ressources, une sensibilité, et une présence.

Diversifier les ressources

LOKKO : Dominique Hervieu, vous avez dit sur France Culture : «un festival doit inonder une ville». La présence de Montpellier Danse est, généralement, assez peu palpable dans la ville. Y aura-t-il un grand défilé d’amateurs en ouverture de Montpellier Danse comme à Lyon ?

DOMINIQUE HERVIEU : Non ! Le défilé, c’est une tradition lyonnaise. Mais il y a plein d’autres choses à inventer avec la même esthétique, la même éthique du partage. Pour faire vivre tous ces gens qui aiment la danse, qui la pratiquent.

LOKKO : Vous aurez assez de 6 millions d’euros pour faire tout cela ?

PIERRE MARTINEZ : On fera avec ce qu’on nous donne. C’est important : les tutelles se sont engagées au moment de la candidature à maintenir les moyens dans un contexte où les aides à la culture vont plutôt en se réduisant. Après, nous voulons développer et diversifier les ressources. On y travaillera de manière très très active. Mais l’engagement des tutelles à nos côtés est évidemment très important et il faudra être vigilant à ce qu’il soit bien respecté. On le leur rappellera.

LOKKO : Allez-vous vivre à Montpellier ?

PIERRE MARTINEZ : La décision est très claire en tout cas pour Dominique, Jann et moi-même : on s’installera effectivement à Montpellier, dès le mois de septembre. Hofesh circulera entre Londres et Montpellier. Montpellier sera un port d’attache important pour lui.

Qui sont-ils ?

Dominique Hervieu est une éminente figure de la danse en France. Elle a été directrice du Théâtre de Chaillot, à Paris, de 2008 à 2011, puis de la Maison de la danse de Lyon et de son prestigieux festival, puis directrice de la culture de Paris 2024. L’Olympiade culturelle, qu’elle a pilotée durant les JO, s’est déployée à travers plus de 2 000 rendez-vous artistiques dans 750 villes de France.

Pierre Martinez est un des administrateurs de référence de la danse en France, spécialisé dans la transition de grandes structures : Maison de la danse de Lyon, Centre chorégraphique national du Havre, de la Rochelle, Centre national de danse contemporaine d’Angers.

Hofesh Schechter est l’un des plus grands chorégraphes contemporains. Il réside depuis 25 ans à Londres. Il est l’un des chorégraphes étrangers les plus fêtés en France. Il était à l’affiche du film En corps de Cédric Klapish où il joue son propre rôle. Parmi ses chorégraphie notables, à l’énergie brute, figurent UprisingPolitical Mother et Grand Finale. Il était récemment à l’affiche du théâtre de la Ville avec From England with Love et sera cet été programmé à l’Opéra de Paris.

Venue du hip hop, la chorégraphe Jann Gallois a été artiste associée dans les maisons que Dominique Hervieu a dirigées, à Paris et Lyon. En juillet 2022, on avait vu l’impressionnant Just your shadow avec le célèbre duo d’arts visuels Adrien M & Claire B au Festival d’Avignon. Une femme-orchestre, une chorégraphe pluridisciplinaire entre danse contemporaine et acrobatie, spécialement inventive.

Crédit photos : Laurent Philippe.

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