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Maguelone Vidal met en sons les comédiens de la Bulle Bleue

C’est une première : la troupe professionnelle de comédiens “en situation de handicap” avait toujours travaillé avec des metteurs en scène de théâtre. Performeuse, compositrice, saxophoniste, Maguelone Vidal les amène ailleurs, dans une étonnante expérience “polysensorielle”. Encore à l’affiche les 27, 28 et 29 novembre à 20h.

Photos Marc GinotC’est un moment spécial qui s’annonce, quand on se voit inviter à s’asseoir par terre au centre d’une scène plongée dans le noir. Les voilà, ces acteurs que l’on reconnaît bien maintenant. Huit comédiens de la troupe de l’ESAT de la Bulle Bleue, unique dans la région.

Une troupe professionnelle

C’est en soi remuant de les revoir, cela ravive les éternels ressentis complexes et contradictoires face à la différence. D’année en année (depuis 2012), ils ont conquis ce privilège : devenir des comédiens comme les autres. Mais ils sont toutefois pourvoyeurs d’une qualité d’émotion très particulière. Cette professionnalisation est mesurable à leur totale disponibilité pour cette nouvelle et audacieuse proposition.

Une musique des corps

Maguelone Vidal, créatrice très cotée à Montpellier est la première artiste associée qui ne vient pas du théâtre. Elle a été médecin puis s’est consacrée à la musique. Sa touche distinctive : une musique près du corps, voire une musique du corps.

Un jardin d’enfants bruitistes

Lorsqu’ils entourent le public, formant un cercle autour de lui, on se voit englober dans un rituel dont on se demande s’il n’est pas un peu sacrificiel. Visages de gargouilles éclairées, ils sont comme porteurs d’une menace. Mais c’est un leurre car s’enchaîne alors une série de séquences plutôt loufoques et entièrement tournées vers eux-mêmes. Ils forment un jardin d’enfants narcissiques et bruitistes, sans manifester d’intérêt pour nous qui tentons de les suivre, en passant de l’un à l’autre…

Ma note intime

Un acteur, ventru, torse nu, falstaffien, passe une électrode sur son ventre pour en tirer une vibration, puis tous frottent leurs corps à moitié dénudés à la recherche d’une note intime. C’est moins un jeu d’acteurs, que des essais en tant qu’émetteurs de sons. Ces corps qui portent, pour certains, les stigmates de la maladie, Maguelone Vidal s’est attachée à les faire résonner dans cette création “polysensorielle”, afin qu’ils trouvent leur musicalité propre, innée. D’où cette question qui traverse l’esprit : mon corps a-t-il un son à lui ?

Moi, faut me tuer

C’est un spectacle subliminal. Ce que l’on en retient est terriblement subjectif et nous renvoie à nos profondeurs. Il y a ce cri isolé, qui glace : “Moi, faut me tuer“, ces feuilles métalliques qui vibrent, un tambour de machine à laver en action, des jeux de ballons, une longue série de “oui” jetés dans le silence.
Sans paroles, il opère un retour aux origines. Organique, il donne l’illusion d’une immersion dans un placenta musical. Surnagent des lambeaux de langage : extrait de “La Mouette” de Tchekhov, du poème de Pierre Tilman “Tout le monde”, des conversations au téléphone, une séquence cinéma avec la plainte zulawskienne d’une Romy Schneider : “S’il vous plaît ! Ne fais pas de photos“, un scat chuchoté : “tout le monde est différent, tout le monde est monstrueux”.

Une scène de direction d’orchestre muette -comme point d’orgue de cette magnifique expérimentation dadaïste- reste longtemps en tête.

En tournée au Kiasma les 5 et 6 décembre, au Périscope de Nîmes le 17 mars 2020, Scène de Bayssan le 28 avril.

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