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Atelier d’écrits crus avec Emma Becker

A l’invitation de Papier de soi et de Tropisme, l’auteure sulfureuse de « La Maison » (Flammarion »), qui raconte son immersion durant un an dans un bordel berlinois, a animé un atelier d’écriture sur la littérature érotique. Récit d’un moment fort et singulier.

 

Photos : Céline Courtault-Capelier

Emma Becker a fait exploser le compteur. Les ateliers d’écriture de Sonia Chalbi sont réputés à Montpellier mais ils n’excèdent pas une dizaine de personnes à chaque fois. Une restriction nécessaire à la qualité de l’échange. Cette fois, dans la petite salle de conférence de la halle Tropisme, il faudra plus d’une demi-heure de chaises déplacées et de tables émigrant d’un bout à l’autre de la pièce pour caser les 21 personnes présentes. « Dont 6 hommes ! » se réjouit Sonia Chalbi, épaisse chevelure en fête et robe fleurie, « sur un petit nuage ».

Suprêmement potelée et mutine

Des trentenaires à lunettes, des sexagénaires amoureux de la vie, des habitués : ils forment un U autour de la petite table devant laquelle ont pris place Sonia Chalbi et Emma Becker.

« La maison » est un grand et incroyable livre, d’une maîtrise totale, qui a défrisé quelques féministes. Écrivaine, et prostituée pensante : ça fait beaucoup. C’est une petite femme aux hanches larges, suprêmement potelée et mutine, avec un tout petit nez, qui arrive dans la salle. Elle a ce genre de visage d’enfance qu’on garde toute sa vie. En jean, et tee-shirt unisex camel, des bottines qui ont vécu, elle est évidemment très loin de la pensionnaire du lupanar allemand dont elle décrit le quotidien. Toujours ce souvenir que la littérature est affaire de distanciation.

« Petite, j’avais une hantise de la vulve »

Si ces amoureux de la langue (sans jeu de mot) sont là, c’est bien parce qu’Emma Becker a des choses à leur apprendre sur l’écriture érotique. C’est le présupposé de cette séquence un peu exceptionnelle.

Il est 18h00, ce jeudi 13 février. L’atelier démarre enfin avec quelques mots d’Emma : « L’érotisme, ça s’invente pour soi. Il n’y a pas de règles. Moi, ce sont les perceptions et les langages qui m’intéressent« . Puis elle lit un passage du « Con d’Irène » d’Aragon, écrit sous pseudo, que Paulhan et Camus tenaient pour un chef d’oeuvre. « Accrochez-vous à votre chaise » conseille-t-elle. A la fin de la lecture, cette confidence : « Petite, j’avais une hantise de la vulve dont le seul mot était une abomination complète, mais plus on le dit, moins il est grave« .

Écrire un sexto

C’est le moment pour Sonia Chalbi d’organiser le premier exercice. Les participants vont écrire chacun un sexto à partir de contraintes imposées par leur voisin. Chacun a imaginé deux personnages (deux profils), un lieu et un objet. L’ensemble doit être la matière d’un court texte. « Un sexto, c’est d’abord une lettre qui arrive tout de suite… Vous n’êtes pas obligés d’être graveleux ! » accompagne Emma Becker.

Tout le monde est globalement à l’aise. Les prises de parole sont aisées, à une ou deux exceptions près. On a parfaitement le droit de ne pas vouloir lire sa production. « Tu me savais taiseux mais cette nuit ma langue se délie« . Un homme s’est lancé et ravit Emma Becker, surtout avec cette formule « tes lèvres qui ne rougissent pas« . « Bravo, j’aime beaucoup« .

« Je pensais que vous seriez plus crus ! »

Un autre : « Rougir l’écrin blanc de tes yeux verts« . « Ah, c’est du Éluard ! » commente Emma Becker. Une aide-soignante évoque la sexualité d’un vieillard qu’elle connaît à l’hôpital : « Mon sexe se lève encore pour toi« . L’écrivaine paraît recevoir ces inventions des autres avec délectation tandis que Sonia Chalbi s’étonne : « Je pensais que vous seriez plus crus ! »

Le deuxième exercice relève de la correspondance amoureuse sous l’égide de Cicéron : « Une lettre ne rougit pas ». Sonia Chalbi précise : « Une lettre de conquête ou de reconquête. Une correspondance amoureuse ou érotique. de l’implicite ou de l’explicite« . Emma Becker complète : « Imaginez ce que vous aimeriez qu’on vous dise. Surtout, employez le langage avec lequel vous êtes à l’aise ». S’ensuit trente minutes de calme total dans la petite salle surchauffée, très ambiance examen du Bac.

La simple pensée de votre écusson

Sébastien crée la surprise en offrant à Emma Becker sa « promenade dans les quartiers de Montpellier« . « Je vous aime avec un grand M« . Il ose : « la simple pensée de votre écusson« . Et finit par « Je suis votre Odyssée Homme ! » Emma Becker applaudit : « Bravo ! » Ce n’est pas fini : un homme qui pourrait avoir passé cette limite au delà de laquelle certains tickets ne sont plus valables, déclame superbement : « J’ai tant aimé si fort ! » L’écrivaine n’en revient pas : « Je suis admirative de vos rimes produites en une demi-heure ».

A sa suite, Isabelle évoque l’adultère : « L’open space ne m’a jamais paru aussi vide depuis que tu m’ignores« . Un autre « conjugue l’imparfait décomposé dans un domicile inconjugal« . Une femme nous fait bien rire : après une infidélité de son mari, elle s’est jetée « sur le boudin du voisin ! » Une autre à son amant : « tu me rends liquide ». Celle-là déroule sa métaphore « d’étreintes de papier. Je voudrais te chiffonner ».

La gaule de bois

« Comment faîtes-vous pour trouver si vite de tels jeux de mots ?« . Emma Becker avoue avoir particulièrement apprécié : « La gaule de bois ». Elle souligne l’appréhension du groupe à employer des mots crus. « Faites-le ! Vous pouvez leur donnez une certaine tendresse ! »

 

Sur FB : papier de soi -Atelier d’écriture Montpellier
Tél : 0622652065        papierdesoi2@gmail.com

Prochains ateliers de Papier de soi :
-Écritures Croisées avec la Maison de l’Image Documentaire (Sète), le samedi 7 mars de 15h à 18h autour de l’exposition de Andrea Olga Mantovani. Tarifs : 15€ . Atelier limité à 8 personnes par ordre d’inscription par mail.
-After Work d’Écriture à Tropisme sur le thème de l’enfance. « Just Trokids ou l’enfance merveilleuse ». Tarif libre avec une consommation obligatoire au Café Tropisme. Atelier limité à 20 personnes par ordre d’arrivée.

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Françoise Wilder
Françoise Wilder
4 années il y a

Aucun mot de la langue n’est interdit. Ecrire : être souverain. Les mots osés attendent notre main. Les écrire n’évente pas leur secret, s’il y en a un.
J’aime beaucoup le livre d’Emma Becker

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