“Je devais venir passer quelques jours en juin à Montpellier, je pense que ce ne sera pas possible. Mais qu’importe, mon cœur fera le pont entre les deux continents”. Consultante en Interculturel, Cécile Lazartigues-Chartier a quitté Montpellier pour Montréal depuis plus de deux décennies. Elle nourrit cependant le lien entre les deux villes “avec constance et tendresse”.
Les nouvelles venaient de loin, la crise semblait presque abstraite. J’avais pris la décision de me couper de la logorrhée médiatique anxiogène pour me protéger d’une déferlante de peur et d’un sentiment d’impuissance. Ceux qui étaient déjà dans l’œil du cyclone faisaient parvenir de leurs nouvelles comme des cercles concentriques qui se démultipliaient à l’infini.Après l’éloignement, la proximité
Au début de cette crise planétaire, on pouvait sentir au Québec une certaine distance par rapport à la Chine puis à l’Europe. On était sur un autre continent, faisant ainsi fi de la réalité de la globalisation. Puis, avec fracas, la réalité nous a rattrapés en même temps que les chiffres qui ont commencé à enfler ici aussi. L’écho du partage des proches, famille ou amis, devenait pour nous aussi une réalité tangible. On a commencé à comparer nos situations, nos confinements… en se sentant plus proche.
Plus d’espace de liberté
Peut-être parce que les Québécois ou les Canadiens suivent généralement les règles avec moins de liberté que les Français, les directives d’isolement sont moins coercitives ici. On se doit de rester chez soi, seuls les déplacements de première nécessité sont de mise mais on a le droit de faire un tour, de prendre l’air en gardant nos distances certes, mais on a encore cette liberté. Bien que les quelques rebelles qui s’adonnent encore à leur instinct grégaire seront dorénavant sujets à des amendes salées allant de mille à six mille dollars, par personne prise en faute d’agrégation humaine.
Prendre le temps
Après la fermeture des écoles, des entreprises et l’application des règles d’isolement, le temps a commencé à s’étirer, se distordre. Nous nous devions de trouver une manière différente de travailler, pallier les difficultés par une créativité inédite. Se réinventer, même dans les relations. Alors peut-être grâce à un temps retrouvé ou par désœuvrement, les communications se sont développées, différemment. Des amis de longue date perdus de vue, la famille éloignée, des connaissances professionnelles ou sociales avec qui nous conversions peu avant, ou de ceux dont malgré le lien nous avions perdu le fil.
Renouer avec l’essentiel
Je me questionnais à nouveau sur la pertinence ou l’impertinence – oui, je sais ce n’est pas le mot adéquat, mais il sied à merveille je trouve – d’alimenter et d’enrichir certaines relations. Comme si un espace plus grand s’offrait pour choisir, se choisir à nouveau, dans la relation à l’autre, pour retrouver l’essentiel et le choisir avec une générosité assumée dans le moment présent, une jolie manière de s’affranchir du fracas de nos vies.
Montpellier-Montréal
Je devais venir passer quelques jours en juin à Montpellier, je pense que ce ne sera pas possible. Mais qu’importe, mon cœur fera le pont entre les deux continents. A l’instar de Robert Charlebois qui chantait Je reviendrai à Montréal, je reviendrai à Montpellier non pour y vivre mais pour vous, vous que j’aime, vous qui faites aussi partie de ma vie.