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L’ESMA, moteur de l’industrie culturelle à Montpellier

L’École supérieure des métiers artistiques a officiellement inauguré son “campus créatif” : des locaux gigantesques sur l’ancien site militaire de l’EAI pour 1000 étudiants. Un air de studio de major américaine et de Silicon Valley. L’établissement privé -qui enseigne le jeu vidéo, l’image animée et le cinéma- est un acteur considérable à Montpellier, contribuant à écrire une nouvelle page de son histoire économique.

“Rendre les gens heureux”

Un hall d’entrée de 600m2, 4 auditoriums, un studio de tournage dernier cri, un espace de fitness, un restaurant, un jardin suspendu, un city-stade multi-sports sur le toit : le nouvel outil assez hallucinant de l’Esma propulse le visiteur dans un autre espace-temps. Un air de studio de major américaine et de Silicon Valley en même temps où l’on vise à “rendre les gens heureux” selon la formule de Isabelle Teissedre, la directrice pédagogique de l’Esma. Lors de l’inauguration du 16 septembre dernier, l’architecte catalan Josep Lluís Mateo a expliqué avoir conçu ce bâtiment “comme une ville-monde“. Il abrite 1000 étudiants, une centaine de collaborateurs dont les enseignants.

L’Esma en soi est une aventure à part, sans équivalent à Montpellier. Une réussite totalement privée, menée depuis 30 ans par Karim Khenissi, mélange de bonhommie et d’ambition en acier. L’éducation publique dans ce secteur, largement déficitaire en France, a été doublée par des opérateurs comme lui qui ont financé leur groupe éducatif par des opérations parallèles de promotion immobilière dédiée aux étudiants. C’est ce modèle économique qui vaut aujourd’hui au montpelliérain Karim Khenissi d’être à la tête d’un important réseau national Icônes d’écoles spécialisées (1). Et de lorgner vers Bruxelles et Barcelone.

La cité créative, un nouveau quartier high tech

Ce “complexe à l’échelle européenne” -dit “Campus créatif”- qui a coûté 45 millions d’euros, uniquement sur fonds propres- est encore un peu seul dans l’ancien terrain militaire de l’EAI rebaptisé “Cité créative” (vu d’un drone ci-dessus). Premier occupant, son voisin : le tiers-lieu de la halle Tropisme, qui relève d’un autre modèle économique, tout aussi singulier. Géré par une coopérative, il se finance avec les loyers de ses résidents et a vite pris un leadership dans la culture. En 2023, ce sera l’ouverture sur le même site du Cocon -dans l’ancienne salle de projection de la caserne- : une salle de spectacle de 400 places, un espace de danse pour l’école Epsedanse d’Anne-Marie Porras, un restaurant en roof-top et une galerie d’art.

On en parle depuis plusieurs années déjà : la “Cité créative”, ce que Karim Khenissi appelle “un écosystème à l’échelle d’un grand quartier“, s’aménage progressivement. Un “quartier mixtedédié aux “industries culturelles et créatives” (2) mêlant bureaux et logements. La ligne 5 du tram passera au deuxième semestre 2025 dans ce no man’s land éternellement en travaux.

Les ICC, nouvel eldorado montpelliérain

A Montpellier, c’est un concept-roi mais assez méconnu. La prestigieuse antenne montpelliéraine du géant breton Ubisoft a fertilisé tout un secteur de start-ups surdouées. Des noms se sont fait connaître dans le monde entier comme Dwarf, Digixart, Wardenlight Studio, Wild Sheep Studio… Et depuis peu, France Télévision est venu renforcer l’eldorado high tech de Montpellier en construisant depuis ses studios de Vendargues un “Hollywood des séries”.

Comme Ubisoft , l’Esma suscite les opportunités. Une quarantaine de studios viennent chaque année pour voir les productions de fin d’année des élèves. Des représentants de Netflix ou Warner Bros font le déplacement. “Nous avons déjà quelques contacts avec ces studios importants pour les faire venir. Il est temps de voir s’implanter des entreprises près de nous qui ont une taille critique (environ 40 salariés). Trois ou quatre suffisent pour créer une dynamique“, assure Laurent Michaud, le directeur du développement du groupe Icônes. Le plateau de tournage de 600m² est mis à la disposition des entreprises. Une pépinière va coacher gratuitement des entrepreneurs, sélectionnés par un jury.

Tout le monde me dit : il y a une carte à jouer à Montpellier”

Pour l’instant, “la majorité de nos étudiants nous quittent à la fin de leur cursus” a regretté Karim Khenissi lors de l’inauguration, bousculant un peu l’euphorie ambiante. “A tous ceux qui veulent nous quitter pour Los Angeles, nous disons : vous avez tout ce qu’il faut à Montpellier” a assuré Michaël Delafosse, qui annonce “une manifestation internationale pour soutenir les ICC et faire comprendre au grand public leur dynamique. Tout le monde me dit : il y a une carte à jouer à Montpellier”.

Dans l’ombre, les équipes de la métropole s’activent sur le foncier et l’accompagnement des entreprises. L’idée est de jouer la concurrence avec Los Angeles, Vancouver ou Londres en faisant valoir aides publiques et crédits d’impôt qui font baisser les coûts de production : “Il faut accélérer les implantations d’acteurs“. Elles travaillent sur un projet de bâtiment mélangeant vieilles pierres rénovées et plateau moderne qui proposera des solutions de bureaux à partir de 100 m² et un autre bâtiment “pour les grands comptes”, futur immeuble high-tech de standing.

 

Sur la photo ci-dessus, de gauche à droite : Josep Lluís Mateo, architecte, Karim Khenissi, directeur général de l’ESMA, Isabelle Teissedre, la directrice pédagogique, Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, Maarten Van der Voorde, urbaniste de la Cité Créative.

 

(1) L’Ecole Supérieure des Métiers Artistiques (ESMA) de Montpellier est l’école historique du réseau proposant des formations en arts appliqués, design graphique, design d’espace et cinéma d’animation. S’ajoute sur le site montpelliérain l’Ecole d’Arts Appliqués (IPESAA) qui forme au design, à l’illustration et au jeu vidéo ainsi que l’antenne “jeux vidéo” de l’Ecole de Photographie et de Game Design (ETPA) enfin une antenne de Cinecréatis, école de cinéma qui veut “devenir l’une des grandes écoles françaises de cinéma“.

(2) On s’est habitués à ce terme néo-techno d’ICC qui regroupe l’ensemble des entreprises liées à l’économie des arts et de la culture aujourd’hui : médias, design, vidéo, jeu vidéo etc… L’association du terme “industrie” à la culture et à la créativité a longtemps été un sujet “touchy”. A l’origine, des intellectuels (comme Adorno) avaient parlé d’industrie culturelle pour mettre en garde contre les dangers de la standardisation. Un concept totalement mainstream aujourd’hui. “D’une modernité incroyable” souligne Karim Khenissi, “avec des emplois qualifiés et non délocalisables”.

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