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Narbo Via : la Narbonne antique est de retour

Monolithe aux lignes longues et simples, le nouveau musée Narbo Via a l’ambition de devenir un lieu de référence sur la romanité en Méditerranée, restituant la splendeur passée de la première colonie romaine hors Italie. Le clou de l’exposition : une galerie lapidaire qui fait parler les pierres…   


Narbo Via s’élève à l’entrée Est de la ville, dans le quartier en pleine mutation du canal de la Robine. Sobre et minéral, il s’insère naturellement dans le paysage. Fait de couches de béton superposées, son aspect rappelle les stratifications archéologiques et les tonalités ocres des terres locales. Coiffé d’un toit à larges débords, il offre également un refuge face aux forts rayons du soleil méditerranéen ainsi qu’au célèbre vent narbonnais. 

100 000 visiteurs ont déjà admiré les 7 000 pièces de la Narbonne antique depuis son ouverture au mois de mai. L’ensemble réunit sous une même entité le musée lui-même et les deux sites d’Amphoralis, ancien atelier de production d’amphores gauloises de Sallèles d’Aude, et de l’Horreum, les galeries souterraines du centre de Narbonne.

La capitale de la Gaule romaine

Narbo Martius est le nom donné à Narbonne, première colonie romaine hors d’Italie. L’appellation Narbo Via s’en inspire : “un nom qui nous enorgueillit et nous donne un programme d’avenir” selon la formule du professeur Jacques Michaud, président de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne. Ce musée redonne vie à la grande cité antique aujourd’hui disparue. En effet, à la différence de Nîmes ou d’Arles, Narbonne ne conserve aucun patrimoine bâti, à l’exception des galeries souterraines de l’Horreum, que l’on peut visiter dans le centre-ville. 

Il s’agit aussi de rappeler sa place de capitale romaine de la Gaule narbonnaise : carrefour naturel et stratégique à la croisée de la via Domitia et de la voie d’Aquitaine, la cité antique était un des ports méditerranéens les plus importants après Ostie. Ce musée vient enrichir le réseau de routes de la Romanité mises en place par les acteurs culturels à l’échelle du Bassin méditerranéen. 



“Le personnage principal de l’édifice”

L’ensemble du musée s’articule autour d’un mur “porteur” bien particulier. Conçu comme une sorte de via Antica, il traverse le bâtiment du nord au sud sous une immense verrière. Long de 76 mètres de long, ce mur, qui touche les baies vitrées latérales et le plafond, fait prendre au visiteur toute la mesure du bâtiment. Il est constitué d’un ensemble de 760 blocs de pierre, accompagnés de quelques blocs de marbre. Pour l’architecte Lord Norman Foster, il est “le personnage principal de l’édifice”. C’est la première chose qu’on voit en arrivant. Monumental et impressionnant. 

Certaines des pierres qui forment le mur viennent d’antiques édifices publics, comme le forum ou l’amphithéâtre de Narbo Martius. La plupart sont cependant issus des monuments funéraires des nécropoles de l’ancienne cité romaine. Ce sont des monuments et des lieux qui ne sont plus visibles, au contraire d’Arles ou de Nîmes par exemple, leurs murs ont été démolis pour construire les premiers remparts. 

Des vestiges recyclés en remparts

Les pierres de Narbonne ont été réemployées de nombreuses fois au cours de l’histoire de la ville, principalement pour en définir les limites : d’abord pour se défendre face aux Wisigoths avant le VIe siècle, puis pour de nouveaux remparts médiévaux, remaniés sous Louis XII et ornés des plus belles pierres sculptées sous François Ier. Certaines étaient disposées en frise, d’autres étaient placées autour des portes de la ville pour les magnifier. Au XIXe siècle, Prosper Mérimée, écrivain et archéologue auteur de “La Vénus d’Ille”, parlait de cette enceinte comme d’un “véritable musée en plein air”

Plus tard, vers 1867, pour répondre à la hausse démographique, la ville a commencé à démolir les remparts, longs de trois kilomètres. La démolition d’une section des remparts s’est poursuivie sur une vingtaine d’années pour laisser place à la ligne de chemin de fer. Pour garder la main sur ce patrimoine, envié par de nombreux musées comme le musée du Louvre ou celui des Augustins à Toulouse, les Narbonnais se sont constitués en société archéologique. Une partie des blocs a été sauvée par la Commission archéologique et littéraire de Narbonne. 

Le message des pierres 

L’église Notre-Dame de Lamourguier, désaffectée depuis la Révolution, a été mise à disposition pour conserver les vestiges. Les pierres ont été installées dans la nef et les chapelles rayonnantes. Les habitants circulent dans ces nouvelles allées comme on circule dans un musée. Ils observent les frises d’armes, les sculptures florales, déchiffrent les inscriptions funéraires gravées dans la pierre. Aussi spectaculaire que pouvait être le mode d’exposition à Notre-Dame de Lamourguier, les inscriptions gravées dans les blocs, formidables documents de l’organisation sociale de la cité, étaient difficilement lisibles. 

La scénographie restitue aux pierres leur fonction documentaire. Le mur lapidaire du nouveau musée a été conçu “comme une bibliothèque” indique le scénographe Adrien Gardère. Aujourd’hui, 1 500 blocs, vestiges des monuments funéraires puis des remparts, sont conservés à Narbo Via. “L’idée est de stocker l’essentiel de la collection en réserves, et de jalonner le parcours permanent de petits regroupements de pierres, comme des stations. Mais en concertation avec les architectes de Foster + Partners et l’équipe du musée, ajoute-t-il, nous avons décidé d’en montrer une très large partie”, d’où cette création. Le public peut mesurer leur caractère antique et prendre le temps de lire leurs décors. 

Comme dans un supermarché

760 blocs lapidaires sont donc montés des transstockeurs. Utilisé dans le monde industriel et la grande distribution et enrichi d’un dispositif mécanisé, ce procédé a été adapté pour la première fois à un musée. La structure comprend deux rangées de racks entre lesquelles circule un bras équipé d’une fourche rotative permettant de déplacer et de réarranger aisément les pierres, qui pèsent environ 500 kilos chacune. Ainsi, la présentation pourra être renouvelée pour permettre à tous les blocs d’être visibles à un moment ou un autre de la journée. Deux écrans intégrés dans le mur permettent de les décrypter et de les contextualiser. Plus qu’une bibliothèque, le mur a été conçu comme un “outil d’étude iconographique et épigraphique, de gestion et de valorisation”, explique le conservateur Ambroise Lasalle. Enrichi par les nouvelles médiations numériques, il témoigne de l’évolution des pratiques muséographiques. 

Trésors antiques et recherche pointue

Véritablement, l’innovation fait partie intégrante de ce projet, de la conception à l’élaboration du parcours de visite. Les outils numériques permettent l’immersion dans l’époque romaine et facilitent l’appropriation de l’histoire de Narbonne. C’est un message à délivrer aux générations futures, un message de préservation et de transmission de notre patrimoine et de nos racines. Une architecture particulière qui vient souligner la démarche de recherche et de médiation du musée : le mur sépare les salles d’expositions des salles de travail, dédiées aux chercheurs et restaurateurs venus des organismes de recherche partenaires et les universités régionales.

Un parcours de villa romaine

Une fois le mur dépassé, le parcours dans les salles d’exposition du rez-de-chaussée imite celui de la typique domus romaine : le visiteur entrant par le vestibule traverse l’atrium pour rejoindre d’autres pièces. Y sont exposés de véritables monuments funéraires, des mosaïques, des fresques… On peut voir notamment la stèle de Marcia Donata, riche milanaise très indépendante, ou bien la célèbre fresque au Génie, provenant du triclinium de la maison à portique du Cos de la Lombarde (IIe siècle).

Le long du parcours : des alcôves exposent “les actualités de la recherche”, au moyen de vidéos, de projections, de restitutions en 3D ; elles présentent les fouilles menées dans la ville, des maquettes de bateaux ou encore des carnets de recherche sur le système portuaire de Narbo Martius. 

 

L’exposition Veni, Vidi,… Bâti ! propose une réflexion sur la persistance du prestigieux héritage architectural de la Rome antique et interroge la notion de « fragment », architectural et archéologique, comme élément d’étude. Le commissaire de cette exposition, Tom True, chercheur invité à l’Université du Kent et ancien directeur adjoint de la British School de Rome a travaillé en étroite collaboration avec l’équipe scientifique de Narbo Via et celle du cabinet Foster+Partners.

Jusqu’au 28 février 2022. Ouvert tous les jours de 10h-12h – 14h-17h (du 1er octobre au 30 avril), sauf le lundi (fermé les 25,26 décembre et le 1er janvier). En savoir +

 

Photos @musée Narbo Via.

 

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