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Marc Ginot : 25 années de regard sur les artistes de Montpellier  

 

Le grand photographe de la vie artistique montpelliéraine expose la chaleur de ses compagnonnages, plutôt que le spectaculaire de la scène, non sans un goût de rébellion perdue. L’exposition “25 ans, 25 photos, 25 mai” au Tri Postal est à voir jusqu’au 2 juillet.

Une photo murale de très grand format accueille les visiteur.se.s de l’exposition “25 ans, 25 photos, 25 mai”. Elle est devenue iconique pour la mémoire de la danse à Montpellier. 1989 : le chorégraphe Dominique Bagouet est également l’interprète de sa propre pièce “Meublé sommairement” dans la cour Jacques Coeur, pour ce qui est alors la neuvième édition du Festival Montpellier Danse. Gracile, infiniment délicat, l’artiste est campé dans une énigmatique posture de penché latéral incurvé, d’où émanent les lignes de deux bras aussi précis que des stylets.

On parcourt quelques mètres à l’intérieur de la vaste salle d’exposition. Le second cliché est d’un format beaucoup plus petit, comme déposé dans un coin. C’est un clin d’œil. On y voit Dominique Bagouet, toujours, mais cette fois accompagné de Jean-Paul Montanari, lui directeur du Festival Montpellier Danse. On est un peu plus tôt dans ces mêmes années 80 du siècle dernier. Et les deux hommes dialoguent dans une posture malicieuse, pour ne pas dire loufoque (à la UNE).

Dominique Bagouet était alors le directeur fondateur du Centre chorégraphique national de Montpellier. Des vingt-cinq photos sélectionnées pour cette exposition de Marc Ginot, émane l’atmosphère ambiguë des souvenirs charriés par un quart de siècle de vie artistique montpelliéraine. Ces deux premiers clichés sont ceux d’une ville, alors conduite par Georges Frêche, dans un sentiment joyeux de réveil culturel tonitruant, chevauchant les esthétiques les plus nouvelles, en pleine ébullition. Puis Dominique Bagouet fut vite emporté par le sida. La cour Jacques Coeur a disparu. L’Agora de la danse s’est élevée, cernée de grilles, boulevard Louis Blanc.

Le photographe Marc Ginot se fait discret quand on lui suggère de commenter l’évolution de la vie artistique montpelliéraine sur toute la période qu’embrasse son exposition. Il concède : “La sauvagerie de l’être artiste s’est assagie. Le punk est devenu intermittent du spectacle (et ça se comprend, question de survie économique). La vie artistique a glissé vers une fonction, garantie par l’institution, avec son incroyable pouvoir de récupération. L’offre culturelle est assurée par les pouvoirs publics, on ne saurait s’en plaindre. Mais dans tout cela on trouve moins de naïveté, moins de liberté, pour plus de reconnaissance.”

Ginot cite encore l’échec de l’implantation de Rodrigo Garcia, ce grand perturbateur iconoclaste, précédant l’actuelle équipe de direction au Centre dramatique national de Montpellier, comme un signe de perte d’esprit d’audace et d’aventure esthétique. Lui-même déboula dans ce monde de la culture, à l’époque de Bagouet dans la danse, Nichet et son théâtre universitaire à Grammont, et de la salle Victoire en train de s’installer sur le front du rock. Appareil photo à l’oeil, aujourd’hui jeune sexagénaire, il aura fait son métier d’une vie à relater par l’image les créations de dizaines et dizaines d’artistes.

Un autre anniversaire se signale, à l’origine de cette exposition : les vingt-cinq ans de l’ARDEC, un organisme né de la fédération d’une trentaine de compagnies artistiques – “tellement moins nombreuses, mais plus fédérées qu’aujourd’hui” – se souvient son directeur Gilles Albalat. Un quart de siècle plus tard, cinq cents structures sont accompagnées par l’ARDEC, pour leur gestion administrative, leurs stratégies de développement, la formation dans les métiers en cause. L’invitation faite à Marc Ginot est une occasion de découvrir le lieu discret, près de l’hôpital Lapeyronie, et pourtant magnifique, qu’est Le Tri Postal, espace de co-working où est installé l’organisme.

Le photographe exposant s’y confronte au défi redoutable de montrer ses œuvres dans une pièce vouée au travail, qui n’est en rien conçue comme une galerie. Or ses grands formats (100 x 160 le plus souvent) y respirent à l’aise, magnifiant un espace post-industriel déjà très élégant par lui-même. Là, chaque cliché happe l’attention, avec une puissance qui est le plus souvent celle d’un portrait interpelant le visiteur, la visiteuse.

Au spectaculaire des photos de scène, de concert, de danse ou de théâtre, Marc Ginot préfère généralement des photos d’accompagnement, qui témoignent “de ces parcours dans lesquels (il s’est) trouvé embarqué. J’aime les gens. Je cultive les compagnonnages. Mes clichés participent à la cohésion d’une mémoire partagée, nourrie par tout le travail  préparatoire, puis les tournées, dont ce qui se passe sur scène n’est qu’un volet”. On n’est pas là non plus dans le reportage. Les prises de vue sont travaillées, parfois issues de séances à cet effet, y compris avec visées graphiques et illustratives.

Le regard de Ginot irise, fouille, déplie, l’émotion humaine, chaleureuse et pétrie d’intelligence, qui émane des présences, des recherches, d’une ample génération dont les héros musicaux sont ici les Dimone, Florian Brinker, Imbert Imbert, les danseurs Glandier, Marc Vincent, Ramalingom, Hélène Cathala, les comédien.ne.s et metteur.se.s en scène Stéfan Delon, Julien Bouffier, Fanny Rudel, Claire Engel, Nicolas Oton (entre autres). Si étudiées soient certaines poses, rien n’entame l’intensité des passions ainsi restituées, telles qu’elles furent “peut-être un peu plus au coeur, moins à la périphérie, qu’elles le sont aujourd’hui”, médite Marc Ginot.

 

25 ans, 25 photos, 25 mai – Exposition de Marc Ginot au Tri postal, 120, rue Adrien Proby (tram n°1, arrêt Lapeyronie). Jusqu’au 2 juillet en entrée libre de 10h à 18h30 du lundi au vendredi, 14h à 19h les samedis.

Photos de haut en bas : Dominique Bagouet, Florian Brinker, Fanny Rudelle, Florien Brinker, Luc Sabot, Vanessa Liautey, Julien Bouffier, Béla Czuppon et Gregory Nardella. À la UNE : Dominique Bagouet et Jean-Paul Montanari.

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