Postée le jeudi 1er septembre, la photo de rentrée de Michaël Delafosse accompagnant son fils à l’école a enflammé sa page Facebook qui a battu ses records d’audience. Décryptage d’un post qui inaugure notre nouvelle rubrique “Kom”. Un cas d’école.
L’hyper-communicant maire de Montpellier se met en scène “sur le chemin des écoliers”. Sur ce cliché, on reconnaît les premiers mètres de l’avenue de Lodève, la végétation foisonnante et les grands pins des jardins du Château de la Piscine. Quasiment déserte, l’avenue, pas une voiture ou un tramway, tout juste une trottinette électrique à peine visible au bord de la photo dont le conducteur est masqué. Ville vide, immaculée, personnages centraux de dos et homme de face au visage caché, c’est une photo assez étrangement cinématographique.
Sur ce cliché, Michaël Delafosse marche d’un pas fier et assuré aux côtés de son fils. Il se laisse photographier de dos, sa main paternelle posée sur l’épaule gauche de la progéniture. Il arbore son traditionnel costume bleu, devenu incontournable dans son dress code de Maire de Montpellier.
Remontant le fil des publications jusqu’en septembre 2021, on trouve le pendant de cette photo de rentrée 2022, dans les mêmes conditions matinales, le père avec un de ses fils. Le même cadre mais capturé quelques mètres plus bas. Il s’agit peut-être d’un réemploi pur et simple, ce qu’ont suggéré quelques lecteurs, avec des commentaires cependant bien moins virulents qu’en 2022.
La photo semble vouloir voler un instant authentique, renforcé par le lyrisme du commentaire : “Sur le chemin des écoliers, flâner, échanger, cultiver l’imaginaire”. Le cadrage volontairement large englobe le père et le fils dans un environnement sûr et tranquille. Les couleurs encore froides du matin dominent le premier plan, on devine les premières lueurs de la ville en arrière-plan. Une belle image d’Épinal. Le monde est à toi, petit homme en devenir.
Postée simultanément sur les comptes Facebook et Instagram de Michaël Delafosse, la photo ne suscite pas les mêmes réactions d’un réseau à l’autre. C’est bien connu, Facebook a tendance à cristalliser les crispations qui s’expriment dans les commentaires. Sur Instagram en revanche, l’internaute s’intéresse davantage aux photographies et moins à la description. Il aura assez peu tendance à donner son avis dans la section “commentaires”, à moins d’y être cordialement invité par des call-to-action (appel à l’action dans le jargon des communicants).
1200 likes, 126 partages sur Facebook
Dans ce cas précis, la photo de rentrée du maire de Montpellier a récolté jusqu’à 1 210 likes, 126 commentaires et 10 partages, sur Facebook, ce lundi 5 septembre. C’est un record sur son profil, l’audience de ses posts sur ce réseau dépassant rarement les 200 likes. Postée ultérieurement sur Instagram, la photo ne récolte que quelques 626 likes et un seul commentaire. Si c’est un joli score, on notera qu’il est inférieur de moitié par rapport au post parent. En cause peut-être, une description Instagram beaucoup plus laconique : un simple #rentreescolaire. Pour ce post, Michaël Delafosse a ignoré les autres réseaux Linkedin et Twitter, jugés, à juste titre, non efficients pour ce genre de publication.
Les premiers commentaires répondent cordialement aux vœux de bonne rentrée, d’abord à l’un de ses deux fils, le plus jeune, dont on ne donne ni l’âge, ni le prénom, ni la classe, puis au maire lui-même. On devise en légèreté sans trop aborder le drame d’une école de plus en plus inadaptée. Jean-Claude Rouanet, professeur de lettres classiques et inspecteur d’académie, nous rappelle que l’école est la première institution républicaine.
Assez rapidement, les envolées lyriques commencent. Jean-Marie Besset ouvre le bal. L’ancien directeur du Théâtre des 13 Vents (CDN) n’y va pas de main morte.
On retrouve des signatures fidèles composant le camp numérique des collaborateurs, amis et admirateurs, notamment Agnès Robin, l’adjointe à la culture, qui partage deux chansons “sur le chemin de l’école”.
Vous ne vous sentez pas un peu seuls ?
Les traits d’humour ne se font pas attendre. Les premiers pointent la quiétude artificielle de l’avenue de Lodève, les autres la disponibilité assez insolite de Michaël Delafosse sur le chemin du bureau. Ainsi Jean-François Bourgeot, l’ancien journaliste de Midi-Libre et ancien directeur de Cinemed, qui coule des jours heureux de retraité au Portugal. Il commente avec humour le contraste de cette avenue de Lodève dont le vide esthétisant et relativement surnaturel est assez loin du monde réel d’une rentrée particulièrement embouteillée.
L’optimisme des premiers commentaires s’est dissipé pour laisser place à des plaintes, sur un ton tour à tour ironique ou révolté de citoyens plus ou moins anonymes mais on y reconnaît quelques opposants récurrents. Cette invitation à la flânerie et aux échanges sur le chemin de l’école a divisé, polarisé les avis comme jamais.
Les critiques les plus virulentes renvoient, sans surprise, aux angoisses et aux incompréhensions des habitants alors que la ville est soumise à une planification historique qui induit une crispation de masse portant principalement sur les importants travaux liés aux “mobilités” dites “douces” et à la nouvelle ligne de tramway.
Certains lecteurs avisés ont pris soin de relever le hors-champ de cette belle photo de rentrée. Repostée par l’association Safe Contrôle dans un groupe Facebook dédié au quartier de Figuerolles, une lettre ouverte interpelle le maire sur ce chemin “des invisibles” à “100 mètres de chez vous” jonché de seringues. Elle y montre un autre chemin des écoliers.
Enfin, question simple : qui a pris cette photo de bon matin ? Elle n’est pas signée. Tenté par la personnalisation – quoique prudente – du pouvoir, le maire de Montpellier a-t-il sa Soazig de la Moissonnière (photographe officielle de Macron) ? Si tel est le cas, il s’agit donc tout autant d’un père en marche que d’un Maire qui fait sa rentrée.