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Coup de cœur absolu pour Soa Ratsifandrihana

L’artiste franco-malgache Soa Ratsifandrihana, ancienne interprète d’exception d’Anne Teresa De Keersmaeker, a fait sensation le 22 novembre dernier au Centre chorégraphique national de Montpellier, avec son premier solo, une composition inspirée autour du “groove”.

Interprète de James Thierrée, de Salia Sanou puis au sein de la compagnie Rosas d’Anne Teresa De Keersmaeker, avant de rejoindre le projet “20 danseurs pour le XXe siècle” de Boris Charmatz, l’artiste franco-malgache a attiré les professionnels pour son passage montpelliérain.
 
 
Soa Ratsifandrihana a choisi l’ambitieuse scénographie quadrifrontale, créant une danse primordiale du public qui s’installe. Et ça dure, car chacun.e prend sa place sur la scène. Sous les projecteurs, on se voit, on se regarde et on se retrouve. Car venir au Centre Chorégraphique National de Montpellier c’est retrouver la famille culturelle, celle composée des chorégraphes, des danseur.ses et de passionné.es d’ici ou d’ailleurs. Tout le monde se (re)connaît, ou presque, ici rassemblé.es pour assister à cette performance intitulée “Groove”. On comprend dés lors l’importance de la musique dans son imaginaire. On lit sur la feuille de salle les souvenirs de son enfance : Dès l’enfance, mon imaginaire s’est construit autour de la musique. J’ai toujours vanté ces moments en famille où nous nous amusions à incarner les chansons que nous aimions. On y parvenait en enchaînant de petits gestes sophistiqués, amplifiés par l’attention qu’on leur accordait. Nos corps épanouis, comblaient les silences avec aplomb et anticipaient les accents de la musique avec audace. En d’autres mots, nous cherchions à groover”. 
 
Cette longue introduction de l’espace scénique nous invite à une première attente. Dans nos vies pressées faites d’attentes exacerbées, comment s’installer dans le silence et la lenteur ? Soa Ratsifandrihana nous plongera, par ses premiers mouvements étirés dans le temps et l’espace, dans une implacable apesanteur de l’instant qui nous échappe. C’est le mouvement du corps dans cet espace : répétitif et unique. C’est ce qu’on loupe et ce qu’on voit. C’est nos corps qui se meuvent pour mieux voir. Incapables de rester immobiles, quand sommes-nous satisfait.es ? Même de dos, notre point de vue change et notre corps suit le sien. Nous sommes tels des serpents happés par la musique de cette danse ciselée.
 
 
Dans cette subtilité des débuts, la lumière monte, et les mouvements vicieux de tendresse nous font confronter la dureté de nos attentes non exaucées, de notre temporalité pressée, de tout ce vide qui nous effraie que l’on tâche de combler.
 
Puis le mouvement se fait robotique : la mécanique du corps nous satisfait-elle davantage ? C’est la puissance du corps d’un costume étoffé, sombre, aux épaulettes structurées : c’est le contrôle à la clef. La musique s’aligne en des sons machiniques. Et voilà qu’une super-héroïne yogi advient devant nous, elle allonge son corps et brandit son poing. La révolution est silencieuse.
 
 
Finalement l’harmonie de l’être et l’humanité revient. Bientôt elle se dévoile en retirant une couche de vêtements, découvrant un tee-shirt décoré de fleurs tropicales : la couleur s’invite dans le décor. Et la danse plus traditionnelle, inspirée des danses malgaches familiales, fait bouger ses hanches. D’autres références toutes personnelles sont citées : quelques pas de Madison, première chorégraphie qu’elle a apprise, popularisée dans les années 60 avec Al Brown, chanteur afro-américain ou Pepito, danseur de popping dont elle admire les quarts-de-tours stylisés…. On craint le tonnerre advenir. Ses pas de danse roulent en même temps que nos corps se meuvent à leur tour. Mais plus pour la suivre, pour suivre le rythme, le groove, qui s’invite en nous.
 
Sortie.es de l’hypnose, on se laisse aller à mesure qu’elle se laisser porter par le mouvement du corps en vague. Bientôt elle tournera tel un derviche emporté et elle volera dans les airs de sa liberté retrouvée.
Dernier regard avant de se quitter. On voudrait qu’elle ne nous laisse jamais. C’est comme si on s’était retrouvé.e dans notre propre subtilité, dans un état premier. C’était beau, émouvant comme un premier soleil qui se lève sur l’humanité apaisée. Une standing ovation a témoigné de l’engouement général pour accueillir ce premier solo.
 
 
 

Crédit photos : Lara Gasparotto et fondation Cartier.

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