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Mes 3 lieux préférés à New-York

Lionel Navarro a vécu à New York City de 2015 à 2017. Depuis, hors fermeture des frontières, il y retourne régulièrement. LOKKO lui a demandé l’impossible : raconter des lieux new-yorkais qu’il aime. Parmi les nombreux endroits qui l’émeuvent, le font se sentir chez lui, renforcent son énergie, il a choisi le célèbre Washington Square Park dans Greenwich Village, le Julius’ bar, le plus ancien bar gay de New-York,et l’un des ferries pour voir la ville depuis la mer : le Rockaway Ferry.

 

Le Washington Square

L’odeur de la weed est acre et forte

Au Washington Square Park : voir, dans la lumière naturelle, le panache blanc qu’est l’arc et la bruyante fontaine centrale après avoir bu un chocolat chaud au Think Coffee de Mercer street. Au Think Coffee : on y écrit son scénario, son roman, sa pièce de théâtre ; on y programme sur son ordinateur portable ; qui vous sert peut être non-binaire ou trans. Au WSP, parfois, des consommateurs de marie-jeanne – depuis 2021, en fumer est autorisé par la loi dans l’État – se passent, défoncés, la tête dans les jets d’eau pour remettre en ordre ce qu’il y avait dedans 15 minutes auparavant, l’odeur de la weed est âcre et forte, elle se répand quasiment sur tout le parc comme les voix humaines et les aboiements des chiens sortis par leur maître ou les dog-sitters. Comme dog-sitter, tu peux te faire 50 000 dollars par an voire plus, de main à main, pour promener le meilleur ami, à 4 pattes, des New-Yorkais.

“Ask me for a poem”

Autour de la fontaine, des vendeurs de chanvre, de cannabis, de boulettes, de pipes, des artistes qui dessinent et attendent l’acheteur, un jeune poète – un peu à l’écart – devant sa vieille machine à écrire Olympia, “Ask me for a poem” est écrit sur une affiche ; une femme, elle, a choisi de s’approcher de son possible client. Elle te demande si tu veux qu’elle invente, là, maintenant, une poésie, sur ce qui te rend heureux dans la vie, il fait beau, la vie est belle, alors tu dis oui, et tu lui proposes le thème “NOW” ; elle te dit aussitôt son poème dont l’inspiration lui vient de Dieu, elle a un ton de voix et une douceur qui te font penser que c’est sans doute vrai – c’est l’amour ; promener ton regard sur la foule assise et celle qui marche, un vieux Juif en kippa, gros ventre, qui tente un rot et dit “Sorry” avant d’en sortir un énorme de sa bouche, des ramasseurs de bouteilles en plastique, c’est comme ça qu’ils gagnent leur vie : ils les sortent des poubelles et les emmènent au tri sélectif. Les sacs qu’ils trimballent sont énormes. Transparents, ils lèvent juste un coin du voile de l’hyperconsommation new-yorkaise.

Voir les gens qui passent du temps sur les bancs, entre ombre et soleil, qui lisent, discutent, rêvassent, sont perdus, amochés en eux-mêmes, sans un rond, bien sur eux, se draguent, ceux sur l’herbe, il fait beau, des gars bronzent torse nu, les mieux tankés, bien sûr, et des filles leur répondent ; torse nu aussi, en sueur, les skateurs noirs qui s’entraînent près du coin appelé Garbaldi Plaza, la façon de parler, le bruit des roulettes sur l’allée et le bruit de la planche qui tape contre le sol, “heeeeeeeeeey !” pendant qu’un groupe de chrétiens noirs lancent le début de leur évangélisation publiques sous les arbres, Brothers and Sisters ; à l’angle de Washington Square Parc S et W : derrière les tables où jouer aux échecs, des types, plus ou moins en bon état ; le bâtiment des toilettes publiques, côté sud, avec ses femmes et ses hommes qui entrent et sortent, et des gars qui traînent, parfois, à l’intérieur, un peu plus longtemps que les autres, pas trop, avant 16 heures, heure de la fermeture de la public restroom, même si tout a été fait pour mettre un terme au cruising homo depuis une décennie, des regards qui se cherchent. Tourisme et désirs.

Tiens, c’est Susan Sarandon

Regarder, depuis le banc, celles et ceux qui traversent le parc, regarder passer devant soi, comme ça, là, Susan Sarandon, Tiens, c’est Susan Sarandon…, une fin d’après-midi, elle parle au téléphone, Yes, honey, I’ll be there tomorrow. La fin de l’année universitaire, avant l’été : tout ce monde, les familles fières et heureuses, les étudiants qui ont passé la graduation, vêtus de la toge, du motarboard, de l’écharpe, des couleurs de leur université, la NYU est juste à côté, les Mamans qui prennent tout un tas de photos de leur fille ou de leur fils. Les Papas, plus discrets, peut-être. Depuis le printemps jusqu’à l’hiver, comme à chaque fois que tu y viens, au Washington Square Park : la vie et ses contrastes.

 

Le Julius’ bar

Tu te sens accueilli

Le plus ancien bar gay en activité de NYC, 159 West 10th Street à Waverly Place, Greenwich Village. 2017, une amie hétéro devenue bi et qui avait bossé au LBGT Center, The Center, t’y avait emmené. Des films et des séries TV y ont été tournés, récemment, 2020, “The Boys in the band”, “Pose”, épisode “Access”, 2018. Sur un des murs couverts de photos, celle, signée, de Melissa McCarthy. Christopher Walker joua une scène, là-dedans, pour le cinéma. Avant d’entrer, quand il fait beau, dedans, quand il fait moche, montrer une pièce d’identité, avoir plus de 18 ans. Le bar, comme un pub, donc tout en bois. Un coin cuisine pour des hamburgers et d’autres plats simples. Tu te sens accueilli.

Là-bas, il n’est pas difficile d’entrer en conversation avec quelqu’un, même si vous ne vous connaissez ni d’Adam ni d’Adam. Tout le monde est bienvenu, c’est d’ailleurs écrit sur une pancarte au-dessus des bouteilles. Tous les âges. Tous les physiques. Toutes les attitudes. Se sentir où il faut être, pour toi, “hey, honey !”, c’est exactement ça. Faire attention aux autres. Quand tu es seul, que tu montres les signes que le fait d’être seul au bar te pèse, les serveurs, toujours impeccables, amicaux, jamais les pupilles dilatées, servent d’entremetteurs pour lier les gens entre eux. On ne se jauge pas. On n’a pas peur de l’autre. On ne fait pas comme si… puisque chacune et chacun viennent pour rencontrer du monde, des individus qui s’avèrent, dans la conversation, écrivains, étudiants, musiciens, journalistes, politiques, ingénieurs chez Google, enseignants, retraités, photographes, serveurs, livreurs, etc. Ça change de Montpellier, de son esprit de clan, de snobisme et de crainte sans raison, que tu te dis. Les numéros de téléphone s’échangent.

La drague à l’ancienne

“Where do you come from ?”, te demande, en souriant et curieux, un gars qui tapote un petit flacon vidé contre un des murs des WC. Il récupère un fond de truc granuleux et blanc qu’il met dans sa bouche tout en continuant à parler. “Je suis Français. Je viens du sud, de Montpellier.” Lui aussi veut discuter avec toi, cet inconnu te donne l’impression d’être important, ici et maintenant, à ses yeux. Dans d’autres bars, dans d’autres lieux nocturnes, tu remarques des filles et des mecs qui ont aussi besoin du secret des toilettes pour vivre leur vie new-yorkaise sous produit. Et, jamais, toi, tu ne te sens en insécurité face à des personnes incapables de se contrôler ou qui n’articulent plus. Les alcoolos sont virés fissa. Les agressifs n’ont pas leur place. Jamais une parole ou un geste inconvenant. La drague à l’ancienne, courtoise, qui n’a d’autre ambition qu’être bien et – pourquoi pas ? – faire du bien quand deux personnes se rencontrent, un verre à la main, comme ça après la journée de travail. La ville est dure : autant ne pas la rendre encore humainement plus dure. Julius ? Une bulle. L’une de tes bulles dans NYC.

Rockaway Ferry

Un départ à chaque heure pour le grand petit large

La file d’attente peut être longue sur la FRD Drive, surtout le samedi et le dimanche, avec le beau temps et l’été. La foule veut sa traversée, pas chère, 4 dollars, une heure pour l’aller, une heure pour le retour, jusqu’à Rockaway, péninsule du même nom, sur la baie Jamaica, à l’extrémité sud-ouest de Long Island. Manhattan Pier 11-Wall Street d’où partent l’IKA Express Shuttle, celui-là est même gratuit, les ferries pour Astoria, East 34th street, Sunset Park-Bat, Sandy Hook Beach, Atlantic Highlands, Governors Island, Port Liberte, Paulus Hook, Belford-Harbor Way, etc., et le Rockaway Ferry, un départ à chaque heure pour le grand petit large. Partir le matin, avec le soleil qui se lève, et revenir, quand s’approche le soir, avec le soleil qui se couche, le verre des buildings prenant une teinte rose puis orangée avant que les lumières, en eux, s’allument.

Deux ambiances : la ville et ses tours qui s’éloignent, puis le bateau, rempli de passagers, qui se rapproche des tours et de la ville prête à enfiler son costume du soir. Passer la traversée aller et la traversée retour sur le pont, assis sur les bancs souvent pris d’assaut, tout le tralala habituel du vent frais dans les cheveux, les gens majoritairement en T-shirt, c’est l’été ! et la vue, toute la vue sur Manhattan, Brooklyn, le New-Jersey, Queens, oui, Queens descend jusqu’à l’océan ; immensité de NYC, immensité plus vaste encore de l’océan, et le vent dans ta face qui ne gâchera jamais le long travelling arrière du départ puis le long travelling avant du retour.

Longer Coney Island et son parc d’attractions

Le ferry passe sous l’élégant Verrazzano-Narrows Bridge séparant deux États ainsi que l’Upper Bay de la Lower Bay. La joie, ma joie : longer Coney Island et son parc d’attractions ! Là aussi, tant à dire, tant qui fait se sentir bien et chez soi. Se rapprocher de la destination, à l’aller, et regarder des îlots quand, plus loin, les avions décollent de JFK. Une fois, sur le ferry, j’y ai vu un groupe d’Amishs venus du Garden State pour faire du business à New York : je me souviens des hommes austères avec leur chapeau et leur barbe bibliques, je me souviens des longues robes, des coiffes, des mollets bibliques et velus des filles sages en goguette avec eux. C’était bien, ce sont les USA.

 

Photos par Lionel Navarro, New-York Skyline. 

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