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Maxime Taffanel, gros mangeur de mots

Son solo “Cent mètres Papillon” était un bijou de théâtre. Très attendu au tournant, après l’énorme succès de sa première pièce, Maxime Taffanel revient avec  “À volonté”, inspirée de son goût immodéré pour la bouffe. La confirmation d’un talent. 

 

Juché sur son grand vélo noir, Maxime Taffanel n’est pas passé inaperçu au dernier festival du Printemps des Comédiens. Tout le monde parlait de cet enfant de la balle, fils du couple Taffanel, deux figures singulières de la danse à Montpellier, et ancien élève de la grande époque d’Ariel Garcia Valdès au Conservatoire de Montpellier, devenu ensuite élève-comédien à la Comédie française. Il y présentait une ébauche de son nouveau projet “À volonté” tout en jouant dans une magnifique “Phèdre”, mise en scène par Georges Lavaudant. Ce qui donne des indices sur ses appartenances théâtrales, auxquelles on doit ajouter un nom : André Wilms qu’il vénère.

Peu de temps avant, il participait à la cérémonie des Molières, posant avec un large sourire comme s’il tenait la statuette sauf que ses bras étaient vides. Heureux d’avoir été nominé comme “Révélation masculine” – ce qui n’est pas rien – pour “Cent mètres papillon”, une autofiction théâtrale absolument virtuose où Taffanel se souvenait de ses années de nageur de haut niveau (*). Un rythme de croissance qui ne laissait pas espérer qu’il soit aussi grand que son géant de pote Manaudou et les gouffres frôlés sous la pression de la compétition lui ont fait opérer une bifurcation radicale. Il sera acteur. “Cent mètres papillon” explose en 2018 au festival d’Avignon. Des dizaines de dates suivent, jusqu’à récemment au théâtre du Hangar. Il a écrit la pièce, il la joue. C’est Nelly Pulicani qui assurait la mise en scène.

Toujours à l’écriture, il est aussi le metteur en scène dans cette nouvelle aventure. Ce qui signale déjà la boulimie créative de cet acteur de 31 ans qu’on a aussi vu à la télévision, notamment chez Candice Renoir. Un profil hybride et transversal, très nouvelle génération. “Cent mètres papillon” posait un regard sur l’aliénation du sport de haut niveau qui avait étonné par sa maturité et son mordant. Et avait énoncé assez clairement les choses : qu’on aurait tort de s’arrêter à la spectaculaire  physicalité de Maxime Taffanel.  Et ce, même s’il est un corps dansant, bougeant comme un danseur contemporain dans une touchante filiation.

“Je mange, je mens”

Quel rapport, quel fil à tirer entre la boulimie et la natation ? “Je mangeais beaucoup quand je faisais de la compétition. Mes soucis viennent de là”, confie-t-il au bar du théâtre Jean Vilar, un soir de représentation. Et ça commence par une longue énumération : “Madeleine, baba au rhum, crème brûlée, millefeuille, tiramisu, profiterolles….” Chemise blanche et pantalon noir, Maxime Taffanel pose les bases d’un festin de mots dans un démarrage fulgurant. “J’ai toujours eu de l’appétit. Toujours cette même envie de prendre encore une dernière part. Comme une peur de manquer.” On voit bien assez vite qu’il a fait de son trouble alimentaire une véritable opportunité théâtrale. Et quelle excellente catharsis ! “Né à midi 25” (et c’est vrai), il est venu au monde en plein repas. Il répète plusieurs fois “je mange” pour qu’apparaisse une clé psychanalytique : “je mens”. Sa grimaçante danse d’un forcené de la bouffe indique qu’il aurait pu briller en mode “seul en scène” autant que dans son miraculeux “Cent mètres papillon”. Dont il a gardé cette façon de secouer ses mains comme un athlète avant de monter sur le plot de départ.

Sauf que cette fois, il n’est plus seul. C’est un collectif – sa compagnie Robe de Bulles – qui relève le nouveau défi, en empruntant au burlesque. “Je ne voulais pas m’enfermer dans un solo”, explique-t-il. À l’énumération initiale de Maxime Taffanel d’irrésistibles mets, en forme de mise en bouche solitaire, succèdent une série de séquences collectives dont il reste le centre et qui reconstituent l’univers mental du boulimique. Avec de vraies trouvailles de mise en scène, même si on peut parfois hésiter sur ce qu’il appelle ses multiples “chemins dramaturgiques” par opposition à la cohérence formelle du solo. Devant un buffet, il se fait engloutir en passant par un trou creusé dans la table. Une autre scène le montre en train d’être découpé et dégusté par une belle-famille cannibale. Une autre réunit des mangeurs anonymes prêts à affronter ensemble leurs démons. Pression sociale, estime de soi, de son corps, honte, peur du vide : voilà qui peut parler à beaucoup…

 

Vanessa Bile-Audouard, Hugue Duchêne, Lou Martin-Fernet étaient avec Maxime Taffanel sur la scène du théâtre Jean Vilar, les 7 et 8 mars. Photos de “A Volonté” : Marc Ginot.

(*) Un texte lu pour la première fois dans le cadre du festival montpelliérain Texte en cours. 

 

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