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Des chiens pour soigner des hommes

“Comme un chien en cage” est un documentaire percutant explorant les séquelles du stress post-traumatique chez les militaires dans le cadre d’une collaboration inédite entre l’Armée de terre et la Société Protectrice des Animaux de Carcassonne. Une plongée captivante dans un monde où chiens et hommes unissent leurs forces pour trouver la voie de la guérison. Diffusé sur France 3 Occitanie le 11 mai 2023, le documentaire est disponible en replay jusqu’au 11 juin.

En 2020, l’Armée française a initié un programme de médiation canine novateur dans le cadre du projet nommé ARION, visant à soutenir les militaires atteints du syndrome post-traumatique. Rompre l’isolement, mieux appréhender les émotions et faciliter l’adaptation à l’environnement sont autant d’aspects positifs que la médiation animale permet d’explorer.

Au fil de leur parcours de reconstruction, les militaires en difficulté bénéficient d’un accompagnement de la part de la Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de Terre (CABAT) et de la Cellule d’Aide aux Blessés de la Marine (CABAM), qui se sont toutes deux engagées dans l’opération.

Le programme se décompose en cinq sessions de formation, s’étalant sur une période de six mois. Durant cette période, les militaires bénéficieront d’un encadrement et d’un accompagnement individualisé et collectif. La sélection minutieuse des chiens, une période de réflexion sur l’adoption, l’apprentissage des bases, l’adoption à domicile, et les visites de contrôle rythment ces semaines décisives.

“Resocialiser deux êtres blessés par la vie”

L’Armée a opté pour une voie singulière en choisissant des chiens de refuge, marqués par l’abandon ou la maltraitance, plutôt que de recourir à l’élevage militaire conventionnel. Dès les premières minutes du documentaire, cette idée forte est affirmée avec conviction : il s’agit de “resocialiser deux êtres blessés par la vie”.

Encadré par Christophe Blanchard, un expert de renom dans le domaine de l’intermédiation canine en France, ce programme inédit témoigne aussi de la volonté de repenser les approches traditionnelles pour la réintégration sociale des militaires. “Le chien re-rythme en terme de temporalité et rattache à des choses très concrètes. Sa présence, socialement, la chronobiologie, le rythme etc. ça fait partie du mieux être des personnes”, souligne ce docteur en sociologie et maitre de conférence à l’université Paris XIII. 

Dans la campagne audoise

Au cœur du dispositif, la Société Carcassonnaise de Protection Animale (SCPA) rassemble deux mondes distincts : d’un côté, des chiens abandonnés, certains “à cinq jours de l’euthanasie”, de l’autre, des militaires en détresse psychologique. Grâce à ces compagnons, peu à peu, ils redécouvrent les joies de la vie, guidés par un refuge bienveillant niché au cœur de la campagne audoise. Dans cet environnement sécurisé et bienveillant, ces hommes trouvent un espace où ils peuvent partager leurs expériences, leurs émotions et leurs difficultés avec d’autres qui ont vécu des épreuves similaires. Cela nous permet de parler avec d’autres blessés et de nous comprendre, même si nos blessures ne sont pas les mêmes”, commente Claude, ancien de la Marine nationale.

Des fresques d’animation, en noir et blanc illustrant l’histoire des hommes engagés dans ce programme, offrent un support à de vraies rencontres devant la caméra. Les blessés de guerre en proie au syndrome post-traumatique font preuve de retenue. La pudeur est de rigueur sur les expériences vécues. On entend parler d’un militaire qui a combattu des Djihadistes au Sahel. Tandis que les chiens expriment ouvertement leurs émotions, leur contentement et leurs angoisses à travers le mouvement. La bienveillance et la coordination sont des valeurs essentielles dans ce programme, et cela se ressent dans les nombreuses scènes rurales, avec des balades le long des vignes. 

Caméra à l’épaule

Le film est tourné à l’épaule, ce qui donne une impression d’immersion totale. Lors de scènes plus intimes, presque comme des confessions, un adoptant prend le temps de raconter son histoire face à la caméra. Ces moments informels se déroulent hors des cadres habituels, par exemple en terrasse d’un café, créant une atmosphère propice à l’échange.

Vincent Roucoules, soignant et éducateur, est un acteur central de cette initiative. Ancien militaire blessé au combat, il a trouvé dans les animaux, notamment les chiens, une source de résilience. Devenu comportementaliste et expert en dressage canin après de nombreuses formations, il est une référence. Sa vision unique et sa détermination contribuent de manière essentielle à la réhabilitation des militaires et à un avenir relancé pour les chiens abandonnés.

“Je vais beaucoup mieux”

On le voit guider le quartier-maître Claude (photo ci-dessus), militaire de la marine, en connexion profonde avec Syndelle, une jeune berger allemand qui lui a été assignée. “Syndelle était une chienne très craintive. Si tu la choisis, elle aura besoin de toi autant que tu auras besoin d’elle”, lui explique Vincent Roucoules. Au cœur de cette relation, Claude doit apprendre à doser les stimuli dans les ordres qu’il donne à Syndelle. Le dressage du chien, des ordres donnés avec justesse : autant d’attentes, de séquences de tension, un lien impossible sans une persévérance sans faille.

De son côté, Loïc, infirmier militaire à hôpital d’instruction des armées de Saint-Mandé, fait face à des difficultés pour se faire obéir par Darki, un solide dogue argentin plein d’énergie. “Ce sont des chiens qui étaient en contact avec des taureaux. Il y a toujours un rapport de force (…). Il doit apprendre à se maîtriser, et là, il te demande aussi ton aide”, explique l’éducateur. Loïc ajoute avec un sourire attendri : “Il y a beaucoup de similitudes entre nous, dans la difficulté à canaliser nos émotions et notre concentration.” “Depuis 2022, je vais beaucoup mieux”, confie à son tour Christopher, qui a vécu la guerre. “Ma chienne Ruby me sort de plusieurs années de léthargie”.

“Comme un chien en cage”, réalisé par Jérôme Sesquin, 51 minutes. Disponible en replay jusqu’au 11 juin 2023 sur france.tv.

Photos : France 3 Occitanie et Chuck Productions, illustrations de Priscille de Rekenaire.

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