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Jean-Michel Dunand : “L’homosexualité et la transexualité sont des dons de Dieu au même titre que l’hétérosexualité”

Il s’est fait connaître en dénonçant les thérapies de conversion. Jean-Michel Dunand, adjoint en pastorale au lycée Notre-Dame de La Merci à Montpellier, affirme fièrement son identité catholique et homosensible. Déployant son discours sur les réseaux sociaux et propulsé par la jeunesse, il dénonce des textes bibliques vitrifiés et appelle à un changement de doctrine de l’Eglise catholique vers une inclusivité totale des personnes LGBTQIA+.

Je retrouve Jean-Michel Dunand au Dôme. Vêtements sobres, visage rayonnant d’allégresse et de sincérité, rien ne peut signifier une implication vigoureuse au sein de l’Eglise catholique. Rien sauf cette petite croix, aussi longue que large, en or massif. Un pin’s, accroché à la poche poitrine de son tee-shirt finement rayé. Un cadeau de sa grand-mère fabriquée sur mesure par un bijoutier indien de Montpellier.

La “première mi-temps” de sa vie est sans doute écoulée. Celle qu’il a osé dévoiler dans le livre “Libre, de la honte à la lumière”1. Celle d’un tiraillement permanent, entre ses deux parties son être : sa foi catholique profonde et son orientation sexuelle.

“Je m’enfermais dans un personnage à deux visages”

Le bac en poche et déjà conscient de son homosensibilité, Jean-Michel s’embarque dans des études théologiques, dans une volonté tenace d’entrer dans les ordres. En 1984, il quitte sa Savoie natale pour le carmel de Montpellier. Deux vies que tout oppose rythment son quotidien. La journée, il la consacrait, accompagné de frères, aux offices liturgiques et autres prières. Quant au soir, il fréquentait cinémas pornos et toilettes publics, lieux de rencontre homosexuelle. “Je m’enfermais dans un personnage à deux visages. En sortant des toilettes du cinéma, je courais me terrer dans ma petite chambre au couvent, priant pour échapper à cette part de moi-même qui réclamait sa liberté d’action”, écrit-il.

8 exorcismes

Au fil de sa formation sacerdotale, son homosensibilité, qui ne “guérissait” pas comme pouvait le présager certains clercs, le condamne à l’une des plus écœurantes des punitions ecclésiastiques, lorsqu’un prêtre lui confie : “Jean-Michel tu es possédé par le démon de l’homosexualité”. Il subira huit exorcismes, aujourd’hui appelé thérapie de conversion, et dont il témoignera à de multiples reprises, à l’occasion de la loi promulguée en janvier 2022 les interdisant (en bas de page, le documentaire d’Arte où il témoigne).

Malgré toutes ces épreuves déchirantes, Jean-Michel n’a jamais perdu la foi, bien que la flamme ait pu “vaciller”. Quand on lui demande pourquoi il est toujours fidèle au catholicisme, il répond assurément : “Jésus, la lumière de ma vie n’y est pour rien ! Et puis, au sein de l’Eglise, je n’ai pas rencontré que des tarés. J’y ai plus rencontré des personnes humbles, modestes et lumineuses, qui vivent l’évangile dans le service et dans le respect des autres”.

J’accepte que ma vie soit exposée pour la jeune génération”

 Désormais âgé de 57 ans, c’est aux jeunes qu’il veut dédier sa “seconde mi-temps”. “J’accepte que ma vie soit exposée pour la jeune génération. Non pas que je me considère en surplomb, mais je veux vivre en vigilance pour que ce que j’ai vécu ne se reproduise plus…ou moins. Tous ces visages de jeunes que je rencontre sont une lumière qui illumine mon intérieur et me propulse vers l’avant”.

Cette génération, il la côtoie au quotidien. Adjoint en pastorale au lycée Notre-Dame de La Merci, il a pour mission, depuis presque une trentaine d’années, d’animer la vie spirituelle de l’établissement. Au-delà du motif purement théologique de cet engagement, Jean-Michel est attentif aux questionnements et doutes des lycéens qui n’hésitent pas à se confier à lui régulièrement.

3000 abonnés sur Instagram

C’est cette même jeunesse qui l’a poussé à se lancer sur les réseaux sociaux. Initialement, Jean-Michel Dunand se montrait réticent à l’égard de ces plateformes : “J’étais un peu allergique aux réseaux sociaux. Je suis quelqu’un qui a besoin de temps pour exprimer ma pensée. J’aime la parole et la subtilité de la langue française, je ne réponds pas à une question en 3 min”. Mais il finit par s’y essayer, il y a quatre ou cinq ans, lorsqu’un groupe d’élèves qu’il côtoyait régulièrement ouvre la porte de son bureau et lui conseille : “Jean-Michel, ce serait bien que vous soyez sur Instagram”. Méconnaissant l’usage du réseau, il accepte, à condition que ces derniers lui créent le compte. “Ils avaient les codes. Ils étaient maîtres du jeu. J’ai commencé à jouer, et je me suis pris au jeu”. Depuis, il partage sa pensée, il l’affine sur un compte Instagram dépassant les 3000 abonnés et également sur Twitter et sur Facebook.

Un jour, un ancien élève l’avertit : “Attention, sur les réseaux sociaux, on ne se voit pas devenir con !”. Alors Jean-Michel Dunand tient une ligne éditoriale rigoureuse. Toujours cordial, même lorsqu’on lui “envoie des versets bibliques à la figure”, il répond poliment en offrant à ses détracteurs des éléments de réflexion.

Il y partage également les évènements auxquels il participe : des rencontres, des moments d’échanges le plus souvent sur des thèmes qui mêlent religion, orientation sexuelle et identité de genre. Récemment, à l’occasion de la Pride 2023, Jean-Michel Dunand a organisé et participé à un dialogue inter-religieux rassemblant Emeline Daudé, pasteure lesbienne de Montpellier, Josué Ferreira, jeune rabbin transgenre, Ludovic-Mohamed Zahed, imam gay de Marseille et lui-même au Mercury Bar de Montpellier. Devant une cinquantaine de personnes dont beaucoup de jeunes, ils ont échangé un temps d’intériorité et de méditation. “Ces temps-là sont l’avenir, il s’y sème des semences de paix. Comme nous (les LGBTGIA+ et croyants) sommes la minorité dans la minorité, il est important de montrer qu’on peut vivre quelque chose de fraternel”, avance-t-il, enthousiaste.

A la Marche des fiertés de Montpellier

De nature plutôt agoraphobe et peu familier du folklore LGBTQIA+, Jean-Michel Dunand, sollicité par d’anciens élèves, a finalement paradé samedi 17 juin à l’occasion de la 30ème marche des fiertés de Montpellier. S’il a en effet marché à leur côté cette fois-ci, ce n’est pas uniquement pour les satisfaire. Jean-Michel Dunand est très préoccupé par le regain de la violence homophobe et transphobe en France. Il évoque les cas de cyberharcèlements que subissent les artistes ouvertement LGBTQIA+, comme Eddy de Pretto, Hoshi ou Bilal Hassani, qui a vu une date de concert dans une église désaffectée près de Metz annulée sous la pression d’un groupe catholique fondamentaliste.

 

 Selon lui, ce sursaut d’intolérance est (en partie) le fruit de la montée au sein des religions monothéistes d’un “populisme religieux” -formule qu’il emprunte à un ancien élève croyant et homosensible- qui serait une mouvance avec un côté “séduisant dans le simplisme du discours”, très présents sur les réseaux sociaux et mettant en avant des leaders charismatiques.

Visé par l’intégrisme catholique

Lui-même a récemment fait face à leurs affronts. Alors qu’il était invité par la Pastorale Familiale du diocèse de Genève à un moment de prière, de jeunes militants catholiques fondamentalistes ont fait une pétition contre sa venue récoltant 200 signatures. L’opération n’ayant pas abouti, une trentaine d’entre eux ont décidé d’occuper la basilique Notre-Dame, arborant des tee-shirts marqués “repentance”. Le curé, voulant à tout prix éviter l’affrontement, a fini par ouvrir une autre salle pour l’accueillir.

Malgré injures et menaces, Jean-Michel Dunand n’a plus peur de cet intégrisme catholique. “J’ai baigné dans ces milieux-là, je les connais mieux qu’eux-mêmes !”, ironise-t-il. Alors il va au contact, répond à ses détracteurs tout en gardant en tête l’idée que leurs convictions, si inflexibles soient-elles, peuvent bouger. Il s’attelle à l’inclusion complète des LGBTQIA+ dans l’Eglise : “jusqu’à ce que l’on dise que l’homosexualité et la transexualité sont des dons de Dieu au même titre que l’hétérosexualité”. De son point de vue, toutes les dérives qui émanent du catholicisme viennent d’une interprétation des textes de manière fondamentaliste. Ainsi, il fustige l’immobilisme des religions, incapables d’avancer avec leur temps. “Le drame de beaucoup de religions, c’est qu’elles s’installent dans des idées fixes alors qu’elles sont nées du nomadisme. Le christianisme se met à la suite de quelqu’un qui vit trente ans dans un village obscur et qui pendant trois ans ne fait que marcher. Comment se fait-il que les religions monothéistes aient quitté ce nomadisme de recherche spirituelle ?”, interroge-t-il.

La communauté Béthanie pour les LGBTQIA+

En 2004, Jean-Michel Dunand fonde une fraternité nommée Communion Béthanie dont l’objet est de rassembler les personnes LGBTQIA+ catholiques de France et de partager des moments de prière. Ce groupe se retrouve deux fois par an pour un temps de retraite, en été et pendant la période de l’Avent. Un communion qui se définit comme une passerelle entre deux mondes qui ne se connaissent pas.

Attention toutefois à ne pas assimiler ses démarches et prises de positions à du lobbyisme. Jean-Michel Dunand estime qu’il ne faudrait pas tomber dans le piège du rapport de force et préconise le retour de la “disputatio”, cette ancienne pratique dialectique oratoire abordant des controverses théologiques, pour jouir d’un débat équilibré. Tant de discussions et réflexions qu’il aspire à mener, aussi bien dans l’espace médiatique, qu’il se dit prêt à investir -et ce non plus uniquement pour témoigner- qu’au cœur de l’institution catholique, dans laquelle il a réalisé au fil de notre entretien, qu’il y comptait “plus d’amis que de d’ennemis ”.

 “Libre, de la honte à la lumière”, 2011, Presse de la Renaissance et en poche chez Plon.

Le documentaire d’Arte : “Homothérapies, conversion forcée”, ici (témoignage de JM Dunand à 14,15mn).

 

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GRAER
GRAER
10 mois il y a

Très bien exprimé. Je connais JEAN MICHEL et soutient son combat… petite faute vers la fin : AVENT et non AVANT.

Clara
Clara
9 mois il y a

Quel précieux article et quel humain remarquable, il m’a donné beaucoup de lumière et de courage lorsque j’étudiais à La Merci, une belle personne si inspirante !

JFCR
8 mois il y a

Concernant la venue à Genève de Monsieur Dunand, la description qui est faite ici est un tissu de mensonge. Nous demandons rectification. Merci de prendre contact avec nous.

Collectif Jeunes et Familles catholiques romands.

marie
marie
8 mois il y a

Les textes vitrifiés…mais l’Église a eu de nombreuses interpretations , conciles, synodes,

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