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« A Palestinian Women Assembly » : le féminisme palestinien crève l’écran

La fondatrice de Nisaa FM, première radio féminine de Palestine, la directrice du lobby féministe Adwar, une artiste militante : Roxane Borgna est allée à la rencontre des féministes palestiniennes. « A Palestinian Women Assembly », le documentaire de la réalisatrice montpelliéraine déjoue bien des représentations, et célèbre aussi la force des Palestiniennes ordinaires. Il est projeté à la Bulle Bleue vendredi, dans le cadre du festival Magdalena.

Pourquoi dois-je toujours m’excuser ?”. Gros plan sur une jeune femme au bonnet violet qui s’exprime en anglais. Construit au fil d’une traversée en voiture de plusieurs villes de cette aride Palestine, dont 60% est sous l’autorité israélienne, le film se poursuit avec la voix off d’une femme plus âgée qui s’indigne -en arabe- du sexisme palestinien. “Ici, tu dois aller te battre et prendre le pouvoir” dit l’une des femmes rencontrées. Voilées ou pas, cela ne fait pas de différence apparente. A Hébron, le parti religieux qui tient la ville force les femmes à rester à la maison. L’association Adwar les aide, véritable lobby féministe. “Ma mère me disait toujours : ne parle pas” : bravant les atavismes, elles construisent leur liberté dans une sororité éclatante. A Jéricho, elles s’engagent contre les abus sexuels.

“Je rêve d’être présidente de la Palestine”

Elles sont sans peur, elles envoient du lourd : “les hommes pensent avec leurs muscles, les femmes avec leurs cerveaux”. Une artiste (persécutée) le confie dans un sourire: “J’ai toujours rêvé d’être présidente de la Palestine”. On découvre une proposition que ne renieraient pas les féministes françaises : “Il faut des cercles d’hommes, car c’est eux qu’il faut changer”. Une des filles rencontrées pour le film fabrique des bijoux en forme de clitoris… Le féminisme palestinien ? “It’s a war” conclut l’une d’elle. 

Présenté à Jérusalem le 17 septembre dernier, puis à l’Institut du monde arabe à Paris, le documentaire de Roxane Borgna a été inspiré par de multiples voyages pour “L’assemblée des femmes” d’Aristophane, une pièce dont elle a signé la mise en scène, avec Jean-Claude Fall, l’ancien directeur du CDN de Montpellier, jouée en 2021 par les acteurs du Théâtre National Palestinien El Hakawati (et que l’on verra au Printemps des Comédiens 2024).

Dans une grotte du désert du sud d’Hébron

Son film prolonge les rencontres faites pour ce spectacle, dont une partie a eu lieu dans des “Women Centers”, entièrement dédiés aux femmes, qui y cuisinent, font du yoga… Trente cinq femmes ont été vues, seules, puis au sein de trois “assemblées de femmes” -d’où le titre du film-, des sortes de groupes de paroles. “Il s’agissait d’interroger les femmes d’aujourd’hui et pas seulement de Jérusalem”. Direction les territoires occupés (sauf Gaza, “prison à ciel ouvert”, interdite) : Naplouse, Ramallah, Jéricho, Bethléem. L’équipe enchaîne les checkpoint et endure cette “vie malgré tout” selon les mots de Roxane Borgna, dans une insécurité permanente : “Tout se joue et se défait au dernier moment“. Des rencontres fortes : dans une grotte, 11 femmes du village d’Al Majaz dans le désert du sud d’Hébron, ont été réunies, mais une seule parle. Elles se méfient puis se dévoileront au fil des rencontres. Roxane Borgna mène les échanges. Laurent Rojol filme. Un traducteur est sur place, mais beaucoup parlent en anglais.

Roxane Borgna a sa “Bible” en tête, son manuel de voyage : Le harem et les cousins de Germaine Tillion, un classique sur la condition féminine dans le pourtour méditerranéen. “Interroger l’autre, c’est s’interroger soi” commente-t-elle. Leurs vies ne sont pas simples. Pour la projection du documentaire à Jérusalem, certaines n’ont pas pu venir, n’ayant pas de permis de séjour dans la ville sainte. Prisonnières de leurs territoires assignés et tout autant des règles écrites par les hommes. Roxane (en pantalon blanc à droite sur la photo) raconte à LOKKO : quand une femme accouche d’une petite fille, le père ne se déplace pas à la maternité. Elle parle de cette femme âgée qui lave les pieds de son mari tous les jours, sans honte. Les archaïsmes sautent à la figure. Le divorce est légal mais peu de femmes osent franchir le pas.

Pourquoi es-tu venu ici ? Comment s’appelle ton fils ? Ton mari ? 

Le conflit s’invite dans le film. On y voit la destruction de maisons, de vies, pour établir un camp militaire israélien. Roxane sait les risques qu’elle prend. Elle raconte cette Kalachnikov pointée vers elle, portée par une jeune soldate de Tsahal dans le tram de Jérusalem. Les multiples fouilles des sacs. Elle transfère ses images en permanence sur des serveurs au cas où on lui confisque son matériel, officiellement destiné à faire du tourisme. “Pourquoi es-tu venue ici ? Comment s’appelle ton fils ? Ton mari ?” sont les questions maintes fois posées dans les multiples contrôles.

“Violence sexiste, discriminations, manque de services : ce sont les femmes qui sont les plus grandes victimes de l’occupation” dénonce l’une d’elles dans le film mais on comprend aussi la rudesse des enquêtes de l’autorité palestinienne avant les mariages, et le supplice des filles qui ne sont plus vierges. Un contexte effroyable pour ces femmes qui “portent un double masque : masque du nationalisme palestinien dont elles sont l’icône, masque du patriarcat archaïque”.

Qui est l’inconnue vivant sous ce double masque ?” se sont interrogés Roxane Borgna et Laurent Rojol. Des femmes incroyablement fortes et libres qui étonnent et émeuvent.

“A Palestinian Women Assembly” : film de Roxane Borgna et Laurent Rojol, sous-titrages en francais. Durée 50 min. Ce docu sera prolongé en une série de 5 épisodes de 26 minutes avec des portraits de quelques-unes des femmes rencontrées.

Projection ce vendredi 29 septembre à 14h30 à la Bulle Bleue dans le cadre du festival Magdalena.

Contact Roxane Borgna : contact@nageursdenuit.com

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