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Métier d’avenir 1 : Anaïs Secail, maître composteur

Chaque époque voit disparaître certains métiers, et en émerger d’autres. Dans cette nouvelle série, LOKKO se penche sur des métiers d’avenir, dont le point commun est la composante sociale et  environnementale, qui les caractérise. Pour commencer notre enquête, Anaïs Secail, Maître Composteur, fondatrice de l’Epi-libre.

Demandez-lui si l’intitulé de son métier se décline aussi au féminin, et elle vous répondra en souriant que non, et que bien que féministe, elle préfère Maître, “comme les avocats, ou les notaires !”.

-“Maîtresse, c’est vraiment trop connoté, et j’ai déjà eu droit à des commentaires pas très subtils à ce sujet !

Le parcours d’Anaïs, c’est l’histoire d’une colère qui se transforme en action. Il faut dire qu’à l’origine, sa formation ne la préparait pas vraiment au compost. Études de langues, notamment du chinois, puis début dans le commerce international, à la communication, dans une entreprise de plasturgie. Et soudain : le déclic : “j’ai pris conscience que le plastique était fabriqué à partir de pétrole, raconte-t-elle. Jusque là, je ne l’avais pas vraiment réalisé. Et de fil en aiguille, j’ai découvert qu’il y avait plein de choses que je ne trouvais pas très saines. Par exemple qu’on ne stérilise pas les flacons avant de les remplir. Du coup les gels douche, les shampoings et autres baignaient dans le pétrole. Il y a eu plusieurs choses, comme ça, qui ne me plaisaient pas”.

Elle quitte donc son poste, et commence à se pencher réellement sur le Zéro Déchet, un terme dont elle avait “vaguement entendu parler, notamment à travers Jérémie Pichon et son fameux bocal. Au début je m’étais dit que c’était vraiment n’importe quoi“.

Le bocal de la famille Pichon, point de départ

Le bocal de Jérémie Pichon, pour ceux qui l’ignorent, est la démonstration concrète qu’une famille de 4 personnes peut, si elle le décide, ne produire que l’équivalent d’un bocal de déchets par an. Anaïs découvre donc le Zéro Déchet, et se lance dans le bénévolat, et la mise en pratique, chez elle.

-“J’ai tout changé, très vite. C’est pas forcément la meilleure façon de faire, mais la prise de conscience avait été si forte que j’étais sûrement trop radicale. On était nombreux dans ce cas. On se positionnait en sauveur, on voulait convaincre tout le monde… Moi j’avais compris plein de choses, je savais plein de choses, je voulais que tout le monde suive. Mais j’avais pas les codes, j’avais pas les outils“.

Alors le message était mal reçu, la colère d’Anaïs grandissait, et le monde ne changeait pas.Un déménagement, un nouveau boulot, et la jeune femme lance une association Zéro Déchet Drôme Ardèche. Rapidement l’association s’élargit, malgré les plus sceptiques. Créée en 2017, elle fonctionne encore, et s’est même agrandie.

L’étape suivante a lieu en 2017, grâce à un composteur de quartier, installé par des voisines. La découverte du biodéchet et de sa transformation en matière nourrissante du sol sonne le début de sa nouvelle vocation. Anaïs adopte ses premiers Bobs, comme elle appelle ses vers composteurs, se forme, teste chez elle, en parle ailleurs, s’enthousiasme, se plante, aussi.

Le retour à la nature

-“Pour moi, la reconnexion à la nature a été primordiale. Ce lien vivant, ces petits insectes qui font un truc presque magique, et utile, j’ai adoré“. Elle peut d’ailleurs expliquer avec passion l’importance du compost pour les sols, pour l’agriculture, en gros pour l’avenir de l’humanité, qui doit se nourrir alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur un sol de plus en plus pauvre.

C’est à cette époque que la jeune femme arrive à Montpellier et rejoint Compostons, une SCOP qui promeut le compostage citoyen de proximité, créée trois ans auparavant. C’est une époque fertile, riche en projets, comme la récupération des biodéchets en vélo chez les commerçants de la ville.

-“C’était génial ! Il y avait quelques réfractaires, parce que le service était payant. Mais la plupart des commerces nous ont accueillis à bras ouverts, j’ai rencontré plein de gens, ça marchait super bien“.

Le Covid stoppe le projet. Net.

Peu de temps après, Anaïs commence sa formation de Maître Composteur, une formation reconnue par l’État, même si pour l’instant encore, le métier n’est pas référencé chez Pole Emploi.

-“Le Maître Composteur, c’est un peu le chef d’orchestre, entre les collectivités, les techniciens, les agents municipaux, les bénévoles, etc. Quand il y a un projet, par exemple de site de compostage de quartier, le Maître Composteur va faire une analyse du projet, établir un diagnostic, faire une étude sur le lieu d’implantation sur un territoire, etc. Mais on peut faire aussi de l’animation, former des agents territoriaux… C’est riche et varié, comme métier“.

“Comprendre les freins des gens”

En 2020, Anaïs se met à son compte, et lance “l’Épi libre”, qui propose “accompagnements et animations pour comprendre les enjeux climatiques, et faciliter votre passage à l’action”. Elle intervient beaucoup en milieu scolaire, mais pas que.

– “C’est très intéressant d’un point de vue sociologique, d’essayer de comprendre le frein des gens. Comment arriver à les amener à avoir une autre approche ? Les gens ont plein d’idées reçues sur la thématique. Mais c’est essentiel de leur faire comprendre les enjeux, de trouver la porte d’entrée pour les amener à réfléchir autrement“.

 Le poids des mots est essentiel, dans son approche.

-“On parle de biodéchets, par exemple. C’est dommage. Tant qu’il y a le mot « déchets » les gens les mettront à la poubelle“.

Elle anime également des “Fresques des déchets” et des “Fresques du climat”, en entreprise, notamment.

-“Je sème des graines, en fait ! Ça met du temps, et parfois c’est amusant de constater que longtemps, quelque chose a poussé. Comme quand une copine me demande un lombricomposteur pour son anniversaire !

“Pas normal qu’on se fasse insulter”

Si, professionnellement, elle a trouvé sa place et se voit comme un lien de transmission entre ceux et celles qui ont conscience de l’urgence climatique, et ceux et celles qui ne sont pas encore sensibilisé,es, elle ne peut pas s’empêcher d’être encore en colère, parfois.

– “C’est quand même pas normal qu’on se fasse insulter parce qu’on tente d’améliorer l’état de la planète ! On trie ses déchets, on roule en vélo, pour moi ça relève du bon sens, et c’est pacifique, et pourtant ce ne sont pas les pollueurs qui se font taper sur les doigts ! C’est comme quand les scientifiques se font insulter par des climato-sceptiques qui n’y connaissent rien. Les gens manquent de recul, et prennent beaucoup de choses pour de l’argent comptant, et ça, ça me met en colère“.

Jusque dans son propre entourage, où elle se heurte encore, parfois, à de l’incompréhension.

-“Moi ça me fait halluciner ! On vit tous sur la même planète, s’il y a une catastrophe, personne ne sera épargné. Alors être vue comme la vilaine avec ses épluchures, je ne comprends pas !

Très présente sur instagram avec @lepilibre, où elle aborde différentes thématiques sur un ton plein d’humour et facilement accessible, Anaïs rayonne aujourd’hui d’avoir trouvé le juste équilibre, celui auquel elle aspire aussi pour la planète.

Relire notre article sur le tri obligatoire des déchets, ici.

“Il y a beaucoup d’offres en ce moment”

Trois question à Alonso, de Compostons:

Comment se déroule la formation de Maître Composteur ?

On commence par une journée de formation de référent de site de compostage, qui permet de s’occuper bénévolement de sites partagés, par exemple. On peut ensuite devenir Guide Composteur en six jours, puis, si on veut poursuivre et se professionnaliser, faire une formation de 49 heures et devenir maître-composteur.

Qui recrute, et quelles sont les perspectives d’emploi ?

Les perspectives sont bonnes, d’ailleurs il y a beaucoup d’offres en ce moment. Ce sont surtout les collectivités qui recrutent, car elles doivent se préparer à janvier 2024, date à laquelle le tri des biodéchets à la source devient obligatoire pour tout le monde.

Quelle est la rémunération moyenne ?

Autour de 1800 euros, environ. Mais cela dépend de la structure ou des collectivités qui emploient, ou si on est indépendant.

En savoir plus, ici.

Photo : formation Guide composteur·ice autour d’un site de compostage partagé de la métropole de Montpellier. Crédit Compostons.

 

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