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Sardou, Renaud : les increvables

Annoncé en février 2024 au Corum, Renaud est croqué par le montpelliérain Gaston dans un livre à paraître le 25 octobre. L’éternel retour d’un chanteur qu’on voit encore mais qu’on entend de moins en moins… Sardou a déjà rempli l’Arena de Montpellier pour son concert du 11 novembre. A l’opposé politiquement, mais incendiaires et anars l’un et l’autre, ils sont parmi les ultimes dinosaures de la chanson française.

Renaud au Corum

En 2023, Renaud signe son grand retour sur scène avec « Dans mes cordes ». Alors que les siennes (les vocales) ont fini par présenter leurs démissions. Trop de tabac et d’alcool pendant trop d’années. Mais les cordes en question sont constituées en réalité par un ensemble qui l’accompagne dans cette tournée automne-hiver du 5 octobre 2023 au 11 avril 2024 avec le pianiste Alain Lanty, faisant halte dans la ville natale de son père Olivier Séchan, auteur de polars dont plusieurs romans se déroulent dans les Cévennes, berceau de la famille paternelle.    

Sardou à l’Arena

Quasiment aux mêmes dates (du 4 octobre 2023 au 17 mars 2024), un autre ex abonné du « Top 50 » effectue lui aussi son grand retour : Michel Sardou. Comme il avait annoncé par le passé qu’il abandonnait définitivement la scène (mais ils ont été nombreux à revenir sur pareille décision, Charles Aznavour en tête), il a fait le choix d’intituler de façon assez espiègle cette tournée ainsi : « Je me souviens d’un adieu ». La plupart des dates sont d’ores et déjà complètes. C’est le cas notamment pour le concert de Montpellier. 

Avec ses 76 balais au compteur, Sardou est incontestablement plus en forme que l’ex-gavroche portant jadis casquette et cuir, de 5 ans son cadet. Depuis quelques années déjà, Renaud offre des récitals où ce qui lui reste de voix est largement couvert par le public. Lequel fait en réalité le job à sa place.

Ils ne se détestent pas mais en 1977, Renaud n’hésitait pas à parodier Sardou et sa chanson polémique déjà « Les ricains » sur le retrait américain du Vietnam (sorti 10 ans + tôt) : « Si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie ». Commentaire alors de Renaud : « Vous savez tous comme moi qui a osé dire cette connerie » et de conclure la parodie par: « Si les arabes n’étaient pas là, on viderait nous- mêmes nos poubelles ».

Deux anars mais pas même du bord

Les deux artistes ont pourtant des affinités. Bien qu’aux antipodes politiquement. En 1988, Renaud avait pris la tête d’une campagne pour la réélection de François Mitterrand sous le vocable : « Tonton laisse pas béton ». Bien que soutien de Giscard, comme ses compères Hallyday et Gainsbourg, sitôt la gauche aux affaires, Sardou affirmera au mensuel « Paroles et Musique » ne pas être de droite. Et en soutien déçu de Nicolas Sarkozy, il déclarait en 2010 au « Parisien » : “Je ne défends pas Sarkozy. Non. J’y ai cru, mais je n’y crois plus. Quand on vous promet quatorze réformes et qu’on n’en fait pas une… Je suis déçu ». La même veine incendiaire et anar.

« On touche pas au Connemara » de Sardou

Un bail que le chantre de la France profonde remplit les salles. Une polémique déclenchée au cœur de l’été a même pu renforcer encore son inusable popularité (il est même remixé par le célèbre DJ Cut Killer) : on se souvient de la déclaration de Juliette Armanet, sur une chaîne de télé belge, visant l’une des chansons phares de son répertoire « Les lacs du Connemara ». Trop de droite ! On a vu son armée de fidèles monter au créneau. Officiellement, « tout est pardonné » sauf peut-être pour le compositeur de la complainte, Jacques Revaux, resté ulcéré.  

Surfant opportunément sur cette affaire, le staff de l’artiste propose désormais à la vente, après chaque concert, un t-shirt arborant crânement la mention « On touche pas au Connemara ». Un grand merci Juliette ! Qui nous oblige à souligner que la grande Catherine Ribeiro, très très à gauche, avait inscrit la mythique chanson au répertoire de son récital “Chansons de légende”.

Les comités anti-Sardou

Les concerts de l’interprète de « La Maladie d’amour » étaient souvent précédés au mitan des années 70 de ce qu’on appelait alors « les comités anti Sardou », choqués par son apologie de la violence, comme ceci : « Aucun Dieu ne m’apaisera, J’aurai ta peau. Tu périras, Tu m’as retiré du cœur, Et la pitié et la peur, Tu n’as plus besoin d’avocat, J’aurai ta peau. Tu périras…. Pas même un christ à tes côtés. Les philosophes, les imbéciles, parc’que ton père était débile, te pardonneront mais pas moi. J’aurai ta tête en haut d’un mât » (extrait de “Je suis pour’).

Il faut se souvenir de certains couplets, de ce qui a constitué un véritable fonds de commerce du créateur des “Bals Populaires” : “On est là pour boire un coup, on est là pour faire les fous et pas payer nos verres“. Ou “J’habite en France” : ” Y‘en a qui pensent, et c’est certain, Que les Français se défendent bien, Toutes les femmes sont là pour le dire, On les fait mourir de plaisir, voilà pourquoi j’habite en France où y a quand même pas 50 millions d’abrutis“.

Sardou n’a pas son pareil pour exalter la liesse cocardière en frôlant toutes les limites : “Ne m’appelez plus jamais France, la France elle m’a laissé tomber” sur le paquebot national désarmé en 1974 sous Giscard. Une chanson applaudie en première ligne par les militants de la CGT. Les gros rires gras sont convoqués à travers “Le rire du sergent, la folle du régiment la préférée du capitaine des Dragons“. La chanson française avait du chemin à faire pour reconnaître à un garçon le droit d’aimer un autre garçon.                               

Dans « Musulmanes », il ose : “Voilées pour ne pas être vues, J’envie ceux qui les ont connues, Vierges de pierre au corps de Diane. Hurlant dans le silence énorme, A l’heure où leurs amants s’endorment, Le long sanglot des Musulmanes”. A une époque, Sardou enchaînait les titres polémiques : “J’ai envie de violer les femmes, de les forcer à m’admirer et de disparaître en fumée” (extrait de “Dans les villes de grande solitude”). Ou enfin : “Le temps béni des colonies” avec ce refrain : “On pense encore à toi oh bwana” flairant à plein nez la pub “Ya bon Banania”.

Le bleu marine fait “gerber” Renaud

De son côté, dans l’album « Marche à l’ombre » (en 1980), Renaud chantait : « Y’a pas qu’les mômes, dans la rue, Qui m’collent au cul pour une photo, Y’a même des flics qui me saluent, Qui veulent que j’signe dans leurs calots. Moi, j’crache dedans, et j’crie bien haut, Qu’le bleu marine me fait gerber ». (Dans la chanson « Où C’Est Qu’J’Ai Mis Mon Flingue ? »).  36 ans plus tard, changement de ton dans « J’ai embrassé un flic » : « Entre Nation et République, J’ai embrassé un flic, Ça change des coups de triques…/…/ J’aurais pas cru y a trente ans, qu’au lieu de leur balancer des pavés à tour de bras, j’en serrerai un contre moi ». Entre temps, il y a eu « Charlie » que Renaud, qui avait perdu ses potes Cabu et Wolinski dans les attentats de 2015, avait aidé à redémarrer.

En 1980 toujours, il assurait : « C’est pas d’main qu’on m’verra marcher Avec les connards qui vont aux urnes, Choisir clui qui les f’ra crever Moi, ces jours-là, j’reste dans ma turne ». Et un peu plus loin : « Gueuler contre la répression, En défilant à Bastille-Nation, Quand mes frangins crèvent en prison, Ça donne une bonne conscience aux cons, Aux nez-d’boeux et aux pousse mégots, Qui foutent ma révolte au tombeau » et de convoquer tout à la fois les fantômes d’Andréas Baader et de Jules Bonnot.

« Jean-Pierre El Kavada »   

Dans le viseur, enfin, des figures de droite comme le journaliste Jean-Pierre Elkabbach (qui vient de décéder) : « J’étais tranquillement écroulé, D’vant la télé sur mon plumard, Y’avait Jean-Pierre El Kavada, Qui m’racontait l’Afghanistan, Et la Pologne et le Liban, Le Salvador y connaît pas, L’information pour ces mecs-là, C’est d’effrayer l’prolo l’bourgeois, A coups d’chars russes d’Ayatollah » (“J’ai taté télé foot”).

Gaston, fan de Renaud

Il existe déjà un nombre assez considérable de livres sur Renaud. Avec Brassens, il est un des artistes sur lequel on a le plus écrit en matière de chansons. Le montpelliérain Gaston, grand fan de l’interprète de « Laisse béton », signe les dessins d’un album à sortir le 25 octobre prochain chez Delcourt. Bertrand Dicale, auteur de nombreuses bios ou documents sur Juliette Gréco, Brassens, Serge Gainsbourg ou Reggiani, se chargeant du texte. Le chanteur a refusé la moindre relecture tout en validant cette (libre) interprétation de sa vie. Sur la couverture, on peut s’amuser à reconnaître Coluche, le parrain de sa fille Lolita, Georges Brassens, le maître absolu, et Gérard Depardieu, avec lequel il partageait l’affiche du “Germinal” de Claude Berri.

“Renaud né sous le signe de l’hexagone”, Gaston, Bertrand Dicale, Delcourt, 29,95€.

Michel Sardou à l’Arena, ici. Renaud au Corum, ici

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