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Le nouvel Astérix sur le développement personnel : Fabcaro drolatix !

Quarantième album d’Astérix, scénarisé pour la première fois par le bédaricien Fabcaro, et dessiné par le fidèle Didier Conrad, « L’Iris blanc » se moque du développement personnel testé sur ses troupes par César pour vaincre le village gaulois. Hilarant !

Comme, allez : presque tout le monde, je suis fan d’Astérix, depuis toujours. Je suis même tellement fan que je n’ai pas acheté ceux écrits par Uderzo, ni par son successeur. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de les trouver bons. C’est juste que : ils ne l’étaient pas. En revanche, quand on m’a dit que Fabcaro était scénariste sur le dernier opus, j’ai foncé. Fabcaro, c’est comme Astérix : je suis fan !

393 millions d’exemplaires vendus

Étrange, cette bonne, cette excellente nouvelle a pourtant dû traverser mon info-sphère à un moment ou un autre, mais je ne l’ai réalisé qu’au moment de sa sortie, au son battant de la communication, emballée. Fabcaro, THE Fabcaro, allait écrire le 40è Astérix. Waouh ! L’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï, Guacamole Vaudou ou encore Le discours (adapté au cinéma, tout comme Zaï, Zaï Zaï Zaï) celui-là même donc allait s’attaquer au Saint des Saint de la B.D. française, aux héros des petits et grands d’ici mais pas que. Immense succès depuis ses débuts, Astérix est traduit dans plus d’une centaine de langues et dialectes, et les ventes atteignent 393 millions d’exemplaires dans le monde, quand même.

Heureuse pour lui et ses lecteursétrices, je me suis quand même demandé comment ce choix s’était fait de faire appel à ce talent, ce génie de l’absurde, ce Dupontel de l’écrit ? On a beau surfer sur la vague méritée du succès, comme on dit, là c’est Astérix quand même ! J’aime pas les images galvaudées mais clairement, c’est un monument, Astérix. Est-il qu’il a pétoché, le Montpelliérain de naissance ? Est-ce qu’il s’est rongé les ongles ? A-t-il pris du magnésium pour les nerfs ? Comment s’est passée la collaboration avec Didier Conrad, qui reprend le crayon pour la 6è fois depuis 2013, après la retraite d’Uderzo ? Et surtout : avait-il su relever le clavier à la hauteur du génialissime Goscinny ? 

“Les Goths et les couleurs, hein…”

Signe des temps, le livre était chez le Market du coin avant d’être chez mon libraire. C’est dire si l’événement était attendu, au moins à Montpellier. Je suis quand même allée chez le libraire, j’ai payé mes 10,50 euros, posé le précieux opus sur ma table, et je me suis fait un thé au jasmin avant de m’installer, porte close, pour le déguster.

Dès les premières cases, un frisson de bonheur. Ah ! Retrouver les jeux de mots dans lesquels Goscinny excellait, sans que ni Uderzo ni Jean-Yves Ferri ne parviennent à maintenir le niveau. Là, lire que « les Goths et les couleurs, hein », découvrir ce « hors félin », retrouver toute cette subtilité qui faisait la force de l’auteur d’origine, et ce dès la première page, déjà, on se dit que ça commence bien. Bonne nouvelle : ça continue.

« Pour éclairer la forêt, la floraison d’un seul iris suffit »

Dans L’Iris blanc, qui a pour sujet central le développement personnel, on retrouve selon les mots de Fabcaro « un phénomène contemporain au prisme d’Astérix comme le faisaient Albert Uderzo et René Goscinny à l’époque. Par exemple, dans “Obélix et Compagnie“, un album que j’aime beaucoup, ils parlaient du capitalisme et de la concentration des entreprises, avec humour ».

Dans ce Ier siècle avant Jésus-Christ, l’Iris blanc est le nom d’une nouvelle école de pensée, venue de Rome, qui prône bienveillance, vie saine, épanouissement individuel : « Pour éclairer la forêt, la floraison d’un seul iris suffit ».

L’empereur romain Jules César a l’idée d’insuffler cet état d’esprit à ses troupes démoralisées, stationnées près du village gaulois qui résiste en Armorique. Ce que personne n’a prévu, c’est que cette philosophie en vogue, qui recommande entre autres de manger beaucoup moins de sanglier, et d’adopter la trottinette, va entrer dans le village. Et diviser les pro et anti-Iris blanc.

Vicévertus inspiré de BHL

Ce porteur de pensée positive s’appelle Vicévertus. Un nouveau personnage dans la BD culte. « Vicévertus, au-delà d’être un penseur, est un donneur de leçon, le genre de personne qui pourrait dire « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », explique Fabcaro. C’est un personnage qui a tendance à s’exprimer par des citations et des aphorismes parfois assez obscurs, qui donnent l’impression qu’il dit des choses profondes. J’ai imaginé un homme charmeur, avec un charisme indéniable qui prend l’ascendant sur ses interlocuteurs physiquement et intellectuellement. Avec l’éditeur, nous avons cherché des références pour nourrir Didier, et sommes tombés d’accord pour s’arrêter sur un personnage plus âgé ou comme on dit « avec un peu d’expérience ». Un bel homme avec une aura intellectuelle. C’est à ce moment-là que nous lui avons suggéré Bernard-Henri Lévy et Dominique de Villepin comme référence ». 

« Besoin d’Orion, envie de Troiiie »

Et on retrouve aussi Fabcaro, son goût de l’absurde, sa précision du mot, l’humour joyeux, décalé, jamais méchant. Et son amour de la variété. Cet été, sur France Inter, il avait demandé à ce qu’on passe une chanson de Julio Iglesias. L’album qui a fait de lui l’un des plus grands noms actuels de la BD, Zaï, Zaï, Zaï, Zaï s’inspire d’un refrain de Jo Dassin. Dans cette nouvelle BD, ça chante pas mal aussi : « Besoin d’Orion, envie de Troiiie » ou « Légionnaire particulieeer cherche légionnaiiire particulièèère ». Et le « J’habite en France » de Michel Sardou devient « J’habite en gaule ».

Présent aussi son regard à part, gentiment moqueur, sur les travers de certains milieux. Gags, blagues, innovations, nouveaux personnages, dont celui, central, du médecin-Guru, tout y est, tout s’enchaîne à un rythme soutenu, plus soutenu sûrement que les prédécesseurs, mais on suit le tempo sans problème, avec jouissance.  Du pur bonheur de fan ! Un double bonheur, même !

Bonheur de retrouver le grand, le pur Astérix, et joie de constater que Fabcaro non seulement a fait un super boulot. Mais en relevant le défi, il rappelle, et prouve avec panache, qu’écrire, c’est un métier.

“L’Iris blanc”, Fabcaro, Didier Conrad, éditeur Albert René, 48 pages, 10,50€.

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