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« Séisme » : prophètes de meilleur dans un opéra écolo high tech

Mapping vidéo, sol interactif, spatialisation du son, intelligence artificielle : Alex Ho (compositeur), Franciska Éry (metteuse en scène) et Ar Guens Jean Mary (poète), artistes accueillis en résidence à l’Opéra de Montpellier, présentent « Séisme », subtil et sombre opéra sensoriel d’un nouveau type.

On a peu l’habitude d’entrer sur la scène de l’opéra par une porte de service au bout du couloir distribuant les portes rouges d’accès au parterre. Sur cette scène : une épaisse couche de liège brûlé qui dégage une forte odeur. On entre équipé d’un gilet vibrant synchronisé avec les sons ambiants, porté comme un sac à dos, qui va renforcer la sensation. Un « opus immersif et interactif » va nous faire passer du théorique au tellurique.

Ici la Terre où survivent quelques rares fougères. Séisme ? Le monde a pris cher, les cigales se sont tues. L’obscurité renvoie à une post-apocalypse. Les spectateurs.trices sont réunis dans ce caisson délimité par des écrans de 10 mètres de long sur 6 mètres de haut, animés par du mapping vidéo conçu par l’artiste hongroise Kati Katona venue renforcer la jeune équipe internationale à la manœuvre, composée du compositeur anglo-chinois Alex Ho, du poète et performer haïtien Jean Mary et de la metteuse en scène hongroise Franciska Erydissèque, tous trois en résidence à l’Opéra de Montpellier.

Se déplacer, frôler les arbustes produit des sons enregistrés en temps réel par 20 micros placés sous le sol de liège. Un dispositif du designer sonore montpelliérain, désormais habitué des lieux, Julien Guillamat. Comprendre : nous sommes interdépendants. La terre tremble et son sort dépend du moindre de nos gestes.

Vers le nouveau monde

« Compagnons, bons microbes de la planète qui ont jeté le ciel à terre, vous avez vu de vos propres couleurs putrides les arcs-en-ciel égorgés par des requiems. Vous avez apprivoisé les nuages mortuaires sous prétexte de barbe-à-papa et même violé mère nature de vos sexes gigantesques d’industriel » : dans cet écrin gramscien (« le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres« ) s’incarne l’univers mental d’une jeune création.

Les visages du poète déclamant et la chanteuse en très gros plans se livrent à une interpellation meurtrie à la limite de l’injonction (« Creusez« ), mais un espoir, une candeur sont portés. Une destruction a eu lieu, le monde est mort, mais une génération, une « adolescence de fleur fânée » tente de refonder un sens collectif.

A la fin de la séquence, on peut délivrer un message à la planète face à un micro sur pied. Grâce à un logiciel d’Intelligence artificielle mis au point par l’école montpelliéraine Epitech, ces messages sont retranscrits en direct à l’écran. 

Le résultat de deux ans de travail et d’un processus créatif inédit : la composition musicale d’Alex Ho en 11 mouvements, préalablement enregistrée par l’orchestre et le chœur de Montpellier, et la mise en scène en feuilletage vidéo de Franciska Éry se sont développés simultanément sans que l’une ou l’autre des disciplines ne prenne l’ascendant. A rebours des process habituels de l’opéra.

Une expérience remarquable même si la finesse des interactions n’est pas toujours clairement repérable par les spectateurs.trices, et nécessite un guidage.

« Séisme » à l’opéra Comédie les 10 et 11 février. Plusieurs séances en petits groupes, mais apparemment c’est complet. 

Photos Marc Ginot sauf la vidéo et la photo de une (LOKKO).

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