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“Nuit noire en Anatolie” : un grand film contre le patriarcat en Turquie

Antigone d’or au Cinemed 2023, “Nuit noire en Anatolie” d’Özcan Alper est sur les écrans depuis le 14 février. Ne manquez pas ce grand film aussi noir que lumineux sur fond d’homophobie. Entre thriller et film politique, une œuvre d’une grande beauté formelle et d’une liberté inédite sur la Turquie de Erdogan.

Des hommes dans la nuit se rendent en meute jusqu’à la maison isolée dans la montagne du garde-forestier. Ali (photo) est mal vu au village. Les griefs se sont empilés depuis son arrivée : il lutte contre le braconnage visant les ours, séduit la plus belle fille du village et entretient une amitié floue avec un des leurs. Ce qui lui arrive, ce soir-là, on ne le saura pas tout de suite.

7 ans après, Ishak, témoin de cette nuit, qui a fui sa communauté toutes ces années, revient au village pour se rendre au chevet de sa mère. Le passé l’obsède. Il va affronter cette tribu d’hommes aux lourds secrets. Tout n’est pas posé d’emblée : l’intrigue a été construite par le réalisateur à partir d’allers-retours dans l’histoire en courtes séquences, jamais linéaires, qui relèvent d’un fin tissage narratif.  

Il était une fois dans l’est de l’Europe, l’Anatolie, des confins asiatiques qu’on appelle encore Asie Mineure, une région oubliée de l’histoire. Dans le rôle de Ishak : le magistral Berkay Ateş (ci-dessous), venu présenter le film au Cinemed de Montpellier, en avant-première, tout en puissance virile et ténébreuse, mais dont la masculinité, contrairement à la norme de cette Turquie rurale, est plus nuancée, plus complexe, tranchant avec la horde. Magnifique scène de baignade quasi biblique où il s’ébroue dans l’eau avec Ali, à la limite du désir.

Dans ce western anatolien, somptueusement éclairé : des morceaux de bravoure sur la barbarie patriarcale, fêtes animales, beaucoup de peau, de corps et de violence dans un décor de nuit et de pierres : “Nuit noire en Anatolie” est d’une grande beauté formelle. Malgré la splendeur de ses espaces, il est oppressant. Les paysages lunaires aux gouffres pathologiques sont filmés en miroir de la psyché des hommes singulièrement arriérés. Pointant une faille entre la Turquie qui avance relativement (Ali vient d’Istanbul) et la Turquie profonde. Une incroyablement courageuse dénonciation de l’homophobie, pourtant un sujet touchy dans l’actuelle Turquie.

Nuit noire en Anatolie d’Özcan Alper, avec Berkay Ates, Taner Birsel, Sibel Kekilli… 1h54.

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