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Claudia Montanari : de Rome à Montpellier, ma famille d’artistes en héritage

Pour l’Exposition ELEVAZIONE à la Villa des Cent Regards à Montpellier, du 8 au 10 mars 2024, Claudia Montanari rend hommage à son père, peintre et styliste, qui lui demande avant de mourir de finir ses toiles, à sa mère, styliste, immigrés italiens d’Emilie Romagne venus chercher la célébrité sur leur vespa à Rome. Une exposition qui raconte aussi la difficile expérience de s’alléger de l’héritage familial pour vivre sa vie.

« C’est toi qui les finiras, à ta façon » m’a-t-il dit avant de mourir, à 82 ans, en me laissant ses toiles inachevées, ses palettes, sa mallette avec ses couleurs, et ses pinceaux.

Je me questionne aujourd’hui sur l’héritage que l’on reçoit, y compris l’héritage éthique, et les valeurs à transmettre. Désobéir en fait partie, quand c’est nécessaire.

Ce qui a rendu absolument nécessaire la création d’ELEVAZIONE, c’est cette demande de mon père de terminer ses toiles. Tout de suite après sa mort, je me suis mise à travailler sur une petite toile dont il avait barbouillé le fond. Mais c’était trop douloureux.

Ce qui fait vivre les morts, c’est l’amour

J’aurai mis cinq ans avant de saisir ses pinceaux et ses tubes de peinture. Le résultat est cette série que j’ai intitulé « ELEVAZIONE ». Afin de me relier à lui, je n’ai fait que des gestes vers le haut…. D’où le titre.

Cela m’a ouvert la voie à l’énigme de la mort, à l’énigme de l’invisible (en photo, Claudia avec ses parents et son frère). Ce qui fait vivre les morts, ce qui les fait continuer à nous transmettre du savoir, de l’expérience, c’est l’amour. Il faut une confiance absolue pour ressentir la continuité du cycle de la vie et de la mort. Et l’amour accomplit ce miracle. Pour approcher ce mystère, l’art est un moyen formidable.

La foi à la manière de Pasolini

De plus, l’art accomplit la réconciliation entre l’idéal politique de justice que m’ont transmis mes parents (issus de familles antifascistes et communistes) et l’espérance et la foi, à la manière de Pasolini. Par ailleurs il y a eu d’autres hommes comme Antonio Gramsci et Enrico Berlinguer qui ont nourri leur idéal.  « Je suis pessimiste par l’intelligence et optimiste par la volonté » disait Antonio Gramsci.

Pour ce qui est des toiles, à Rome, mon père peignait souvent sur des cartons et du bois. C’est sur du papier qu’il a dessiné à l’encre de Chine son Christ en Croix pendant ses jeunes années passées au séminaire religieux pour le « redresser », simplement parce qu’il avait un esprit trop rebelle au goût de mon grand-père. Cela lui a valu, à douze ans, de gagner un Prix National qui a rapporté 500 lires à la famille. Ce Christ est devenu une carte postale. (Ici, un tableau de sa série sur les clowns).

J’aime beaucoup aussi cette citation d’Italo Calvino : « Et Marco Polo dit : « L’enfer des vivants n’est pas quelque chose qui existera ; s’il y en a un, c’est bien celui qui est déjà là, l’enfer dans lequel nous vivons tous les jours, celui que nous formons en étant ensemble. Or il y a deux manières de ne pas en souffrir. La première est facile et accessible à tous : c’est d’accepter l’enfer et d’en faire partie jusqu’au point de ne plus le voir. La deuxième est risquée et exige une concentration et un apprentissage continus : c’est de chercher et de savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l’enfer, n’est pas l’enfer, et de les faire durer, et leur donner de l’espace ». 

Cultiver la sagesse de distinguer dans l’enfer ce qui ne l’est pas : n’est-ce pas le travail de l’artiste ? N’est-ce pas le travail de tout être humain qui avance dans ce monde sans rajouter de l’horreur à l’horreur ? N’est-ce pas finalement plus précisément ce que font beaucoup de femmes depuis la nuit des temps, et souvent dans l’ombre, en introduisant plus de beauté, d’harmonie, d’humanité ?

Ce n’est pas un hasard s, c’est grâce à la rencontre avec les œuvres de Stanko Kristic qui est un immigré Serbe, que j’ai démarré ce travail, dans son atelier. Et pas non plus si ELEVAZIONE arrive dans cette maison originale à Montpellier, appelée « la maison des fous », bâtie par un immigré Italien avec l’aide de sa femme.

La dolce vita

Mon père a dit haut et fort, que tout ce qu’il a accompli, c’est grâce à sa femme Rosanna. Par exemple, quand ils sont allés à Rome, jeunes mariés sans le sou. Deux valises, une Vespa, des dés à coudre, des tissus, des pinceaux et des tubes de peinture.

Ils vivent modestement via Mazzini. C’est la période de la création de leur atelier de couture (photo) et celle des expositions de peinture Via Margutta. Leurs clients sont des musiciens, des chanteurs, et aussi  les gardes du Vatican… C’est la Dolce Vita. Le talent de mon père couturier styliste dépassant les frontières, une opportunité va le pousser à emmener toute sa famille en France.

Guidé par son amour pour la peinture, il essaie de concilier le stylisme et la peinture, mais finira par ne faire plus que ça : peindre.

Mais ELEVAZIONE raconte aussi la difficile expérience d’accéder à la confiance et à l’amour. La difficile expérience de s’alléger de l’héritage pour vivre sa vie.

ELEVAZIONE

Trois vidéos accompagnent l’exposition : la première illustre le dernier travail de photo-peinture Claudia Montanari, avec des textes poétiques bilingues, la deuxième et la troisième sont visibles au premier étage, où elle présente des oeuvres de son père inédites, dont certaines ont eu des prix nationaux et régionaux dans les années 50 et 60 à Rome, et des  œuvres à elle dans une autre salle. 

La vidéo « Le style italien : Rosanna et Mino » retrace le parcours de vie de ses parents dans la mode et la peinture.

Enfin « La maison de mon grand-père » est l’histoire incroyable de la construction de la ferme bressane par le père de Claudia, vue par son petit-fils, quand il était enfant. Sa créativité est débordante, il s’improvise architecte, charpentier et tailleur de pierre. D’ailleurs, dans sa famille on n’exerçait jamais qu’un seul métier ! C’est ainsi qu’une ferme bressane a surgi en Bourgogne sur un champ de pommiers ! C’est le miracle à l’italienne !

Elevazione de Claudia Montanari, du 8 au 10 mars. Vendredi de 18h à 20h. Samedi, dimanche de 10h à 22h. Villa des Cent regards, 1000 rue de la Roqueturière, Montpellier.

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