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Borgo : Hafsia Hersi impressionne en matone de prison corse

Rare film carcéral dont le personnage central est une femme, « Borgo » de Stéphane Demoustier, confirme l’immense talent de Hafsia Hersi dans le rôle d’une surveillante dans un centre pénitentiaire corse ou les caïds font la loi. Il s’inspire d’un faits divers : un double assassinat à l’aéroport de Bastia dans lequel une surveillante de prison est suspectée d’avoir joué un rôle.

Hazfia Herzi dit que jeune actrice, elle savait ne pas coller à un modèle « attendu » par le cinéma français. Elle se voyait appelée à des chemins de traverse. Devant « Borgo » de Stéphane Demoustier, on s’en réjouit car le sentier est superbe en maquis corse. L’aporie de ce film de prison eut été justement d’ « enfermer » la Corse dans l’attendu. Si rien ne flatte l’île avec complaisance, rien n’est éludé de sa sévérité.

Hafsia Herzi en retenue

Hafsia Herzi est Mélissa, matone en la prison très spéciale de Borgo. Sur chaque image, elle combat en retenue. Faussement suiviste, elle dépose des indices et intrigue à tous les sens. Ce film bluffe, comme Mélissa, mais jamais ne triche. Le réalisateur y manie ses inspirations plutôt qu’il ne les élude, encore une fois, il travaille à rebours, comme son personnage principal. Quoi de mieux pour nous y prendre que « l’effet Rashomon » (*) ? Un « truc » de Tarantino aussi et ce n’est pas insulte de dire que « Borgo » est un « Jacquie Brown » à la corse, couleur froide. Quand le « prophète » d’Audiard -inévitable référence-, exacerbe la tension, Borgo la contient.

Une violence implicite

Dans « Borgo », la violence est implicite sauf exception, suggérée, elle est « hors champ » du discours. Celui de ces affranchis incarnés par des acteurs du cru, sublimes trouvailles de casting, Le langage est l’autre protagoniste du film, froidement manié comme un revolver en pièces, que Mélissa sait remonter en experte, métaphore synthétique du film. La violence n’a pas besoin d’exposition, ni verbale ni montrée, elle est concaténée dans le langage, il est matériau à manier, afin de manipuler. C’est un savoir faire redoutable, s’y retrouvent le dialoguiste, le gangster et la combattante. Mais il est aussi source de chaleur. Le film casse les codes victimaires, la femme qui « ne se laisse pas faire » n’a besoin ni d’outrance ni de pouvoir, comme la Corse elle est froide et empathique, et surprend autant que cette île. Elle aussi, on le sent, a été éduquée à la dure (ici, Michel Fau en commissaire).

Un champ d’empathie

Comme dans tout film intelligent, l’humain n’est pas monolithique, il est chaud et il est froid. « Borgo » nous offre une scène touchante, où l’on y chante « Mélissa », comme on en voit peu au cinéma . Elle met à l’épreuve la pudeur de la protagoniste , de l’actrice, et du spectateur, magnifiquement réunis. En régime « ouvert », la prison s’y montre alors aussi un champ d’empathie entre gens qui vivent ensemble en prison, et échangent leurs rôles de maton et de surveillé.

* Dans le grand classique « Rashomon », Kurosawa décrit un crime, depuis la perspective et la mémoire de chaque personnage, afin de montrer à quel point la réalité est subjective. Tarantino use de cet effet dans ces films, ou récemment Ridley Scot, dans « le dernier duel ».

Encore en salles jusqu’à la fin du mois au Diagonal et à Utopia.

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