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Nouveau chef, nouveau public pour une Bohême des années 30

On est encore loin de l’alchimie avec le chef danois Michael Schønwandt. Roderick Cox a fait ses début depuis sa nomination comme directeur musical de l’Opéra Orchestre national de Montpellier en dirigeant la Bohême de Puccini. Un baptême du feu qui a été aussi celui d’un nouveau public très novice. 

Un grand trou sous la scène

Pour la Bohème de Puccini, dernier des trois opéras de la programmation 2023/2024, resserrée en raison de conditions budgétaires difficiles, le Corum se remplit d’un public rajeuni et  visiblement moins habitué des lieux : 

-“Vous avez vu ?” me lance ma souriante voisine, “il y a un grand trou sous la scène avec les musiciens dedans !” 

-“C’est la fosse d’orchestre“, lui dis-je   

-“Ah, mais je ne savais pas !” ajoute-t-elle signant ainsi un évident et attendu renouvellement du public. 

Le profil féminin tuberculeux 

Dans ce Paris des artistes où la faim et le froid rapprochent les amis, Rodolfo poète désargenté rencontre Mimi (ici, Adriana Ferfecka), une petite brodeuse frêle et timide tandis que Marcello, peintre famélique, vit une passion tumultueuse avec Musetta, femme libre et audacieuse (Julia Musychenko, également à la UNE).

On ne dira jamais assez à quel point la découverte du B.C.G a détruit les ressorts romanesques du 19ème siècle : Mimi comme Marguerite (la Dame aux camélias) Violetta (la Traviata ) ou encore Fantine (les Misérables) est tuberculeuse et ses jours sont comptés. Au dix-neuvième siècle, la tuberculose était quasiment un trait de caractère incontournable de l’idéal féminin romantique : la femme devenue un ange désincarné.

Pâleur, langueur, minceur et faiblesse furent pendant ce siècle de grande épidémie, des incontournables de l’attrait amoureux. 

Des chorégraphies spectaculaires

Pour cette coproduction avec l’Irish National Opéra et l’OOMLR, la mise en scène de l’irlandaise Orpha Phelan intègre bien ces éléments : deux femmes à l’opposé  du spectre amoureux. La soumise et humble Mimi et la pétillante et voluptueuse Musetta, celle qui veut vivre libre mais qui dans sa prière à la vierge dira : “moi je suis indigne de pardon mais elle c’est un ange du ciel 

Transposée dans les années 1930, l’intrigue se déroule dans un espace savamment partagé par un décor mobile mis en valeur par les lumières de Matt Haskins.

Les déplacements chorégraphiés par Muirne Bloomer sont spectaculaires et bienvenus pour dompter l’espace de la scène du Corum. L’ambiance du café Momus au deuxième acte est particulièrement réussie. Les différents protagonistes y puisent des ressorts scéniques efficaces sauf dans la longue et ennuyeuse première scène. 

Une distribution brillante 

La soprano polonaise Adriana Ferfecka est une Mimi sublime : tour à tour timide, ardente ou poignante, elle reste émouvante dans chaque performance vocale. On oublie le présupposé si fréquent à l’opéra qui rendrait impossible et même ridicule, une voix aussi claire et puissante chez une jeune femme à l’agonie et aux poumons ravagés par l’infection. Elle reste crédible et émouvante face à un Rodolfo d’exception campé par Long Long (photo). Le ténor cumule les atouts : la présence scénique, un timbre puissant et large et une longueur de souffle qui remplissent l’espace du Corum. Chacune de ses interventions déclenche de longues acclamations du public qui  a visiblement envie de changer les usages. 

Le personnage de Musetta est incarné haut la main par Julia Musychenko : un magnifique timbre de soprano assorti d’un jeu scénique très abouti. Son effeuillage à la Marlène Dietrich, sensuel et pétillant, charme le public autant que son amant Marcello dont le rôle est confié à l’élégant baryton Mikolaj Trabka. 

La performance des chœurs (chœur Junior et chœur de l’Opéra) est patente : ils réalisent une véritable prouesse musicale et scénique. La réussite du deuxième acte leur incombe en grande partie. Adultes et enfants forment une foule joyeuse et colorée aux déplacements impeccables, se jouant des embûches de la partition. Visuellement réussie, la référence à la petite fille au ballon de Bansky est particulièrement émouvante. 

Avec Cox : un dialogue à instaurer  

Pour sa première production depuis sa nomination comme directeur musical à la tête de l’opéra montpelliérain, l’élégant chef Roderick Cox dirige avec conviction cette partition mélodramatique et passionnée. 

D’évidence, malgré une interprétation très honorable, il n’a pas encore su créer une véritable complicité avec l’orchestre. Il manque cette mystérieuse alchimie quasi amoureuse, la magic touch, qui liait les musiciens et le maestro Michael Schønwandt parti en 2023.  

L’aventure commune débute et nécessite d’avantage de temps pour créer des liens subtils et gommer peut-être l’amertume de certains instrumentistes d’avoir appris sa nomination par voie de presse. 

 

Une captation filmée de ce spectacle a été réalisée en vue d’une projection ouverte au public et gratuite, le 2 juin sur la promenade du Peyrou.

Photos Marc Ginot.

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