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Adam McKay joué par Ben Whishaw

“This is Going to Hurt”, on adore ce récit tragi-comique de la vie à l’hôpital

Canal Plus diffuse “This Is Going to Hurt”, la série d’Adam McKay adaptée de son livre avec Ben Whishaw dans le premier rôle. Encore une série médicale ? Oui, mais avec l’humour anglais qu’on aime tant.

“This Is Going to Hurt”, série de la BBC sur le monde de la NHS. Les hôpitaux anglais au début des années 2000 vus de l’intérieur par un ancien médecin, Adam Kay, aujourd’hui scénariste et romancier. Une série sur l’épuisement professionnel, le don de soi, les vies détraquées, la foi perdue et retrouvée dans le métier. Une histoire d’amour et de couple homo. Une série qui confronte le public français aux réalités de son système hospitalier national. 

Le visuel qui accompagne un film ou une série, c’est comme une première de couverture pour la plupart des livres, c’est important. C’est une invitation, ça attire le chaland, n’est-ce pas ? Ça vous stimule ou pas. Ça vous pose un sujet, un concept, une ambiance, une histoire. L’affiche de “This Is Going to Hurt”, outre le titre, faillit me tromper sur la marchandise et me faire passer à côté de son visionnage. Ce qui aurait été bien bête de ma part. Attention, This Is Going to Hurt” n’est pas l’hilarante et culte série médicale “Scrub”. L’humour noir et décalé du personnage principal m’a quand même fait rire. J’aime ça, l’humour noir et rentre dedans. Pas vous ? Ça désosse le politiquement correct et permet au réel de nous raconter ce qu’il est : un coup de poing dans la face.

Une série autobiographique

Quoi ? Le service marketing de la série montre un homme, encore jeune, en blouse bleue, visage à la fois blasé et fatigué et vide, les mains gantées de plastique blanc. Hypothèses : un docteur ? un proctologue ? Dépassant la première analyse de mon cerveau qui s’arrête aux images, un docteur, un proctologue, ça va faire mal, “Oui, vraiment, Lionel, as-tu envie de passer du temps devant le spectacle des douleurs hospitalières et anales ?”, je lançai le streaming. Me voilà rapidement soulagé : le héros n’est pas proctologue mais obstétricien-gynécologue. Ouf, de ma part, aucune identification possible avec une parturiente ! Je me détends. Je ne ressentirai aucune douleur fantôme. Et je regarde cette série écrite par Adam Kay. 

“This Is Going to Hurt” est une adaptation de ses souvenirs quand il était obstétricien-gynécologue, de 2004 à 2010, avant de ficher le camp du service hospitalier anglais, la NHS, et de devenir humoriste, romancier, scénariste à succès et mari de James Farrell, producteur de l’œuvre TV de son époux, Adam, et de la prochaine préquelle de “Game of Thrones”, “House of the Dragon”. L’amour, ça aide.

Je connais la carrière de l’acteur principal, Ben Whishaw, depuis son apparition, en 2006, dans le monde du cinéma, avec l’adaptation -pas folichonne- du formidable “Parfum : histoire d’un meurtrier” de Süskind. Dans This Is Going to Hurt” -lecteur, lectrice de LOKKO, vous êtes prévenus : ça va faire mal-, Ben W. joue le rôle d’Adam Kay. Oui, le personnage porte le nom du scénariste puisque le scénariste raconte sa vie, c’est donc autobiographique. Quelle vie ? Une vie professionnelle : ouais, hé ben, si l’avenir du système hospitalier français, c’est le passé récent et le présent du système hospitalier anglais que vous verrez sur votre écran, Mesdames, Messieurs, Non-binaires et Neutres, pensez à descendre rapidement dans la rue et à défendre, bec et ongles, la protection que nous avons encore dans le domaine public ! Et qui tient malgré les baffes à décoiffer un géant que sont les vagues successives de la pandémie Covid. J’ai déjà écrit et fait parler sur le sujet : ici et avec le professeur Gérald Chanques et ailleurs à la radio. Cadences folles. Comment rester humain ? Et toujours recevoir, avec toute l’humanité nécessaire, les personnes, les salauds et les gens bien, les gens qu’on croyait des salauds et ceux qu’on croyait des gens bien. Continuer, malgré tout. Et s’entretenir avec la mort.

Un mauvais diagnostic, des vies qui basculent

Une amie me fit part, par WhatsApp, de ce témoignage qui rejoint ce qui est présenté, en mode mineur, j’ai l’impression, par la série dont je parle aujourd’hui : “La mère de S. est à l’hôpital depuis hier. Elle n’arrivait plus à respirer. Poumons pleins de fluides parce que son cœur est trop faible pour pomper. C (sic) la merde. Nous espérons simplement qu’elle va vite sortir de là. Parce que sincèrement. Finir là-bas… C’est usant d’attendre des nouvelles et de ne rien voir venir. On a l’impression de devoir tout extorquer. En fait, elle n’a pas été correctement examinée ! NHS. Pas assez de staff. Trop de patients. L’ambulance a mis 2 heures à arriver. Ensuite, ma belle-mère a passé 6 heures dans l’ambulance avant de pouvoir entrer dans l’hôpital, faute de place. Puis elle est entrée. Elle attendait encore d’être prise en charge, il y a quelques heures.”

Adam Kay prononcera un mauvais diagnostic chez une femme enceinte d’une petite vingtaine de semaines. Devinez la suite. Tout comme le médecin, le spectateur ne sait si cette patiente est une enquiquineuse, une paranoïaque, une anxieuse, un hypocondriaque, une comédienne. Peut-être tout ça en même temps ? Aux infirmières, aux docteurs d’identifier le factice de l’authentique pendant que l’accueil des patients compte des centaines de personnes aux urgences. Durs métiers…

Où trouver le réconfort ?

Quelle vie pour un médecin junior, sous pression constante, à l’hôpital ? Quelle vie pour les internes et les étudiants qui se coltinent un programme démentiel à apprendre par cœur ? Quel est le sens de tout ça ? Première image de la série : le personnage principal, dans sa petite voiture, endormi. K.O dans le chaos qu’il est sur le point de retrouver. On a du mal à savoir s’il vient d’arriver sur le parking de l’hôpital ou s’il a passé sa nuit dans sa petite voiture. Il se réveille : sa journée commence. Il est dynamique. Il est possédé par sa mission. Épuisé, il doit être ultra-compétent, ultra-efficace, sauver des vies, des vies de futures mamans, de mamans et de fœtus et de bébés. Je me demande si la proctologie, c’est pas mieux…

Où trouver le réconfort quand, au travail, tout le monde est mis à mal et n’est plus capable d’identifier la souffrance chez les collègues, n’est plus capable de s’arrêter pour prendre des nouvelles, demander comment ça va ? De toute manière : non, ça va pas. Ça sera ça, la réponse que le personnel ne dira pas, ne pourra pas dire puisque tout le monde, d’une façon ou d’une autre, est en détresse. Une détresse qui vous fait monter des murs autour de vous. La hiérarchie a des airs compatissants. Où donc trouver le réconfort ? 

Adam Kay (photo) a un amoureux, graphiste, patient, tendre, attentionné, protecteur, malgré les gardes qui ne finissent pas, malgré les soirées annulées parce qu’il faut remplacer au pied levé un collègue absent. Ah, ces hugs, entre ces hommes qui s’aiment, qui essayent de protéger l’autre des catastrophes dans leur vie professionnelle, ces hommes qui se demanderont en mariage. Harry Muir, c’est le nom du mec d’Adam, est joué par Rory Fleck Byrne : parfait pour le rôle. Beau, grand, fort, calme, j’en veux un le même, face à un Ben Whishaw impeccable. La caméra des réalisateurs Lucy Forbes et Tom Kingsley montre, sans chichi, le corps de l’acteur, nu ou torse nu, maigre, fait de nerfs et d’os. Un médecin malingre à qui tout le système hospitalier public anglais impose d’agir comme un Atlas, le “porteur” en grec ancien, un géant soutenant le globe d’une société et d’un État qui ont laissé tomber, comme ça, sans soubresaut, l’un des essentiels d’un État et d’une société qui ne foncent pas dans le mur. 

Sauvons notre système de santé

Cet essentiel : la santé publique. Ce décalage impressionnant entre le physique d’un acteur à la poitrine creusée et la fonction surhumaine incarnée par le personnage épuisé qu’il joue, c’est quelque chose qui peut échapper à l’analyse du spectateur. Il m’a fallu les derniers épisodes pour me faire la remarque : le contrepoint représenté par l’allure et la prestance vigoureuses, athlétiques et sereines de Rory Fleck Byrne impose cette conclusion : protégeons nos médecins ! Protégeons notre système de santé. Consolidons-le. Sauvons-nous. Nos sauveurs, dans “This Is Going to Hurt”, ont un genou à terre. Et bossent dans des conditions parfois intenables. L’avons-nous déjà oublié maintenant que nos visages sont démasqués ?

Visible en continu sur MyCanal

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