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La Vitruvius NFT Gallery à Montpellier : première galerie NFT physique en France

Effet de mode pour certains, nouveau marché en plein essor pour d’autres, l’arrivée des NFT dans le monde de l’art a provoqué un séisme. Rencontre avec Victor-Emmanuel Bigand et Lu Tenorio qui ont monté à Montpellier la première galerie NFT physique en France. Ils organisent ce vendredi 17 juin leur premier événement de grande envergure, le “NFT MTP Day”, au Domaine de Rieucoulon.

Mars 2021, la célèbre galerie Christie’s organise la première vente d’une œuvre entièrement numérique en NFT :“Everydays – The First 5000 Days”, de l’artiste Beeple qui sera acheté pour un montant record de 69 millions de dollars, le plaçant parmi les trois artistes les plus chers aux côtés de David Hockney et Jeff Koons. De cette sorte de “big-bang” entre le monde de l’art et les NFT, est né une véritable attraction pour les collectionneurs et autres spéculateurs pour un marché possiblement juteux, bien qu’encore bancal et non régulé. 

Mais qu’est-ce qu’un NFT ? Il s’agit d’un token non fongible. Uniques et non-interchangeables, donc valorisés, ces jetons représentent un objet numérique (une image, une vidéo, un fichier audio), auquel est rattaché un certificat d’authenticité. Une simple série de chiffres, unique et infalsifiable. Ces certificats de propriété numérique sont inscrits dans la blockchain : une technologie de stockage et de transmission d’informations reposant sur la cryptographie. C’est précisément ceci qui fait office de titre de propriété.

L’art : 9% des NFT

La plupart des NFT associés à des œuvres d’art ne représentent aujourd’hui que 9 % du volume des ventes, contre les 76 % liés aux collectibles : des cartes de collection virtuelles NBA, le célèbre GIF Nyan Cat, des cosmétiques dans les jeux vidéo, un clip de Booba, ou même un simple tweet de Jack Dorsey, le fondateur de Twitter. Ces derniers étant le terrain de chasse des spéculateurs, ou des revendeurs. Parlons donc d’une véritable niche. Et c’est qui a son importance puisqu’il s’agit d’une branche bien à part qui s’adresse selon ses défenseurs davantage à une communauté de passionnés.

“Tokenniser” sa peinture virtuelle et l’intégrer à un wallet – comprendre un portefeuille virtuel sécurisé – peut s’avérer très intéressant pour les galeristes et les salles de ventes institutionnelles. Ces dernières peuvent désormais vendre des exemplaires uniques et authentiques d’œuvres numériques. Citons la Galerie des Offices à Florence qui a transformé un tableau de Michel-Ange en NFT, et l’a vendu pour 140 000 € afin de récupérer une partie de ces revenus perdus à cause de la pandémie. Ce fut une première pour un musée. D’un autre côté, il s’agit d’une aubaine pour les amateurs de technologie qui y voient là un moyen d’investir dans un nouveau domaine. C’est l’art qui s’ouvre désormais à un plus grand “grand public”.

Des investisseurs biberonnés aux NFT sont désormais prêts à mettre sous le feu des projecteurs de jeunes artistes et leurs œuvres dématérialisées, désormais non consultables et non copiables à volonté, donc rares et valorisés. Chacun y trouverait donc sa place. 

C’est un peu ce qui est arrivé à Victor-Emmanuel Bigand et Lu Tenorio, l’un est des attaches dans la région, l’autre a fait ses études à Montpellier. Le premier est entrepreneur et investisseur, fin connaisseur du milieu métaverse, ce monde virtuel, version future d’Internet 3.0 où des espaces virtuels partagés sont accessibles via une interaction 3D. La seconde est une jeune artiste vénézuélienne, formée à la peinture numérique et à la direction artistique. L’essor du marché NFT dans la sphère artistique les a convaincus d’investir dans une parcelle de terrain sur le métaverse. Plus précisément sur Cryptovoxels, un monde virtuel alimenté par la blockchain Ethereum où les utilisateurs peuvent acheter des terrains et construire des magasins et des galeries d’art. Les deux compères y montent une galerie virtuelle, exposent les œuvres de Lu, et organisent un vernissage grâce au carnet d’adresse de Victor. Ils vendront 4 œuvres en NFT auprès d’un seul collectionneur. L’engouement est là.

Victor-Emmanuel, l’air assuré, débit mitraillette, explique à LOKKO : “Les NFT, la cryptomonnaie, la blockchain, j’ai toujours trouvé que c’était un principe révolutionnaire. Quand le phénomène a commencé à émerger, je me suis pris de curiosité pour le métaverse, où chaque parcelle de terrain représente un NFT, et je voyais que les gens investissaient sur de l’immobilier dessus, et ça m’a rendu fou !”

Ils répètent l’opération à quatre reprises, avec à chaque fois plus d’entrain. Pour celui qui portait la casquette d’amoureux de la tech plus que celle d’investisseur, le patron de Facebook Mark Zuckerberg et son métaverse changent la donne. “Il y a clairement eu un avant et un après Facebook dans la démocratisation des NFT ”, poursuit-il. 

L’avènement de l’artiste digital

“Les multitudes de possibilités que le métaverse offrait m’ont convaincu.” Conscient que le marché peut être porteur, Victor décide sur conseil de Lu d’investir dans une galerie physique à Montpellier : la Vitruvius NFT Gallery, première galerie NFT physique en France (ci-dessus la galerie virtuelle). Victor et Lu entendent être les premiers à organiser une exposition physique d’œuvres en NFT en France. Ce sera chose faite le 29 octobre 2021 avec le vernissage “Non Fungible Art”, dans les 180 m2 que permet leur galerie. “Nous n’avions pas l’ambition de créer une galerie durable et pérenne au départ, mais plutôt d’organiser un tout premier événement, avec les œuvres de Lu et quelques autres afin de prendre le pouls. Puis finalement, le fait d’avoir cet espace d’exposition a attiré des artistes plus reconnus, et a généré un écosystème plus facile à atteindre.”

La mayonnaise prend à Montpellier, quatre autres événements seront organisés entre décembre 2021 et mai 2022, dont deux à la Galerie 411, espace associatif spécialisé dans l’exposition, l’accompagnement et le conseil de jeunes artistes locaux et d’amateurs d’art. Une telle collaboration sert de vitrine pour de jeunes artistes graphiques désireux de percer dans le monde impitoyable de l’art. Le levier pour aider davantage certains artistes à vivre de leurs œuvres est réel. 

Artiste depuis quelques années, Lu a vu en ces NFT une porte entrouverte. Si ces derniers n’ont pas changé sa manière de créer, ils l’ont assurément stimulée. “Je trouve qu’un artiste numérique était considéré comme un illustrateur et non comme un véritable artiste. Les NFT ont donné un nouveau sens aux œuvres d’arts numériques : une unicité et donc de la valeur. Mais aussi une crédibilité pour les artistes qui les réalisent. Ça a permis aux artistes numériques de sortir de ce statut et d’être reconnu en tant qu’artiste digital.”

Exposante, mais aussi curatrice des lieux, Lu gère le parcours d’exposition de la galerie. “Pour imaginer une exposition, je m’y prends de plusieurs façons. Soit je vais démarcher un artiste qui a une thématique qui lui est propre et qui correspond à plusieurs de ses œuvres, soit un artiste avec un grand portfolio, et qui peut remplir toute la galerie. Je fais une curation logique qui entre en accord avec le parcours de l’exposition. On essaie de créer tout un univers, une installation qui va générer une pédagogie. Pour accompagner cela, nous faisons appel à des stagiaires de l’Université Paul Valéry afin d’accompagner les curieux comme les investisseurs potentiels. C’est primordial.”

Victor-Emmanuel ajoute qu’à la différence du métaverse, où le public sait déjà où il va et ce qu’il compte faire, ceux qui se rendent à la galerie sont plutôt des intéressés, des curieux. Il faut les accompagner. Il s’agit de former un nouveau public localement (ci-dessous, Victor et Lu)

Des toiles en phygital”

La thématique du moment à Vitruvius, c’est l’exposition de toiles d’artistes en phygital.  Contraction de physique et digital, le phygital permet à une toile d’augmenter sa portée par la réalité augmentée. Voyons y un affranchissement des frontières. Ces toiles “phygitalisées” représentent un levier de rémunération pour des artistes numériques, ne pouvant percer dans le monde de l’art. L’acheteur, lui, repart avec une œuvre physique. 

Comment s’organise une vente à Vitruvius ? “Pour la vente, nous sommes obligés de passer par une marketplace (plateforme spécialisée dans le marché en ligne).” Les transactions s’effectuent via la cryptomonnaie Ethereum sur la blockchain, dont l’intérêt est de pouvoir tracer l’achat. C’est ainsi l’historique de la vente qui est incrusté, via son certificat dans les bases de données. Victor assure que l’avantage de la blockchain, c’est sa perméabilité et sa transparence, à rebours des usages de certains galeristes qui aiment grossir les chiffres : “C’est pour cela que l’on organise nos ventes de préférence sur la Blockchain : il y a acte clair d’achat entre deux portefeuilles numériques. C’est comme ça que le NFT vit le mieux : lorsqu’il est tracé.”

Des artistes mieux payés

L’acheteur, se rend sur une plateforme dédiée, où les œuvres, leurs prix, et la description de l’artiste sont inscrits. Des toiles chiffrées selon l’offre et la demande, mais aussi selon la cote de l’artiste : “Certains veulent commencer en étant à hauteur de 100 euros, d’autres de manière plus exclusive à 4 000 euros, c’est une question de cote. Quel que soit le montant, l’artiste reçoit 70 % de la vente, Vitruvius empoche les 30 % de commission restants. C’est moins que les galeries traditionnelles, l’artiste est mieux rémunéré qu’ailleurs. D’autre part, des royalties NFT sont distribuées automatiquement à chaque fois que l’oeuvre NFT est vendue sur une marketplace. À chaque fois que la toile d’un artiste est vendue à une tierce personne, celui-ci touche un pourcentage, établi à 10 %. Une révolution pour les artistes numériques, privés de royalties avant l’apparition des NFT. Les acheteurs sont pour la plupart, des crypto-collectionneurs, déjà insérés dans la blockchain, que ce soit dans le métaverse, ou ici à Montpellier. Preuve que le phénomène s’étend, certains débutants s’y mettent aussi.

Ainsi, artistes, investisseurs, galeristes, collectionneurs, tout le monde semble s’y retrouver dans le monde fantasque des NFT. Mais sous ce vernis apparent se cache une réalité plus contrastée : après une forte croissance l’an passé, le marché des NFT vit une période d’essoufflement en 2022. La forte baisse de la cryptomonnaie Ethereum (la très grande majorité des NFT est libellée dans cette cryptomonnaie) en est une cause. Les prix des œuvres ont en conséquence beaucoup baissé.

La question de la régulation du marché se pose inévitablement. Encore jeune, celui-ci dépend essentiellement de sa bulle spéculative. “Nous sommes pour une régulation du marché, affirment Victor et Lu. On aimerait pouvoir travailler avec les entreprises pour les achats d’art, mais c’est un énorme marché qui nous est fermé aujourd’hui car les entreprises ne peuvent dépenser de la ‘crypto’ autant qu’elles veulent. Autant la France est frileuse sur sa régulation, alors que les États-Unis sont plus en avance.”

L’épineuse question du droit d’auteur

La promulgation, le 1er mars dernier, de la loi autorisant la vente publique de NFT peut faire office de tournant dans le marché de l’art français. Néanmoins, dans une tribune publiée le 1er juin dernier, un collectif d’artistes dont fait notamment partie l’ADAGP, la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, a mis en garde contre le non-respect du droit d’auteur dans le domaine de l’art numérique, et se positionne en faveur d’une régulation : “Nous ne sommes pas contre le phénomène des NFT, qui apportent une réponse technologique utile aux artistes qui souhaitent vendre des œuvres numériques. En revanche, comme le marché n’est pas suffisamment régulé et structuré, nous voulons rappeler le cadre juridique et appeler à la responsabilité des créateurs de NFT, qui, lorsqu’ils souhaitent utiliser l’œuvre d’un autre artiste, doivent nécessairement demander l’autorisation de le faire : ce sont les principes mêmes du droit d’auteur”, explique Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP.

En cause, des créations “sauvages” de certaines œuvres préexistantes d’artistes que l’ADAGP représente, comme Chagall, Magritte ou Miró ou encore Picasso. En janvier dernier, par exemple, la plateforme OpenSea avait notamment admis que 80 % des images transformées en NFT sur sa plateforme étaient fausses ou volées. Autre ombre au tableau : le “wash trading”. Une manœuvre qui consiste à créer un NFT, puis à créer plusieurs comptes pour se l’acheter (à soi-même), et ceci à des prix de plus en plus élevés. Ce qui conduit à une flambée du cours.

Le “NFT MTP Day”

Rien n’est évidemment tout rose au pays du NFT. Victor-Emmanuel et Lu en sont conscients, mais comptent bien se faire une place dans le monde de l’art contemporain. Leur premier événement de grande envergure aura lieu vendredi 17 juin prochain au domaine de Rieucoulon à Montpellier : le “NFT MTP Day”. Une grande messe dédiée aux acteurs de la blockchain, aux collectionneurs de NFT et aux curieux de l’univers phygital. Expositions, performances artistiques, conférences, parcours en réalité augmentée, vente aux enchères d’œuvres NFT, le salon doit servir de tribune à une démocratisation massive du NFT dans le paysage montpelliérain. 

NFT VITRUVIUS GALLERY, 595 avenue des États du Languedoc, 34000 Montpellier. Voir le site de la galerie .

L’événement à voir ici sur Facebook : organisé par la NFT VITRUVIUS GALLERY, le NFT MTP DAY donne rendez-vous aux acteurs de la blockchain, les collectionneurs de NFT et les curieux de l’univers phygital. De 14h à 1h avec une mise aux enchères d’œuvres d’exception NFT à 21h.

Dix exposants de l’univers de la blockchain et des NFT tiendront un stand pour présenter leur projet respectif.  Des débats, une installation en réalité augmentée, des performances artistiques phygitales alimenteront le salon tout au long de la journée. En soirée : DJ SET de l’artiste montpelliérain Alex Mouton.

Les artistes, de haut en bas : Thibaud Zamora, Alain Vaissière, Jiangbrulant, Welderings.

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radfadklel
radfadklel
1 année il y a

Créditer les auteurs des images d’illustrations est-il optionnel?

Valérie Hernandez
Administrateur
1 année il y a
Répondre à  radfadklel

C’est un oubli, nos excuses.

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