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La cité Gély : les images d’une année en immersion

Juste avant que leur magnifique reportage, fruit d’une année de travail à la cité Gély, soit visible à la galerie d’art La Jetée, LOKKO est allé à la rencontre du photographe Laurent Vilarem et de la journaliste Lorrie Le Gac qui commentent ici une sélection de photos.

L’aventure a commencé en septembre 2020. Photographe depuis l’âge de 15 ans, Laurent Vilarem s’associe à la journaliste Lorrie Le Gac pour partir à la découverte de cette «Santes» Gély et saisir des instants de vie de ses habitants. À travers photos et entretiens, cette communauté gitane méconnue prend vie et proclame son humanité.

«Nous sommes restés sans voix devant les relations quasi indéfectibles que nous présentaient les gitans. Ce réseau de liens accrochés à chaque immeuble, chaque coin de rue de la cité, nous avons tenté de le dépeindre au mieux. Et de s’y raccrocher autant que possible, jouissant de la sensation d’appartenir, le temps de ce reportage, à la communauté des gitans de la cité Gély» confie Lorrie Le Gac.

« Une fraternité qui va plus loin que les liens du sang »

«Voici Paco». Un sourire attendri étire les lèvres de Laurent Vilarem alors qu’il me présente l’homme de la photo. «On le voit très souvent, ajoute Lorrie Le Gac. À chaque fois que l’on s’est rendu à Gély, soit une fois par semaine.» Paco est l’un des « personnages clef » du reportage, souvent représenté dans les photos sélectionnées pour l’exposition. Venu de Perpignan après avoir perdu ses deux parents alors qu’il avait 14 ans, il est recueilli par son oncle, habitant de la cité Gély. «Adopté» par les gitans, il devient l’un des leurs. Le photographe et la journaliste peinent à différencier les «vraies» familles (ADN en commun s’entend) des «familles de cœur», celles reconstituées par les habitants de la cité. Car dans ce quartier de Figuerolles, entraide, amitié et famille priment. «Nous avons vraiment essayé de montrer, à travers nos photos, cette fraternité entre les habitants, qui va plus loin que les liens du sang» commente Laurent Vilarem alors que je passe à la photo suivante.

« D’ici dix ans, Gély n’existera plus”

Cet homme, qui trône sur son canapé, s’appelle Henry Baliardo. Figure paternelle, patriarcale, de cette cité Gély, sa famille est l’une des plus anciennes (et importantes) du quartier. Très apprécié de ses pairs, il observe la cité de son sofa, témoin de l’évolution d’un lieu déchiré entre violence et tendresse, traditions et modernité.

La cité Gély pourrait être vouée à disparaître. Comme me l’apprend Laurent Vilarem, «le quartier est en restructuration. J’ai découvert la cité suite aux conseils de Thomas Miraoui, un ami architecte, qui m’a prévenu : d’ici dix ans, Gély n’existera peut-être plus comme on la connaît aujourd’hui.» Le reportage devient alors travail de mémoire, archive photographique d’un monde amené à se métamorphoser.

Une transformation réalisée parfois à contrecœur, comme pour Henry Baliardo qui a perdu son canapé il y a quelques mois. «En avril ou en mai, une association est venue dans le quartier et lui a demandé de le retirer de la rue, se rappelle Lorrie Le Gac. Il est resté des années sur ce canapé. Je suis heureuse qu’on ait pu l’immortaliser avec cette photo. On lui en a offert un tirage. Maintenant, il reste assis dans sa voiture, garée exactement sur l’ancien emplacement du canapé.»

«Il me fait penser à Chet Baker.»

Quand je demande à Laurent Vilarem si, à la mention de la cité Gély, un événement, un lieu, ou bien quelqu’un lui vient en tête, il me cite sans hésiter Sam, le fils de Ricardo le musicien. «On s’apprécie beaucoup avec Sam. Il me fait penser à Chet Baker. Lui aussi, comme son père, fait un peu de musique. Il est tout fou alors que Ricardo, au contraire, est très posé. Et en même temps, Sam est super curieux de ce qu’on fait. À chaque fois qu’il nous voit, il vient discuter avec nous, on boit un café

«”La cité Gély, c’est un grand village”

Le monsieur à l’arrière-plan, avec la barbe blanche, c’est Jean le poète. Il habite Place des sonnets, ça ne s’invente pas, s’amuse Lorrie Le Gac. Il est poète, écrivain, musicien… C’est un homme triste, sa femme est partie. La cité Gély, finalement, c’est un grand village avec ses habitants et leurs histoires qui nous touchent. Au fil de nos visites, on apprend à les connaître“.

Immersion dans un monde de bitume, de musique, de douleurs et de sourires, Laurent Vilarem capture la vie avec son appareil photo et Lorrie Le Gac l’enregistre avec son Zoom audio. Ces témoignages, il sera possible de les voir et de les écouter durant l’exposition à La Jetée. À travers l’image et les mots, les artistes nous prennent par la main pour nous faire parcourir les rues et entrer dans les appartements, dans l’intimité des familles.

«Ça nous a pris du temps, précise Laurent Vilarem. Au début, nous passions une ou deux heures dans la rue où nous rencontrions les habitants. Maintenant, ils nous connaissent et commencent à nous inviter chez eux. Dans un premier temps, j’ai observé. Le jour où j’ai vu une femme accoudée à la balustrade, je lui ai d’abord demandé si je pouvais la prendre en photo. La fois suivante, je ramenais des tirages des photos et je les montrais. Ça crée un échange. Je photographie, on discute, on rit, je pose l’appareil, on boit un café, Lorrie enregistre, je reprends mes prises de vue…»

«C’est incroyable ce qui nous arrive, reconnaît Lorrie Le Gac. On n’avait rien prévu de la sorte, à l’origine le reportage était vraiment un projet personnel…» Double surprise pour Lorrie Le Gac et Laurent Vilarem ; leur travail a finalement donné naissance à une exposition, « Je manje c mor ki me touche mé chein » (une inscription vue sur un mur au sens mystérieux) et à un livre, réalisé en collaboration avec les éditions Banzaï, revue montpelliéraine créée par Valentin Courtine (également directeur de La Jetée) et Marie Robert, entièrement sérigraphiée et vendue dans plusieurs pays d’Europe et outre-atlantique.

Mais le projet artistique ne s’arrête pas pour autant. Le binôme retourne régulièrement à la cité Gély pour poursuivre le reportage et en apprendre plus sur la communauté gitane ( peut-être un pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer en préparation). En tout cas l’objectif est atteint : la cité Gély est exposée aux yeux de tous, sans paillette, sans artifice, mais bouillonnante de vie, de contradictions et de poésie.

 

L’exposition de Laurent Vilarem et de Lorrie Le Gac « Je manje c mor ki me touche mé chein » est à découvrir à La Jetée (80 rue du faubourg Figuerolles), dès le 4 novembre 2021.
Pour la soirée de vernissage, les visiteurs pourront rencontrer quelques habitants de la cité Gély, conviés à découvrir leurs visages imprimés en grands formats et à jouer quelques morceaux de leur répertoire musical.

Plus d’informations à venir sur le site de La Jetée et sur leur page Facebook

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