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Le Journal d’une femme Nwar : “La France, c’est épuisant”

Un documentaire très fort a été projeté ce mercredi 27 mars au Diagonal : “Le Journal d’une femme Nwar” de Matthieu Bareyre. Portrait au plus près de la douleur d’une femme noire, en exil dans son propre pays, la France, qui rêve de retourner en “Noirie”, par ailleurs aux prises avec sa bipolarité.

Matthieu Bareyre a rencontré Rose-Marie Ayoko Folly lors du tournage deL’Époque” (*), un film au fil de l’eau la nuit à Paris. Rose est vite devenue la figure centrale du film, “un air de la colère du temps à elle toute seule”. A Paris, on l’arrêtait dans la rue.  “Il y a eu cette phrase d’elle dans un mur de la ville : J’ai pas de haine mais si tu savais comment j’ai le feu” raconte Matthieu Bareyre à LOKKO.

Puissante, une verve fascinante, elle pourrait être actrice chez Rebecca Chaillon. Dans ce documentaire, on la voit chez elle écrire son journal. “Virginia Woolf avait le même pet au casque que le mien”. “J’ai le droit de faire mes ongles pendant qu’on filme ?”. Elle se dit “toxicomane de luxe et bipolaire à tendance très maniaque”. Pour elle, ce film “est une belle manière de dire au revoir à la France”. Aller au Ghana, dont elle parle à peine la langue, est une idée fixe. Amère, blessée, elle rêve d’un “procès à la France entière”.

La plupart du temps, elle est filmée en gros plan. On ne voit quasiment jamais le réalisateur qui mène la conversation avec tact et affection sans éluder la tension filmeur/filmé. La force du film réside dans cette intimité, dans la banalité des moments choisis (un coup de fil au père) mais aussi dans le presque “tout montrer”. Y compris les engueulades de tournage et le craquage du cinéaste, lui aussi, à la limite. Et aussi ses crises, les appels au Samu dans une scène d’ouverture assez insoutenable.

Le documentaire emprunte à plusieurs genres : journal intime et interview, cinéma du réel, reportage, scope et film pour smartphone. Mais aussi à ce que Rose appelle sa “psychanalyse vidéo”. Tout est abordé. L’enfance. La violence du père. On est au plus près de sa folie. Il y a cette double peine : être noire et avoir des troubles mentaux (l’idée traverse l’esprit qu’il pourrait y avoir un lien de causalité entre l’un et l’autre des deux maux). La France, “ça me fâne”. “Je ne veux pas élever mes enfants en France, c’est un pays traumatisant pour moi”. Une affreuse et poignante désillusion.

Rose va mieux. Le film était un instantané“, confie Matthieu Bareyre. “Un fragment, une facette. Un moment de sa vie. Le projet a été mis en tension par ses crises“, confie Matthieu Bareyre. Crise existentielle autant que psychologique d’ailleurs. Etre noire en France est une position impossible. Le film fait écho à la question raciale mais aussi au noir de l’âme”. Aux dernières nouvelles, elle ne veut plus quitter la France, son pays.

Matthieu Bareyre est un compagnon de route de Marion Siéfert, metteuse en scène dont on a vu au domaine d’O, fin 2022, “_Jeanne_Dark_”, pièce sur la jeunesse engloutie dans les réseaux sociaux. C’est lui qui avait imaginé le live sur Instagram (les spectateurs pouvaient laisser leurs commentaires sur le compte Instagram de Marion Siéfert, diffusés en direct sur la scène). Il a co-écrit le spectacle programmé en avril : “Daddy”.

Une pièce d’actualité

Le Journal d’une femme Nwar est la “Pièce d’actualité n°18” de la vingtaine de formes produites en 10 ans par le théâtre de La Commune CDN d’Aubervilliers sous la direction de Marie-José Malis et Frédéric Sacard. Des formes artistiques inédites en lien avec le territoire sur des sujets peu traités au théâtre. 

Projection-débat du Journal d’une femme Nwar (France, 108 min, 2022, Coproduction Arte France, Alter Ego / Le Théâtre de La Commune – CDN Aubervilliers). Séance unique suivie d’un débat avec Matthieu Bareyre, en partenariat avec le Festival “Paul Va Au Cinéma” organisé par les étudiants de l’association “L’Ecran et son Double” et le Master “Création documentaire” de l’Université Paul Valéry

Mercredi 27 mars à 18h15, Cinéma Diagonal, 5, rue de Verdun à Montpellier. 

(*) Projection-rencontre de “L’Époque” (France, 2018, 90 min), premier long métrage de Matthieu Bareyre. Projection suivie d’un échange avec le cinéaste animé par les étudiant.e.s du Master 2 “Création documentaire”. Du Paris de l’après-Charlie aux élections présidentielles, une traversée nocturne aux côtés de jeunes qui ne dorment pas : leurs rêves, leurs cauchemars, l’ivresse, la douceur, l’ennui, les larmes, la teuf, le taf, les terrasses, les vitrines, les pavés, les parents, le désir, l’avenir, l’amnésie, 2015, 2016, 2017 : l’époque. 

Mercredi 27 mars à 13h45, salle Jean Moulin, Maison des étudiants/Campus route de Mende.

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